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non pas même dans la volonté des Miniftres qui auroient du les chercher. La réponse de M. de Lionne fut, qu'il étoit auffi étonné que moi, & qu'il n'avoit connu l'Espagne, que par la relation que je lui en avois envoyé, qu'il croyoit que le Roy fçauroit bien fe prévaloir de ces connoiffances, qu'il louoit fort mon zéle & l'application que j'avois eû de m'inftruire. Cela ne m'empêchoit pas de faire des follicitations pour les affaires de M. le Prince & je commençois à être affez avant dans les bonnes graces de M. le Marquis d'Aytonne, qui me faifoit prendre de temps-en-temps. du chocolat, me difant quelquefois, que je pouvois, le prendre en toute fûreté & que c'étoit Madame fa femme qui avoit foin de le faire me voyant bien avec lui, & fi je l'ofe dire,

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dans fa familiarité, j'entrai en converfation fur les fommes immenfes que les Pays-bas avoient coûté à l'Espagne & je luis dis que par la fupputation qui en avoit été faite en mille fix cent foixante-trois elle s'étoit trouvée monter à dix-huit cent foixan. re & treize millions d'argent venu d'Espagne, fans compter les revenus du pays, cequi le furprit fort. Je lui dis que s'il vouloit écrire au Véader qui étoit en ce temps-là à Bruxelles, il en auroit bientôt la preuve, parcequ'il trouveroit ce calcul mis en régle par les Officiers de Finance, M. de Caftel Rodriguez l'ayant fait faire à ma follicitation pendant que j'étois en ce pays-là. Que n'étant plus en état d'y envoyer de l'argent ils ne pouvoient les foûtenir & que la France s'en empareroit peu peu, dequoi il ne pouvoit dif

à

convenir, parceque dans nos entretiens je lui faifois connoître quelquefois que j'étois bien intruit par le détail des revenus

de Sa Majefté Catholique & du defordre de fes finances, que les dépenses néceffaires montoient infiniment au delà de la recette, que les Espagnols pourroient par un échange avoir le Rouffilon qui donnoit entrée dans le Languedoc, au lieu qu'il nous donnoit entrée dans la Catalogne, qui étoit fort fufceptible de révolte, & que prefentement le Roy de France mettoit un grand ordre dans fes affaires, qu'ils avoient baucoup à craindre de tous côtez, & que fi avec le Rouffillon on donnoit une groffe fomme d'argent, ils pourroient non feulement rétablir leurs affaires en Espagne, mais encore s'en fervir pour retirer les terres qu'ils avoient enga

gées au Royaume de Naples pour la moitié de ce qu'elles valoient. Il me demanda un jour fi je croyois qu'on voulût leur donner Bayonne & Perpignan en diminuant la somme dont je parlois, mais je lui rémontrai que ce feroit leur donner deux entrées en France, qui Jui feroient plus nuifibles qu'elle ne retireroit d'avantage par la jonction des Pays-Bas. Il m'alléguoit fouvent auffi que ce n'étoit que ces Pays-Bas qui les pouvoient tenir en quelque confidération vers l'Empereur,l'Angleterre & la Hollande, enfin après avoir fouvent rebattu cette matiere, je n'eus pas de pei ne à convenir avec lui, qu'il étoit impoffible de traiter cette affaire dans une minorité, avec une Junte compofée de douze perfonnes la plupart défunies

entr'eux,

Au mois de Mars M.l'Archevê que de Touloufe depuis Cardinal de Bonzy arriva à Madrid, en qualité d'Ambaffadeur, il me fut d'un grand fecours & d'un grand agrément par l'amitié qu'il me témoigna d'abord & qu'il me continua dans la fuite, cela caufa auffi une grande joye à mes Camarades, qui commençoient fort à s'ennuyer de la vie de Madrid, ils trouverent de quoi s'amufer par les honnêtetez de M. l'Ambaffadeur & de ceux qu'il avoit amené avec lui, pour moi je fus fi touché de fes bonnes manieres, que je pris la réfolution de ne plus rien faire ou dire, non feulement dans les affaires du Roy, mais encore dans celles de M. le Prince, fans lui en communiquer, ou pour mieux dire fans fes ordres. Je lui rendis un compte général de tout ce qui étoit venu à ma connoiffance

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