페이지 이미지
PDF
ePub

L'histoire ne nous paraît pas plus favorable à cette supposition préalable qu'à la thèse elle-même qu'on voudrait appuyer sur elle. Sans doute il y eut dans l'histoire du peuple juif un moment où l'hellénisme exerça une puissante attraction sur la classe dirigeante à Jérusalem. Ce fut dans les derniers temps de la domination des Ptolémées d'Égypte, et plus encore lorsque la Syrie hellénisée fut devenue la suzeraine de la Judée, c'est-à-dire de la fin du troisième au premier tiers du second siècle avant notre ère. Mais cette invasion de l'hellénisme, d'abord pacifique et subie sans résistance ouverte, puis violente et intolérante, provoqua précisément une réaction d'une extrême énergie qui balaya comme autant d'abominations les nouveautés que la politique syrienne avait introduites dans la vie religieuse du peuple juif. Il est évident que l'hellénisation systématiquement appliquée n'avait atteint que la surface. Elle avait pu propager des modes nouvelles, des jeux et des plaisirs auparavant inconnus, mais elle avait froissé le puritanisme héréditaire par ses innovations licencieuses, elle avait fini par révolter les consciences en imposant le culte idolâtrique de Zeus olympien ; au fond, elle n'avait rien changé. L'âme du peuple était restée la même. A l'exception de quelques affinités, très contestables elles-mêmes, de l'auteur de l'Ecclésiaste — un livre dont l'autorité fut visiblement des plus minces — avec les théories épicuriennes, on ne peut signaler en Palestine même, chez les Juifs pur sang, aucune trace positive de l'influence grecque sur le judaïsme et le développement ultérieur des idées juives. Les écoles rabbiniques et les rêveurs du genre apocalyptique ne cessèrent de tenir la tête du mouvement de la pensée religieuse, et ce serait confondre étourdiment Jérusalem avec Alexandrie que de s'imaginer que, dans les deux siècles précédant notre ère, les docteurs juifs de Palestine se préoccupassent à un degré quelconque de ce qu'avaient pu enseigner les sages

de ce monde payen pour lequel ils ne ressentaient qu'un superbe dédain. Les maximes et les tendances religieuses, qui distinguent l'Évangile du judaïsme ambiant et qui contiennent en germe une inévitable scission plongent par leurs racines dans la tradition, dans le passé prophétique et scripturaire du peuple juif et n'ont besoin pour s'expliquer historiquement d'aucun appel à l'étranger. Les livres palestins qui remontent à l'époque immédiatement anté-chrétienne ne trahissent aucune sympathie avouée ou latente pour l'hellénisme. Enfin il suffit de lire les trois premiers évangiles, échos fidèles des discussions et des oppositions dont l'enseignement de Jésus fut l'objet, pour s'assurer que l'Évangile sortit d'un sol essentiellement. exclusivement juif, où l'hellénisme et ses façons de penser ne comptaient pour rien 2.

C'est donc avant tout le judaïsme et son histoire qu'il faut étudier pour dégager dans la mesure du possible les origines réelles du christianisme. Nous répétons qu'il en sera autrement quand il s'agira de raconter l'histoire de sa propagation à travers le monde gréco-romain. Or l'histoire du judaïsme avant notre ère est celle d'un peuple

1. On peut ranger dans cette catégoric, après le livre de Daniel qui est du temps d'Antiochus Épiphane, le traité original de l'Ecclésiastique, Tobie, le livre d'Hénoch (en grande partie), I et II Macchabées, le Psautier de Salomon, le livre des Jubilés, etc.

2. Naturellement il ne faut pas pousser jusqu'à l'absolu cette séparation de tendances et d'idées contemporaines. Il en est qui sont, pour ainsi dire, dans l'air du temps. Il y a des synchronismes dans l'histoire de la pensée philosophique et religieuse qui se dérobent à toute explication. Pourquoi, pour ne citer qu'un exemple, la philosophie socratique et platonicienne de la Grèce estelle contemporaine de Confucius et de Lao-Tseu? On ne peut cependant recourir à l'hypothèse d'un emprunt, soit de l'un, soit de l'autre côté. De même, la doctrine de l'immortalité chez les Grecs et chez les Juifs présente un principe commun, celui de la survivance; mais il suffit d'étudier d'un peu près la doctrine juive et la doctrine grecque pour s'apercevoir qu'elles se rattachent respectivement à des prémisses tout à fait différentes.

et d'une religion indissolublement attachés l'un à l'autre. Sans avoir la prétention de retracer en détail leur histoire. commune, il faut en rappeler les évolutions principales, signaler les hommes et les évènements qui en déterminèrent la direction et arriver ainsi à la claire intelligence de la situation réelle du peuple juif au moment où Jésus prêcha son Évangile. C'est une étude préalable dont on ne saurait se dispenser.

[ocr errors]

Jost,

bis zur Einsetzung

GRETZ, Geschichte

PRINCIPAUX OUVRAGES A CONSULTER: EWALD, Geschichte des Volkes Israël, 3e éd., 1864-1868, 7 vol., particulièrement le vol. 4. HITZIG, Geschchite des Volkes Israël, 1869. Geschichte des Judenthums und seiner Secten, 3 vol., 1857-1859. HERZFELD, Geschichte des Volkes Israël des Makkab. Schimon, 3 vol., 1847-1857. der Juden, 11 vol., les deux premiers parus en dernier lieu, 1864-1871, partic. le vol. 3. ·J. Derenbourg, Essai sur l'histoire et la géographie de la Palestine, précieux recueil raisonné de traditions rabbiniques, Paris, 1867. MILMAN, The History of the Jews, 3 vol., 3e éd., 1863. DE SAULCY, Histoire des Macchabées, Paris, 1880. LOOMAN holland.), Geschiedenis der Israëliten van de babylonische Ballingschaf tot op de Komst van J. Ch., Amsterdam, 1867. A. KUENEN (holland.), De Godsdienst van Israël tot den ondergang der joodschen staat, 2 vol., partic. le 2o. L'auteur du présent livre a publié d'après cet ouvrage de Kuenen dans la Revue des Deux-Mondes du 15 mars 1872 un article intitulé Le Judaïsme depuis la Captivité de Babylone. - E. RENAN, Histoire du peuple d'Israël, 5 vol., 18871893. E. SCHURER, Geschichte des Judischen Volkes im Zeitalter Jesu Christi, 2 vol., 1890. Nous signalons tout spécialement cet ouvrage que nous considérons comme le meilleur et le plus complet des répertoires raisonnés de tous les documents relatifs à l'époque dont nous avons à nous occuper spécialement. — H. SCHULTZ, Alitestamentliche Theologie, 5e éd., Gættingue, 1896.

[ocr errors]

SOURCES ANTIQUES : Les deux premiers livres des Macchabées (pour la période 175-135 av. J.-C.). — L'historien juif JosÈPHE,

De Bello judaïco en 7 livres, les Antiquitates judaïcœ en 20 livres, ses deux livres Contre Apion et sa Biographie rédigée par lui-même, Vita Josephi. Tous ces livres sont écrits en grec. On peut trouver aussi quelques renseignements accessoires chez les auteurs classiques et dans les fragments conservés de quelques ouvrages qui ne nous sont pas parvenus, tels que ceux de Nicolas de Damas, l'ami et le conseiller d'Hérode le Grand, v. les Fragmenta Historicorum græcorum, coll. Didot, tome III, de Juste de Tibériade (ibid.), d'Ariston de Pella, même coll., tome IV, etc. M. Théodore Reinach a rendu un éminent service aux études juives en publiant un Recueil annoté des Textes d'auteurs grecs et romains relatifs au Judaïsme, Paris, 1895.

CHAPITRE II

LA GENÈSE DU MONOTHEISME D'ISRAEL

On a raison de considérer le grand évènement connu sous le nom de « Captivité de Babylone » (587-536) comme marquant la crise radicale qui imprima une direction définitive à la pensée religieuse du peuple d'Israël, ou du moins de la portion qui seule désormais le représenta dans le monde. Cette captivité coupe son histoire en deux parties très distinctes. Ce fut, non pas un peuple tout nouveau, mais un peuple très renouvelé qui sortit de cette catastrophe, à laquelle une race moins fortement trempée eût certainement succombé. Ce n'est pas que nous acceptions les théories de quelques auteurs contemporains qui tendraient à nier ou à réduire à un minimum imperceptible la filiation ethnique et religieuse rattachant l'ancien Israël au peuple qui se constitua en Judée après l'édit libérateur de Cyrus (536-535) 1. Cette

1. V. par exemple Le Judaïsme et l'Histoire du peuple Juif de M. Ch. Bellangé, Paris, 1888, libr. Laisney. En ce qui concerne spécialement les écrits des prophètes, M. E. Havet, La Modernilė des Prophètes, 1891, et M. Maurice Vernes, en plusieurs travaux qui doivent encore être réunis dans un ouvrage définitif, me paraissent s'être mis en dehors des conditions d'une critique vraiment historique en modernisant l'ensemble des écrits prophétiques avec autant de système qu'on en mettait autrefois à reculer leur composition jusqu'à des époques où il fallait faire intervenir le miracle pour en expliquer les détails. M. Vernes toutefois est moins absolu que M. E. Havet et beaucoup plus au courant des travaux de la critique moderne.

« 이전계속 »