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qui n'avoient & ne connoiffoient point d'autre mérite dans le mon de, que celui d'être né noble, ou dans un rang diftingué. Je les entendois méprifer beaucoup de gens qui valoient mieux qu'eux, & cela feulement parce qu'ils n'étoient pas Gentilshommes;mais c'eft que ces gens qu'ils méprifoient, refpectables d'ailleurs par mille bonnes qualités, avoient la foibleffe de rougir eux-mêmes de leur naissance, de la cacher & de tâcher de s'en donner une qui embroüillât la véritable, & qui les mît à couvert du dédain du monde.

Or, cet artifice - là ne réuffit prefque jamais ; on a beau déguifer la verité là-deffus, elle fe venge tôt ou tard des menfonges dont on a voulu la couvrir; & l'on eft toujours trahi par une infinité d'évenemens qu'on ne fçauroit ni parer, ni prévoir; jamais je ne vis, en pareille matiere de vanité qui fift une bonne fin.

C'est une erreur au reste, que de penfer, qu'une obscure naiffance vous aviliffe, quand c'est vousmême qui l'avoüez, & que c'eft de vous qu'on la fçait. La malignité des hommes vous laiffe là; vous la fruftrez de fes droits; elle ne voudroit que vous humilier, & vous faites fa charge; vous vous humiliez vous-même, elle ne fçait dire.

plus que

Les hommes ont des mœurs malgré qu'ils en ayent ; ils trouvent qu'il eft beau d'affronter leurs mépris injuftes ; cela les rend à la raifon. Ils fentent dans ce coura ge-là une nobleffe qui les fait taire; c'eft une fierté fenfée, qui confond un orgueil impertinent.

Mais c'eft affez parler là-deffus Ceux que ma réflexion regarde, fe trouveront bien de m'en croire. La coûtume, en faifant un Livre, c'est de commencer par un petit préambule, & en voilà un. Revenons à moi.

Le recit de mes avantures ne fera pas inutile à ceux qui aiment à s'instruire. Voilà en partie ce qui fait que je les donne; je cherche auffi à m'amufer moi-même.

Je vis dans une campagne, où je me fuis retiré, & où mon loifir m'infpire un efprit de réflexion que je vais exercer fur les évenemens de ma vie. Je les écrirai du mieux que je pourrai ; chacun a fa façon de s'exprimer, qui vient de fa façon de fentir.

Parmi les faits que j'ai à raconter, je crois qu'il y en aura de curieux qu'on me paffe mon ftyle en leur faveur ; j'ose affûrer qu'ils font vrais. Ce n'eft point ici une Hiftoire forgée à plaifir, & je crois qu'on le verra bien.

Pour mon nom, je ne le dis point: on peut s'en paffer ; fi je le difois, cela me gêneroit dans mes recits.

Quelques perfonnes pourront me reconnoître, mais je les fçais

difcretes, elles n'en abuferont point. Commençons.

Je fuis né dans un village de la Champagne, & foit dit en paffant, c'est au vin de mon Pays, que je dois le commencement de ma for

tune.

Mon pere étoit le Fermier de fon Seigneur, homme extrêmement riche, (je parle de ce Seigneur,) & à qui il ne manquoit que d'être noble, pour être Gen tilhomme.

Il avoit gagné fon bien dans les affaires; s'étoit allié à d'illuftres Maifons par le mariage de deux de fes fils, dont l'un avoit pris le parti de la Robe, & l'autre, de l'épée.

Le pere & les fils vivoient magnifiquement; ils avoient pris des noms de Terres ; & du veritable, je crois qu'ils ne s'en fouvenoient plus eux-mêmes. Leur origine étoit comme enfevelie fous d'immenfes richeffes.

On la connoiffoit bien, mais on n'en parloit plus. La noblesse de leurs alliances, avoit achevé d'étourdir l'imagination des autres fur leur comptes de forte qu'ils étoient confondus avec tout ce qu'il y avoit de meilleur à la Cour & à la Ville. L'orgueil des hom. mes, dans le fond, eft d'affez bonne compofition fur certains préjugés ; il femble que lui-même il en fente le frivole.

C'étoit-là leur fituation, quand je vins au monde. La Terre feigneuriale, dont mon pere étoit le Fermier, & qu'ils avoient acquife, n'étoit confidérable que par le vin qu'elle produifoit en affez grande quantité.

Ce vin étoit le plus exquis du Pays, & c'étoit mon frere aîné, qui le conduifoit à Paris chez notre Maître, car nous étions trois enfans, deux garçons, & une fille, & j'étois le cadet de tous.

Mon aîné dans un de fes voya

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