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connoiffance & par conféquent je lui parlai de la Prophétie dont nous nous moquames fort dans ce temps-là, mais par la fuite elle nous caufa bien du mouve ment, M. de Salcede que j'avois fort connu à Bruxelles & affez pour ne l'eftimer gueres, s'ad-t donna à venir manger quelque fois chez moi les jours que je ne traitois pas ces Meffieurs ; mais il avoit fi fort la mine d'un homme qui étoit gâté & nous lui en fimes tellement la guerre, qu'il réfolut de fe faire trai ter & pria M. Martin Apoticai re de M. le Prince, que j'avois mené pour mon Medecin, de vouloir lui faire cette opéra tion; celui-ci m'ayant deman dé fi je le trouverois bon, jeluv dis qu'oui, mais qu'il n'y avoit pas de mal de le faire cracher un peu plus qu'à l'ordinaire pour me vanger de tout ce qu'il

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m'avoit fait en Flandres. J'em tirois aflez de lumieres & lui faifois volontiers de petits prefens, qui ne laiffoient pas de lui faire plaifir.

Un jour que quatre ou cinq Grands d'Espagne devoient dî ner avec moi, je convins avec M. l'Ambaffadeur, qu'il viendroit un peu avant qu'on fe mît à table, & je le priai par la per miffion de ces Meffieurs de vouloir bien dîner avec eux fans aucune ceremonie, cela fe paffa fort bien. Ces Meffieurs qui man→ geoient feuls chez eux & parconféquent tenoient un trèsperit ordinaire, comme c'étoit la coûtume, prenoient un grand plaifir de dîner chez moi & furtout de manger des ragoûts & des entremets qu'ils ne connoif foient prefque point. Ces joursla j'augmentois mon ordinaire & leur donnois de grands pâtez de

perdrix rouges qui font trèsbonnes en ce pays-là, mais un peu féches, mes Gens me difoient qu'elles étoient à bon marché, parceque l'opinion générale à Madrid vouloit qu'elles fuflent mal-faines cette Année-là, à caufe qu'elles man geoient de la langote, qui eft une efpece de groffe fauterelle qui vole fouvent en l'air & en fi grande quantité, qu'elles pa roiffent comme des nuées & font un très-grand tort dans les en droits où elles tombent. Ces Meffieurs difoient fouvent qu'ils étoient honteux de manger toujours chez moi & qu'ils vou loient me traiter à leur tour mais qu'ils ne le pouvoient faire fije ne leur prêtois mes Officiers, leur usage n'étant point de man ger les uns chez les autres. Après dîné ils prenoient des eaux glacées & paffoient chez

moi une grande partie du jour, je leur donnois quelquefois une petite mufique à bon marché de deux voix feulement, dont l'une étoit celle d'une grande fille bien faite qui chantoit af, fez bien, & la feule blonde que j'aye jamais vû en Espagne.

Le jour que devoit arriver l'accompliffement de la Prophetie approchoit, cela faifoiz qu'on en parloit davantage & qu'on y ajoûtoit moins de Foy, mais tout d'un coup la nouvelle vint que le Roy avoit la fièvre double-tierce qu'on y foupçon noit du pourpre, cela fit une grande rumeur & chacun difoit que la Prophetie alloit s'accomi plir. Auffi-tôt il fe fit des affemblées des grands & des plus confidérables, & comme je fçavois qu'ils haiffoient fort la nation Allemande, je leur propofai de faire Roy d'Espagne. Monfieur,,

frere unique du Roy', qui s'appelloit alors le Duc d'Anjou & qui avec juftice en devoit être Heritier, que le faifant venir à Madrid ils l'élevéroient à leur mode & s'affureroient par-là de n'avoir plus de guerre avec la France, ce qui les confommoit de temps-én-temps, que ce feroit le moyen de fauver les PaysBas; cela ne fur pas fi-tôt pro pofé qu'il fut accepté, chacun regardant cette affaire comme le falut de fon Pays & le fien. particulier, M. Eznard Nou gnez fe fignala de fon côté en cette occafion; Il étoit fort familier avec ces Meffieurs, mais par deffus tous Meffieurs les Ducs d'Albe & de Veraguas. donnerent le grand branfle, je ne manquai pas de rendre compte à M. l'Ambaffadeur de cés bonnes difpofitions, il me chargea de fuivre cette affaire, & le.

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