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cœur pour fe laiffer perfuader à fes paroles, & qu'ils avoient éprouvé diverfes fois par tant de malheurs où ils étoient tombés, le châtiment de leur incrédulité & de leur défobéissance. Mais quelle plus grande marque peut-on defirer de l'éminente vertu de cet admirable Légifla teur, & de la merveilleule autorité qu'il s'eft acquife, que de voir que non-feulement ceux qui vivoient de fon temps, mais même toute la postérité l'ont eu en telle vénération, qu'encore aujourd'hui il n'y a perfonne parmi les Hébreux qui ne fe croie obligé d'obferver exactement fes ordonnances, & qui ne le regarde comme préfent & prêt à le punir s'il les avoit violées ? Entre plufieurs autres preuves de cette autorité plus qu'humaine qu'il s'eft acquife, en voici une qui me paroît fort confidérable. Des gens venus des provinces de de-là l'Euphrate pour vifiter notre temple & y offrir des facrifices ayant marché durant quatre mois avec grand péril, grande dépenfe & beaucoup de peine, les uns n'ont pu obtenir quelque petite partie des bêtes qu'ils ont offertes en facrifice, parce que notre loi ne le permet pas pour de certaines raifons D'autres n'ont pu avoir permiffion de facrifier D'autres ont été obligés de laiffer leurs facrifices imparfaits; & d'autres n'ont pu feulement obtenir d'entrer dans le temple, que néanmoins ils s'en foient offenfés ni en ayent fait la moindre plainte, aimant mieux obéir aux loix établies par ce grand perfonnage, que de fatisfaire leur defir, quoique rien ne les portât à une telle foumiflion que leur admiration pour la vertu, parce que dans la créance que l'on a qu'il a reçu ces loix de Dieu même, on le confidere comme étant plus qu'homme. Et il n'y a pas encore long-temps que peu avant la

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guerre des Juifs fous le Regne de l'Empereur Claude, lorfqu'Ifmaël étoit fouverain Sacrificateur, la Judée étant affligée d'une fi grande famine, qu'un gomor de farine fe vendoit qua. tre dragmes, on en apporta à la fête des pains fans levain foixante & dix cores, qui font trente & un medims ficiliens, & quarante & un medims attiques, fans qu'aucun des Sacrificateurs, bien que preffés de la faim, osât y toucher pour en manger, tant ils craignoient de contrevenir à la loi, & d'attirer fur eux la colete de Dieu, qui châtie fi févérement les péchés même cachés. Qui s'étonnera donc que Moïfe ait fait des choies fi extraordinaires, puifqu'après tant de fiecles nous voyons encore aujourd'hui que ce qu'il a laiffé par écrit a une telle autorité, que même nos ennemis font contraints de confeffer que c'eft Dieu qui a donné par lui aux hommes une maniere de vivre fi parfaite, & s'eft fervi de fon admirable conduite pour la leur faire recevoir. Je laiffe toutefois à chacun d'en juger comme il lui plaira.

2QI

HISTOIRE

DES JUIFS.

LIVRE QUATRIEM E.

CHAPITRE PREMIER.

Murmure des Ifraëlites contre Moïfe. Ils attaquent
les Chananéens fans fon ordre fans avoir
confulté Dieu, & font mis en fuite avec grande
perte. Ils recommencent à murmurer.

UELQUE grandes que fuffent 151.
les peines que fouffroient les If-
Nomb
raëlites dans le défert, rien ne 14.
leur en donnoit tant que ce que
Dieu ne leur permettoit pas de

combattre les Chananéens. Ils ne vouloient plus obéir au commandement que Moïfe leur faifoit de demeurer en repos; mais fe perfuadant qu'ils n'avoient point befoin de fon affiftance pour vaincre leurs ennemis, ils l'accufoient de les vouloir toujours laiffer dans cette mifere, afin qu'ils ne puffent fe paffer de lui. Ainfi ils réfolurent d'entreprendre cette

guerre dans la créance que ce n'étoit pas en confidération de Moïfe que Dieu les favorifoit, mais parce qu'il s'étoit déclaré leur protecteur, comme il l'avoit été de leurs ancêtres : Qu'après les avoir affranchis de fervitude à cauie de leur vertu, il leur donneroit la victoire s'ils combattoient vaillamment: Qu'ils étoient affez forts par eux-mêmes pour furmonter leurs ennemis, quand bien Moïfe voudroit empêcher Dieu de leur être favorable: Qu'il leur étoit plus avantageux de fe conduire par leur propre. confeil que d'obéir aveuglement à Moïfe, & de l'avoir pour tyran après avoir fecoué le joug des Egyptiens: Que c'étoit trop long-temps fe laiffer tromper à fes artifices lorfqu'il fe vantoit d'avoir des entretiens familiers avec Dieu & d'être inftruit par lui de toutes chofes, comme fi par une grace particuliere il étoit le feul qui connût l'avenir, qu'ils ne fuffent pas auffi bien que lui de la race d'Abraham : Que la prudence obligeoit à mêprifer l'orgueil d'un homme & à fe confier feulement en Dieu pour conquérir un pays dont il leur avoit promis la poffeffion : & qu'enfin ils ne devoient pas fe laiffer abufer plus long-temps par Moïfe fous prétexte des ordres qu'il feignoit venir de fa part. Toutes ces confidérations jointes à l'extrême néceflité où ils fe trouvoient dans ces lieux déferts & ftériles leur ayant fait prendre cette réfolution, ils marcherent contre les Chananéens. Ces peuples fans s'étonner de les voir venir à eux fi audacieusement & en fi grand nombre, les reçurent avec tant de vigueur qu'ils en tuerent plufieurs fur la place, mirent les autres en fuite, & les poursuivirent jufques dans leur camp. Cette perte affligea d'autant plus les Ifraëlites, qu'au lieu qu'ils s'étoient flatés de l'efpérance d'un

heureux fuccès, ils connurent que Dieu étoit irrité de ce que fans attendre fon ordre, ils s'étoient engagés dans cette guerre ; & qu'ainfi ils avoient fujet d'appréhender encore pis pour l'avenir.

Moïfe les voyant fi abattus, & craignant que 152. les ennemis enflés de la victoire la vouluffent pouffer plus loin, ramena l'armée plus avant dans le défert, après que tous lui enrent promis de lui obéir fans plus rien faire que par fon confeil, ni en venir aux mains avec les Chananéens qu'après qu'il en auroit reçu l'ordre de Dieu. Mais comme les grandes armées obéiffent avec peine à leurs chefs, principalement lorfqu'elles fouffrent beaucoup, les Ifraëlites dont le nombre étoit de fix cens mille combattans, & qui même dans leur profpérité étoient affez indociles, fe trouvant preffés de tant d'incommodités, recommencerent à murmurer entr'eux, & tournerent toute leur colere contre Moïfe. Cette fédition paffa fi avant, que nous ne voyons point qu'il y en ait jamais eu de fi grande ni parmi les Grecs, ni même parmi les Barbares: & elle auroit caufé la ruine entiere de ce peuple, fi Moïfe fans confidérer l'ingratitude qui les portoit à vouloir le lapider, ne fût venu à leur fecours, & fi Dieu ne les eût garantis de ce péril par un effet tout extraordinaire de fa bon. té, quoiqu'ils n'euffent pas feulement outragé leur Législateur, mais lui-même en méprifant les commandemens qu'il leur avoit faits par lui. Je vais rapporter quelle fut la caufe de cette fédition, & la conduite que tint Moïfe après l'avoir appaifée.

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