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mulgation d'une loi tout à la fois civile et religieuse, laquelle se trouve reproduite pour nous dans les parties les plus anciennes du Deutéronome. Son élaboration suppose une entente entre le parti prophétique et le sacerdoce du Temple de Jérusalem, et c'est pourquoi la législation nouvelle mêla bon nombre de prescriptions rituelles aux principes les plus chers au prophétisme: monolâtrie rigoureuse, point d'idole, tout autre culte que celui de Jahvé interdit par tout le royaume ; puis, comme moyen principal d'exécution, centralisation du culte au Temple unique de Jérusalem, défense sévère de sacrifier ailleurs, suppression des autres sanctuaires («< hauts lieux »), les Lévites promus définitivement au rang privilégié de caste sacerdotale, mais concentrés autour du Temple et soumis à l'autorité directe des supérieurs de la maison sacrée ; expulsion des évocateurs d'esprits et des divinateurs; le prince ayant pour mandat de tenir main forte à l'observation de toutes ces prescriptions, telles furent les dispositions du nouveau code1. Tout était calculé pour que rien ne manquât à la réalisation de l'idéal des prophètes, et pendant une vingtaine d'années on put croire que, fidèle à ses promesses, Jahvé ne tarderait plus à faire briller l'aurore de « son jour », de l'ère de prospérité et de gloire qui devait récompenser tant de fidélité.

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Ce fut donc une catastrophe écrasante que la défaite et la mort de Josias en 609 à Megiddo, où il avait eu la témérité de s'attaquer à l'armée égyptienne de Nécho en guerre avec l'empire chaldéen. Josias avait pris parti pour la Chaldée contre l'Égypte et n'avait pas attendu que son puissant allié fût en état de le soutenir. Il est bien probable qu'il se flattait d'être protégé par l'invincible Jahvé. Quel démenti sanglant aux espérances des prophètes ! Les histo

1. Comp. le récit de la découverte du nouveau Code et ses conséquences, II Rois, XXII-XXIII.

riographes juifs n'ont jamais su en donner d'autre explication que celle-ci : son grand-père Manassé avait par ses infidélités systématiques fait déborder la coupe des colères de Jahvé à tel point que les mérites de son petit-fils n'avaient pu en conjurer les effets. Il n'est pas étonnant que l'orthodoxie de Juda ait reçu de ce tragique événement un coup dont il lui était bien difficile de se relever. La réforme ou plutôt l'épurationde la religion nationale opérée sous le règne de Josias ne fut que mollement défendue par ses quatre successeurs. Bon nombre des abus qu'on croyait extirpés reparurent. Le malheureux royaume, assujetti par les armes du souverain chaldéen, mais dont les chefs s'obstinaient à compter toujours sur l'alliance avec l'Égypte, creusa lui-même l'abîme où il devait disparaître en se révoltant plusieurs fois contre la suzeraineté chaldéenne. Sa ruine fut consommée sous Sédécias par la destruction du Temple, des murs de Jérusalem, de toutes les maisons de quelque importance et par la déportation en masse de toute la population notable. Jérémie, témoin de ces effroyables malheurs que son patriotisme clairvoyant avait inutilement tâché de prévenir, dut s'enfuir lui-même peu après en Égypte avec les misérables restes épargnés ou plutôt dédaignés par le vainqueur. Il y avait lieu de croire que tout était fini et que, comme tant d'autres peuples anéantis par Ninive et par Babylone, Juda serait désormais rayé du livre de l'histoire. Au contraire tout allait recommencer.

CHAPITRE IV

LA CAPTIVITÉ DE BABYLONE

La déportation des peuples vaincus, calculée pour annihiler les petites nationalités vivaces, passait à Ninive et à Babylone pour le moyen par excellence de consolider les empires. La méthode était affreusement tyrannique; elle valait pourtant mieux que le massacre en masse. Une fois arrivés dans la région qui leur était assignée, les déportés n'étaient pas ordinairement soumis à des traitements cruels. On tolérait qu'ils vécussent entre eux, selon leurs coutumes, qu'ils exerçassent leurs industries; ou bien on leur donnait des terres à cultiver. D'après tout ce que nous en pouvons savoir, il n'est pas à présumer que

gros des Juifs internés dans l'empire chaldéen, à Babylone et sur les rives du Chaboras, ait eu trop à se plaindre du régime qui leur fut imposé.

Mais ils souffrirent beaucoup moralement. Ils tombaient de haut. L'orgueil indomptable qu'ils puisaient dans le principe même du jahvisme, celui de l'alliance particulière avec Jahvé, avait reçu la plus douloureuse des blessures. Ce n'était pas seulement une punition, une rude épreuve; c'était un écrasement. Il y avait de quoi se demander s'il fallait continuer d'adorer Jahvé. Ou bien Jahvé n'était pas le protecteur tout puissant que l'on avait cru, ou bien il avait complètement abandonné son peuple. Il n'est pas surprenant que bon nombre des déportés aient renoncé, du moins dans les premiers temps, à une croyance aussi

JESUS DE NAZARETH.

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cruellement démentie par les événements, que beaucoup d'autres aient pensé qu'ils étaient en droit d'acheter la sécurité et le bien-être en se conformant de leur mieux aux mœurs et aux coutumes religieuses du peuple vainqueur. Les Chaldéens ne ménageaient ni les injures ni les rebuffades à ceux de ces nouveaux venus qui se cramponnaient aux usages de Canaan, à leur religion héréditaire, et dont l'attitude les irritait. Car ceux des déportés, et il y en avait aussi, dont la foi jahviste était demeurée inébranlable, laissaient certainement percer leur orgueil de race et leur dédain en face de cette massive religion chaldéenne dont les tours pyramidales, les dieux colosses, l'imagerie de métal, de pierre et de bois, les cérémonies magiques leur inspiraient toute autre chose que du respect. Ces tours vertigineuses, les ziggurats, qui avaient l'air de vouloir atteindre le ciel et n'y parvenaient jamais, l'outrecuidance ridicule de l'homme avait seule pu en concevoir l'idée. Ces idoles taillées ou fondues, que l'on encensait, que l'on consultait, que l'on conjurait, il fallait être dénué de tout bon sens pour les prendre au sérieux. Est-ce que cela entendait ? Est-ce que cela voyait ? On pouvait tout aussi bien faire des outils et des vases communs avec le métal, on pouvait se chauffer avec le bois dont elles étaient formées1. Quand on les juchait sur un piédestal, il fallait les clouer solidement; quand on les promenait en public sur des litières ou des bêtes de somme, il fallait les sangler, si l'on ne voulait pas qu'elles tombassent 2. Il n'est pas douteux que, chez ceux des déportés qui demeurèrent fidèles à l'orthodoxie de Juda, la réaction provoquée par contact quotidien avec un des plus puissants polythéismes de l'antiquité fortifia bien plus qu'elle n'affaiblit le monothéisme, l'horreur de l'idolâtrie, en un mot les conséquences que les prophètes avaient déjà tirées des principes

1. És., XLIV, 9-20.

2. Comp. És., XLI, 6–7; XLVI, 1-2.

le

du jahvisme. La vieille théorie d'après laquelle les malheurs d'Israël n'étaient jamais que le châtiment mérité par ses fautes, mais ne pouvaient aller jusqu'à la destruction irrévocable du peuple que Jahvé avait aimé, fut appliquée de nouveau avec un redoublement de confiance. L'excès de l'infortune pouvait même à ce point de vue passer pour le signe du prochain retour de la prospérité. Peu de temps après la première déportation, Jérémie, toujours prudent, devait écrire à ses compatriotes exilés pour les prémunir contre les illusions engendrées par des prédictions mal fondées qui annonçaient la prompte fin des tribulations. Illes engageait au contraire, dans leur intérêt bien entendu, à s'établir sérieusement aux lieux où ils étaient relégués, car la captivité durerait l'espace d'une pleine vie d'homme, soixante-dix ans 1.

Sans se flatter d'illusions aussi décevantes, bien des Juifs fidèles établis en Chaldée n'en vécurent pas moins dans l'entière persuasion que leur nation n'était pas finie, qu'elle serait un jour ou l'autre restaurée, et que de nouvelles, de glorieuses destinées lui étaient réservées. Rien de plus indomptable que cette foi robuste qui triomphait de toutes les causes de découragement. Avec le temps, le Juda de l'exil chaldéen s'était ressaisi et vivait de nouveau de sa vie religieuse. Le prophétisme jetait sur sa situation un dernier grand éclat. Juda possédait encore des prophètes, et même de grands prophètes.

L'un deux, Ézéchiel, l'homme aux visions grandioses, voyait déjà le soufle de Dieu ranimer sur la grande plaine

1. Jér., XXV, 11-12; XXIX, 10. Ce chiffre de 70 ans est évi demment un chiffre rond, exprimant l'idée qu'aucun de ceux qui étaient partis à l'âge adulte ne verrait la fin de son exil. D'après le Ps. XC, 10, 70 ans passent pour la durée d'une vie humaine normale. C'est à tort qu'on a cru ce chiffre des années d'exil confirmé par l'histoire. La première déportation date de l'an 597, l'édit de Cyrus de l'an 537 ou 536. La captivité dans sa plus grande longueur ne dura donc pas plus de 60 à 61 ans.

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