PREFACE

ANS le troifieme VoD lume de cette Hiftoi

re, nous avons donné l'origine du Théatre

François & fes premiers progrès. Ce quatriéme fera voir ce Théatre fous une forme plus raifonnable. Il ouvre en 1601. par la vie de Hardy, le Poëte Dramatique le plus fécond qui ait jamais paru, puifque fes Piéces excedent le nombre de fept cens. Heureufement il n'en refte que quarante & une : & c'en eft affez pour rendre à cet Auteur la juftice qui lui eft dûe. Hardy, guidé par fon feul génie, donna à fes Pieces une forme plus théatrale que n'avoient celles qui les avoient préTome IV.

cédées. Il fçût couper fes Actes affez également, dialoguer fes Scenes, & quelquefois conduire paffablement un fujet.

En voilà beaucoup pour un homme qui furement n'a pas eu le tems d'étudier le talent qu'il profeffoit. Auffi les autres parties du Dramatique ont-elles: été abfolument oubliées par ce Poëte: nul choix dans fes sujets, aucunes bienséances dans les caracteres de fes perfonnages, & toute fa verfification rude, baffe, & remplie d'inutilités : mais encore une fois, parmi ces énormes défauts, on trouve dans les Piéces de Hardy, une marche de Théatre affez réguliere, & ce feul mérite doit lui: faire trouver une place parmi les hommes illuftres qui l'ont fui-vi dans la même carriere.

Pendant un affez longtems, les nombreuses productions de Hardy dans la Tragédie & dans

la Paftorale, n'exciterent aucune émulation chez les Poëtes Dramatiques. Ces derniers, bien loin de chercher à furpaffer Hardy, ou du moins à l'imiter, ne produifirent que des Ouvrages dignes du fiécle précédent. Enfin en 1617. Théophile fit paroître fa Tragédie de Pyrame & Thifbé. Cette Piéce eut une réuffite marquée (a). On en trouva le plan bien conduit, les caracteres foutenus, & la verfification admirable. Cet éloge ne paroît pas trop fort en comparant la Tragédie de Théophile avec celles de Hardy: ce dernier perdit par ce feul Ouvrage une par

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(a) « Dans ma jeu- | » puis par tous les neffe on admiroit »Verfificateurs, fans Théophile, mal

»gré les irrégulari"tés, & fes négli

» aucun égard à fa

belle imagination,

& aux graces heu

"gences, qui échap-»reufes de fon gé

poient au peu de délicateffe des Cour» tifans de ce tems-là. » Je l'ai vu décrié de

nie ». Oeuvres de S.

Evremond. Tome 11

tie de la réputation qu'il s'étoit acquife dans le genre tragique. L'année fuivante 1618. fut marquée d'une époque auffi fâcheufe pour Hardy. On joua les Bergeries de M. le Marquis de Racan; & cette Paftorale, qui fut universellement applaudie, anéantit en quelque forte celles de l'ancien Poëte. Ce Poëme, qui conferve encore aujourd'hui une grande partie de fa premiere réputation, a un mérite particulier, qui eft celui de la verfification. Nonfeulement cette Piéce eft fupérieure à toutes celles de fon tems, par fon aifance, & la noble fimplicité de fes penfées, mais encore, par la correction & l'élégance de fon langage, de forte qu'en lifant les Bergeries de M. de Racan, on croiroit que cet Auteur auroit compofé fon Ouvrage vers le milieu du dix-feptiéme fiécle.