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avoit choisi de plutôt mourir captif, que d'accepter un échange dont il S. AMAND. craignoit que l'exemple n'eût des fuites dangereufes. Après la derniere bataille, Saladin fe l'étant fait amener, lui offrit la liberté, à condition qu'on la rendroit à un Émir, fon neveu, prifonnier de l'Ordre. « A "Dieu ne plaife, répondit Saint-Amand, que je donne à mes fujets " un exemple auffi pernicieux; par-là je les autoriferois à fe laiffer » prendre, dans l'efpérance d'être échangés : un Templier ne doit » donner au plus, pour fa rançon, que fa ceinture ou fon coutelas : » vaincre ou mourir c'eft ma devife, c'eft l'efprit du corps (60). ” Ainfi penfoit cette grande ame, que Guillaume de Tyr nous dépeint comme un génie tout pétri de méchanceté, de fuperbe & d'arrogance, comme un brutal, qui n'avoit ni crainte de Dieu, ni égards pour perfonne (61); à quoi l'Abbé Fleuri ajoute, pour achever le portrait : « Tant cet Ordre avoit déja dégénéré (62). » C'est au lecteur équitable à décider lequel des deux eft le plus répréhenfible, de l'Abbé Fleuri qui conclut du particulier au général en matiere de mœurs, ou de Guillaume de Tyr, qui manifefte, d'une maniere auffi indécente, fon averfion pour Saint-Amand. Après des termes fi peu ménagés, ou ne doit plus être furpris fi les anciens, qui copient (63) ordinairement cet Hiftorien fur toute autre matiere, l'ont abandonné en ce qu'il avance contre les Chevaliers. En effet on ne trouve rien dans la conduite de ce Général, qui ait dû lui attirer un pareil traitement : fa fermeté dans l'affaire de du Mefnil, l'attachement qu'il fit paroître pour les immunités de fon Ordre, c'est tout ce qu'on peut lui reprocher. On s'eft trop avancé dans P'Hiftoire de Malte, & on y a promis plus qu'on ne pouvoit tenir, en difant qu'on feroit voir qu'Odon fe retira des mains des Arabes, & qu'il revint à Jérufalem; nous avons des preuves du contraire dans la Chronique de Trivet & ailleurs (64). Il mourut dans les

(60) Robertus de Monte, pag. 666.
Item, Trivetti Chronicon, ad ann. 1180.
(61) W. Tyrius, lib. 21, cap. 29.
(62) Hift. Eccléf., tom. 15, pag. 493.

(63) Jac. Vitriacus, cap. 69, 70, 71, &c. Marin. Sanutus, lib. 3, part. 8, cap. 5 & 6. Bernardus Thefaurarius, cap. 143. (64) Robertus de Monte, loco citato.

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fers à Damas, après quelques mois de captivité; fon zele ne s'étoit
pas borné à résister aux ennemis du nom Chrétien, il eut auffi pour S. AMAND.
objet de terminer plufieurs différends jufqu'alors indécis, & qui
étoient nés entre les Procureurs des deux Chevaleries, à l'occafion
de quelques fommes à partager & de plufieurs terres dont ils fe
difputoient la poffeffion : les deux Ordres devenoient rivaux à pro-
portion du befoin qu'on avoit d'eux, mais cette rivalité n'avoit pas
encore occafionné de rupture éclatante; loin de là, toutes les fois
que les Templiers avoient fait paffer en Orient des renforts confi-
dérables, les Hofpitaliers s'étoient fait un point d'honneur de les
imiter, & même de les furpaffer, & il ne leur étoit pas encore
arrivé d'en venir aux mains, quoi qu'en dife l'Abbé de Vertot (65).
Ce ne fut que long-tems après, 'que les Hofpitaliers affiégerent ceux
du Temple dans un château, comme nous le verrons en fon lieu.

, que,

Saint-Amand, résolu de terminer enfin ses différends avec ceux de l'Hôpital, fit un traité conçu en ces termes : Au nom du Pere, &c. "Nous, Odon de Saint-Amand, humble Maître de la Milice » du Temple, & nous, Roger des Moulins, Maître de la Maison » de l'Hôpital, favoir faifons à tous, préfens & à venir » pour obéir à la volonté de Dieu & aux ordres de notre Seigneur » Pape Alexandre, à qui feul nous devons obéir après Dieu, nous " avons terminé, du confentement de nos Chapitres, volontairement & d'une maniere irrévocable, tous les débats nés entre les » deux Ordres, tant au-delà qu'au-deçà de la mer, à l'occafion ❞ de nos terres, fommes & poffeffions quelconques, à ces clauses

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" & conditions:

"Nous voulons & ftatuons qu'en vertu de cet accord, qui eft » un renouvellement d'union fraternelle entre nous, & comme la » fin de toutes nos querelles, chacun des deux Ordres jouiffe dé→ » formais paisiblement de tout ce dont il eft reconnu être en actuelle "poffeffion, tant au-deçà qu'au-delà de la mer : Que s'il vient à

2 (65) Livre fecond, pag. 182

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» naître dans la fuite quelque nouveau fujet de conteftation entre nos » Freres, entre nous & nos fucceffeurs, nous ordonnons que, » conformément à l'intention du Souverain Pontife, l'affaire foit » terminée par des Chevaliers choifis pour cela de part & d'autre; "c'est-à-dire, que les Précepteurs des Provinces ou Maisons, ayant » débats entre eux, pourront en décider abfolument, en appellant "pour arbitres, chacun de fon côté, ceux de fon Ordre qu'il " croira les plus experts & les plus en état de contribuer au réta» blissement de la paix, & de rendre à chacun ce qui lui eft dû: "Que fi ces arbitres ne peuvent convenir entre eux, ils s'en » remettront à des amis conmuns, au jugement defquels il faudra » s'en tenir; & toutes les fois que la pluralité des voix, tant des » Chevaliers que des amis communs, l'emportera, l'affaire fera cenfée jugée, & la paix rétablie. S'il n'est pas poffible d'obtenir un juge» ment décifif par cette voie, l'affaire fera renvoyée par écrit à » notre Tribunal; & jufqu'à ce que nous l'ayions terminée, les sujets » des deux Ordres vivront en paix & bonne intelligence; & fi " quelques-uns d'entre eux donnent la moindre atteinte à cette » union, qu'ils fachent que c'eft contre l'intention de leurs Chefs, » contre les ftatuts de leurs Chapitres, & qu'ils ne peuvent expier » cette faute qu'en venant se présenter à nous & à notre Confeil. » Cet accord fut figné, envoyé au Pape, & confirmé en ces termes: « Alexandre, Evêque, Serviteur des Serviteurs de Dieu, à nos chers " fils, le Maître & les Freres de la Milice du Temple, falut & » bénédiction apoftolique: Plus votre Maison & celle des Hofpi» taliers se rendent agréables à Dieu & aux hommes, & néceffaires » à l'Eglise d'Orient, plus nous devons nous réjouir de l'union qui » est entre elles, & travailler à ce qu'elles ne fe défuniffent plus » dorénavant; c'est pourquoi nous ratifions & confirmons le traité » que vous venez de conclure touchant les conteftations qui s'étoient » élevées entre vous depuis long-tems, & nous prétendons qu'il " aura lieu pour toujours, » Le Pape finit en exhortant les Chevaliers des deux Ordres à faifir toutes les occafions de fe prévenir par des

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fervices mutuels, à concourir unanimement à l'avantage des deux Maisons, & à faire voir par leur conduite qu'ils font moins de s. AMAND. différens Inftituts que d'une feule & même profeffion, par la charité (66).

f

Cette Bulle, qui eft datée de Ségni, ne peut être du tems auquel on la rapporte, c'eft-à-dire, de 1182, puifque avant cette année Saint-Amand étoit mort, de même qu'Alexandre III. Ce Pape tint, en 1179, le troifieme Concile de Latran, auquel les Prélats Orientaux s'étoient rendus au nombre de quatre Evêques, un Abbé, un Prieur, & deux Archevêques, celui de Céfarée, & Guillaume de Tyr qui fut chargé de rédiger les actes de cette affemblée. On s'y plaignit amérement de l'abus que certains Réguliers, ceux du Temple fur tout, & ceux de l'Hôpital, faifoient de leurs priviléges; on les accufoit de recevoir des Eglifes des mains des laïques fans le confentement de l'Ordinaire; d'admettre aux facremens & à la fépulture eccléfiaftique des excommuniés & des interdits, d'inftituer & de deftituer des Prêtres dans leurs Eglifes fans la participation de l'Evêque Diocéfain; de célébrer les Saints Mysteres dans une Eglife interdite plufieurs fois l'année, contre l'intention du Saint-Siége, qui ne leur avoit donné cette permiffion que pour une fois l'année feulement; enfin, d'enterrer les morts dans ces Eglifes interdites, & de communiquer leurs priviléges à certains confreres ou affociés qui n'étoient pas Religieux. Sur ces plaintes, qui ne regardoient pas plus les Chevaliers que bien d'autres, les Peres du Concile, après avoir averti que ces abus venoient moins de la connivence des Supérieurs que de l'indifcrétion des Particuliers, firent un réglement qui portoit défense à tous Religieux de communiquer avec les excommuniés & interdits, nommément de recevoir des laïques aucunes dîmes ou Eglifes fans le confentement des Evêques, avec ordre d'abandonner celles dont ils étoient depuis peu en poffeffion.

(66) Rimeri Pacta, Conventiones, &c., tom. 1, ad annum 1182.

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"Ils auront foin, dit le Concile, de préfenter aux Ordinaires "les Prêtres qu'ils deftinent à deffervir les Eglifes qui ne leur ap" partiennent pas de plein droit, & ne pourront se réserver que la » connoiffance du temporel de ces Eglifes; quant à ceux du Temple » & de l'Hôpital, qui font envoyés pour quêter dans des lieux " interdits, ils ne pourront fe faire ouvrir les Eglifes qu'une feule " fois l'année; ils n'y donneront la fépulture eccléfiaftique à qui " que ce foit, & perfonne ne fera cenfé participer à leurs priviléges, » s'il n'a tout abandonné pour embraffer leur Inftitut. "

C'eft tout ce qui fut réglé fur les plaintes formées contre les Chevaliers pour leurs immunités, on les laiffa telles qu'elles étoient avant le Concile. Par ces Eglifes qu'on fuppofe leur appartenir de plein droit, il faut entendre celles qui étoient de leur fondation, & qu'ils faifoient deffervir par des Chapelains de l'Ordre; le Concile leur permet d'en inftituer ou deftituer les Prêtres fans permiffion des Evêques. Sous les enfans de Louis-le-Débonnaire, les laïques établiffoient des Prêtres dans leurs Eglifes, & les chaffoient fans le confentement des Ordinaires.

La mort de Saint Amand ne fut pas plutôt conftatée, qu'on DE TORROGE. penfa à lui donner un fucceffeur : les Chevaliers affemblés élurent le Frere Arnauld, Aragonnois, furnommé de Torroge ou de Tourrouge, de Tarroja, de Turrerubed, de Terrârubrá, qui avoit occupé les premieres charges de l'Ordre en-deçà de la mer, comme il se voit dans plufieurs actes paffés en' 1167, 1176 & 1177 (67). Par conféquent ce Frere Herminde, qu'une chronique Espagnole défigne pour premier Maître du Temple en cette année, & qui eut quelques différends avec Ferdinand Efcafa, Grand-Maître de Calatrava, ne peut être qu'un Précepteur ou Maître subordonné d'Espagne, Nous en avons dit autant du Frere Hugues Geoffroi ou Gaufrede de Cognac, que les Hiftoriens de Provence & de Languedoc font

(67) Gallia Chriftiana, tom. 1, col. 258.
Ibid, pag. 172, Inftrumentorum.

Hiftoire générale de Languedoc, tom. 3, pag. 541.

Grand-Maître

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