GERARD DE 1189. avantageuses à l'ennemi; tantôt c'étoient des machines démontées, des ouvrages détruits, ou des tours brûlées. Sans ceffe on étoit RIDERFORT. aux prises. Un jour que les Hospitaliers étoient de garde, & postés de maniere qu'ils empêchoient la communication de la ville avec le camp de Saladin, ils furent tellement enveloppés, qu'il fallut tout le courage & la bravoure des Templiers voifins pour les dégager (46). On prétend que dans une fituation auffi embarraffante pour les Chevaliers, le gouvernement de l'Ordre, & le commandement de fes troupes pafferent des mains de Riderfort, en celles d'un Chevalier François, connu fous le nom de Gaultier, perfonnage distingué & célebre dans l'Hiftoire, dont on a l'éloge dans une lettre de Blanquefort au Roi de France. Il eft vrai que Gaultier avoit mérité cet honneur, en s'attirant l'eftime & la confiance des Orientaux : il est vrai que, par le fuccès de fes négociations auprès du Roi Louis-le-Jeune, il s'étoit acquis un attachement d'affection univerfelle parmi fes Confreres, mais on n'a donné jusqu'à présent, & je pense qu'on ne peut donner aucune preuve pofitive qu'il ait été Grand-Maître (47). Avant que de continuer le récit des faits auxquels Riderfort eut part, nous allons reprendre la fuite des donations faites à l'Ordre. D'abord on voit, dans les titres de Tempelhuis, près de Gand, que cette Maison & fa Chapelle furent fondées avant 1180 (48). Vers ce tems-là les Seigneurs de Bréda, Henri & Gerard, donnerent aux Templiers de Braeckel ou la Bracque plufieurs héritages avec la chapelle de Saint-Jean de Bréda, qui exiftoit encore fur la fin du dernier fiecle (49). Les mêmes fondateurs ont auffi doté, dans Alphen, une Commanderie qui a rendu cet endroit célebre (50). (46) Hiftoria Jerofol., pag. 1164. (47) In geftis Dei per Francos ad calcem, pag. 1179 & 1184. (48) Joh. Bapt. Gramaye Antiquitates Tome I. Flandria Gandavum, pag. 24. (49) Ibidem, Antiquitates Bredana, p. 12. Y GERARD DE RIDERFORT. 1189. En 1181 Gilbert de Nivelle accorde trois cents mefures de terre entre Ifendik & Oftbroëk, anciennes villes de Flandre (51). Près d'Oftende, dans le Francq de Bruges, on voit encore la Maifon de Slipes, fondée, à ce qu'on prétend, par les Comtes de Flandre. Le monument le plus ancien où il en foit fait mention, eft de 1182 on y lit que Villaume Govela fait aux Chevaliers de Slipes une donation de trente-cinq mefures de terre fur le bord de la mer, près de l'éclufe de Bertulfe (52). Dans une autre charte qui concerne cet hofpice, on voit qu'Amian d'Ans, Maître du Temple au-deçà de la mer, fit un échange des revenus de Slipes avec la terre de Hulft qui lui appartenoit (53). Philippe, Comte de Flandre, dans fes lettres de 1182, parle d'une Maison de Templiers nommée Caëftre, près de Mont-Caffel, commencée par les aumônes des Fideles, & achevée par les Seigneurs du pays (54). Ses biens font fitués à Ypres, à Lille & à Caffel. On connoît encore dans les Pays-Bas plufieurs autres Maisons du Temple dont l'année de fondation eft incertaine; favoir Villersle-Temple en Condros, entre Liége & Huy; Vaillenpont ou Walsberge & Chantraine au Vallon Brabant; Loison, près de Hefdin en Artois; Haut-Avenes, près d'Arras (55); Temploux, près de Fléru, dans le Comté de Namur (56); Piéton & Vernoi dans le Hainaut, dont il eft parlé plufieurs fois dans la Chronique de BonneEfpérance (57); à Louvain, la Commanderie de Saint-Jean P'Evangéliste; à Douai, le Temple-Dieu (Les Trinitaires de cette ville, fort modiquement fondés & dotés en 1199, ont été mis dans la fuite à leur aise par une distraction des biens (58) de cette Maison); (51) Joh. Bapt. Gramaye Antiquitates] (56) Gramaye, ibid., prafectura floridi Auftroburgus, pag. 115. (52) Ibidem, Oftenda, pag. 120. (53) Ibidem, apud eumdem Gramaye. (54) Ibidem, Belgiolum, pag. 195. ruris. (57) Chronicon Bonafpei, ad annos 1176, 1181, 1252 & 1277. (18) Gramaye Antiquitates Flandria (55) Aub. Mirai Opera Diplom., tom. 2, Duacum, pag. 207. pag. 1165. à Steenvorde, le Prieuré de Saint-Laurent, qui eft une dépendance dè la Commanderie de Caëftre (59). En 1184, le Pape Luce confirme une donation de quinze arpens de terre, d'une prairie & d'un marais, faite par Godefroi-le-Barbu, Duc de Brabant, & augmentée par fon petit-fils, de plufieurs immunités & priviléges dans tout le Duché de Brabant & le Comté d'Arefcot. Ce dernier étoit Godefroi III, qui, à fon retour de la Palestine, s'étant arrêté à Bénévent, dans la Maifon des Chevaliers, renouvella cette donation entre les mains de Guillaume de la Foffe, Précepteur de la Pouille & de la terre de Labour, en reconnoiffance des fervices qui lui avoient été rendus par les Templiers Orientaux (60). Nous ne parlons pas ici de bien d'autres fonds que l'Ordre poffédoit dans les Pays-Bas, à Frameries, à Sart, à Berelle, à Marles près de Valenciennes, à Saint- Symphorien près de Mons (61), parce que nous n'en connoiffons pas les donateurs. Cette même année 1184, le Roi de Jérufalem, Baudoin IV, abandonne à ceux de fes États Bethaget, Mazor avec leurs dépendances, & quelques autres pieces de terres incultes (62). En 1185 Boniface, Evêque de Cannes dans la Pouille, donne à perpétuité au Grand- Maître tous les fonds de Sainte-Marie de Salina, avec leurs droits & dépendances, à charge d'une reconnoiffance de trois livres d'encens (63); & Raimond d'Uzès Evêque de cette ville confere à l'Ordre l'Eglise de Barriac, par confidération pour le Précepteur de la Maifon de Challes (64). En 1186 Nicolas, Evêque de Viviers, donna l'Eglife de SaintPierre de Bannes & quelques autres de fon Diocese à la Maison de Jallès dans le Velai, à laquelle Arnaud de Bannes & fes enfans avoient auparavant donné, en 1181, tous les droits qu'ils avoient fur cette Eglife. Hugues de Bannes lui donna encore, en 1203, (59) Gramaye Caftellania Antiquitates (62) Ducange, Gloffarium verbo Gastina. Flandria Cafletenfis, pag. 188. (63) Italia Sacra, tom. 7, col. 793. (64) Gallia Chriftiana nova, tom. 6, (60) Aub. Miraus, ibid., p. 1189 & 1191. (61) Origines omnium Hannonia cœnobiorum pag. 621. per Philipp. Braffeur, pag. 118. GERARD DE RIDERFORT. 1189. GERARD DE RIDERFORT. 1189. 1150. toutes les dîmes qu'il avoit droit de lever fur la même Paroiffe (65). En 1187 Dom Sanche, Roi de Portugal, en vue d'attacher de plus en plus ces Chevaliers à fon fervice, leur donna la ville d'Idanha fur le Ponful, qu'il venoit de conquérir fur l'ennemi du nom chrétien conjointement avec eux (66). Peu auparavant il s'éleva une querelle entre les Bouchers de Paris, & les Templiers de cette ville. Ceux-ci, voyant que Paris s'augmentoit de jour en jour, & que la grande boucherie ne pouvoit fournir aux befoins de tous les Habitans, firent dreffer une boucherie, fur le terrein où ils exerçoient haute, moyenne & baffe juftice: le corps des Bouchers s'y oppofa, & prétendit que perfonne ne pouvoit tenir boucherie fans leur confentement. Le différend se termina à condition que la boucherie du Temple n'auroit que deux étaux, larges chacun de douze pieds. Les lettres expédiées là-dessus se trouvent aux archives du Temple (67). au Revenons maintenant aux Orientaux : ils attendoient l'Empereur d'Allemagne avec impatience; le bruit de fon départ n'avoit pas peu contribué à relever leur courage abattu; toutefois ils n'eurent pas la fatisfaction de le voir en vie. Après avoir furmonté tous les obftacles que les Grecs avoient oppofés à fon paffage, il mourut delà du mont Taurus, fur le bord d'une riviere où il s'étoit baigné. Après fa mort, les Allemands, arrivés devant Acre au nombre de fept à huit mille, de plus de cinquante mille qu'ils étoient en partant, élurent pour Chef de la Nation Frédéric de Suabe, fecond fils de l'Empereur. Grand nombre de Seigneurs Allemands, qui avoient fuivi ce Prince en qualité de volontaires, les uns par un fentiment de piété, d'autres par un défir de gloire, s'enrôloient dans la milice du Temple & de l'Hôpital, ou s'occupoient à panser dans le camp les bleffés & à foigner les malades (65) Hift. génér. de Languedoc, t. 3, pag. 45. (66) La Clede, Hiftoire de Portugal, t. 1, pag. 200. (67) Hiftoire de la ville de Paris, tom. 1, pag. 205. de leur Nation. C'est ici l'origine de l'Ordre Teutonique, premiere branche de celui des Templiers. L'État, voulant avantager ces pieux gentilshommes, & gratifier la Nation Allemande, leur propofa d'inftituer une nouvelle Chevalerie qui fût en même tems hofpitaliere & militaire. Quarante Seigneurs Allemands, diftingués par leur nobleffe & leurs faits d'armes, y confentirent, en furent les fondateurs & les premiers membres. Le jour de leur engagement, ils fe lierent par les trois vœux folemnels, & s'obligerent à fervir les pauvres à l'imitation des Hofpitaliers, à fuivre la difcipline clauftrale & militaire des Templiers, en tems de paix comme en tems de guerre (68). A la priere des Orientaux & des deux Grands-Maîtres, le Pape Célestin approuva cet Inftitut en 1192 par une bulle qui ne fe trouve plus. Pour fe diftinguer des autres Chevaliers, ils prirent, non le manteau blanc, comme nous le prouverons dans la fuite, mais une Croix noire attachée fur leur écu, fur leurs manteaux & fur leur banniere, dont le fond étoit de couleur blanche. Henri Walpot fut choifi premier Maître de cet Ordre naiffant, & fut mis en poffeffion de l'Hôpital du mont de Sion, comme du lieu principal de la fondation. Les Papes & les Souverains, fondés fur les fervices que les deux autres Ordres militaires avoient rendus jusqu'alors, ne tarderent pas à donner à celui-ci des marques de leur attachement. Il reçut du Saint-Siége les mêmes priviléges que les Templiers & les Hofpitaliers on lui accorda le droit de pofféder à perpétuité toutes les Terres & Provinces qu'il pourroit conquérir fur les Infideles. Il fe divifoit autrefois en fept Provinces, qui étoient l'Arménie, l'Achaïe, la Sicile, la Pouille Teutonique, l'Autriche, la Pruffe & la Livonie; aujourd'hui c'eft en douze Bailliages, dont huit Catholiques & quatre Proteftans; les derniers font Heffe, Thuringe, Saxe & Utrech; les Catholiques font: Alface, Autriche, (68) Statuimus ut Ordo Fratrum Hofpitalis Hierofolimitani circà pauperes & infirmos, Ordo verò Fratrum Militia Templi, circa Clericos & Milites & alios Fratres, juxta inftitutionem GERARD DE RIDERFORT. 1190. |