Son devoir m'a trahi, mon malheur, et son père'. FABIAN. Oui, je vais l'assurer qu'en ce malheur extrême Fabian, je la vois. SÉVÈRE. FABIAN. Seigneur, souvenez-vous... SÉVÈRE. Hélas! elle aime un autre, un autre est son époux. SCÈNE II. SÉVÈRE, PAULINE, STRATONICE, FABIAN, PAULINE. Oui, je l'aime, Sévère, et n'en fais point d'excuse; 1 Voilà où il est beau de s'élever au-dessus des règles de la grammaire. L'exactitude demanderait son devoir, et son père, et mon malheur m'ont trahi; mais la passion rend ce désordre de paroles très-beau: on peut dire seulement que trahi n'est pas le mot propre. (V.) 2 Un devoir ne peut être ni juste ni injuste: mais la justice consiste à faire son devoir. Il n'y a point eu là de trahison. (V.) 3 L'un par l'autre ne se rapporte à rien: on devine seulement qu'il eût gagné Félix par Pauline. Il faut éviter en poésie ces termes, celuici, celui-là, l'un, l'autre, le premier, le second, tous termes de discussion, tous d'une prose rampante, qui ne peuvent être employés qu'avec une extrême circonspection. (V.) 4 Un général d'armée qui vient en Arménie soupirer et mourir, en rondeau, paraît très-ridicule aux géns sensés de l'Europe. Cette imitation des héros de la chevalerie infectait déjà notre théâtre dans sa naissance; c'est ce que Boileau appelle mourir par métaphore; l'écuyer Fabian, qui parle des vrais amants, est encore un écuyer de roman. Tout cela est vrai; ct il n'est pas moins vrai que l'amour de Sévère in Que tout autre que moi vous flatte et vous abuse, Le bruit de votre mort n'est point ce qui vous perd; A vos seules vertus je me serais donnée, Et toute la rigueur de votre premier sort Je découvrais en vous d'assez illustres marques Pour vous préférer même aux plus heureux monarques : De quelque amant pour moi que mon père eût fait choix, Quand je vous aurais vu', quand je l'aurais haï, J'en aurais soupiré, mais j'aurais obéi, Et sur mes passions ma raison souveraine Eût blâmé mes soupirs et dissipé ma haine. SÉVÈRE. Que vous êtes heureuse! et qu'un peu de soupirs Et, mon feu désormais se réglant sur le vôtre, O trop aimable objet, qui m'avez trop charmé, téresse, parce que tous ses sentiments sont nobles. On n'insiste pas ici sur la douceur infinie de l'hymen, sur ces expressions : éclaircis-moi ce point; vous vous échapperez; ne pousse qu'injure; et les premiers mouvements des vrais amants. Il est peut-être un peu étrange que Pauline ait parlé de ces premiers mouvements à l'écuyer Fabian; mais enfin tout cela n'ôte rien à l'intérêt theatral. (V.) Est-ce là comme on aime, et m'avez-vous aimé ? PAULINE. Je vous l'ai trop fait voir, seigneur; et si mon âme Et, quoique le dehors soit sans émotion, Le dedans n'est que trouble et que sédition : Mais ce même devoir qui le vainquit dans Rome', Ce le ne se On a substitué me à le dans quelques éditions. (V.) rapporte point à espoir ainsi que l'a prétendu Voltaire; il se rapporte à ce charme qui entraînait Pauline vers Sévère, à ce mérite qu'elle voit encore en lui, comme elle le voyait lorsqu'elle pouvait se flatter de l'obtenir pour époux. (P.) 2 Louiez, louer, blasphemer, termes qu'on eût dû corriger; car louiez est désagréable à l'oreille: blasphemer n'est point convenable. Vous blasphemiez contre ma vertu ; cela ne peut se dire ni en vers ni en prose: ure femme doit faire sentir qu'elle est vertueuse, et ne jamais dire ma vertu. Voyez si Monime, dont Mithridate voulut faire sa concubine, et qui est attaquée par les deux enfants de ce prince, dit jamais ma vertu. (V.) 3 Un devoir ne peut être ni ferme ni faible: c'est le cœur qui l'est. Mais le sens est si clair, que le sentiment ne peut être affaibli. SÉVÈRE. Ah! madame, excusez une aveugle douleur Qui ne connaît plus rien que l'excès du malheur : De grâce, montrez moins à mes sens désolés PAULINE. Hélas! cette vertu, quoique enfin invincible, Que je me prive ainsi du seul bien qui me reste! PAULINE. Sauvez-vous d'une vue à tous les deux funeste. SÉVÈRE. Quel prix de mon amour! quel fruit de mes travaux! PAULINE. C'est le remède seul qui peut guérir nos maux. SÉVÈRE. Je veux mourir des miens; aimez-en la mémoire. 1 Ils en sont la preuve. Sévère est témoin; mais témoin peut signifier preuve. (V.) 2 D'une aimable présence est une expression d'idylle. Monime, en exprimant le même sentiment, dit: Je verrais en secret mon âme déchirée Revoler vers le bien dont elle est séparée. Plus une situation est délicate, plus l'expression doit l'ètre. (V.) PAULINE. Je veux guérir des miens; ils souilleraient ma gloire. SÉVÈRE. Ah! puisque votre gloire en prononce l'arrêt, PAULINE. Et moi, dont votre vue augmente le supplice, Et, seule dans ma chambre enfermant mes regrets, Puisse le juste ciel, content de ma ruine, Combler d'heur et de jours Polyeucte et Pauline! PAULINE. Puisse trouver Sévère, après tant de malheur, Il la trouvait en vous. SÉVÈRE. PAULINE. Je dépendais d'un père 3. SÉVÈRE. O devoir qui me perd et qui me désespère! PAULINE. Adieu, trop malheureux et trop parfait amant 4. (V.) Rend les soins, mort pompeuse, etc., tous mots impropres. 2 Ces pensées affectées, ces idées plus recherchées que naturelles, étaient les vices du temps. (V.) 3 Ces sentiments sont touchants; ce dernier vers convient aussi bien à la tragédie qu'à la comédie, parce qu'il est noble autant que simple; il y a tendresse et précision. (V.) 4 Ces vers-ci sont un peu de l'églogue: cette scène ne contribue en rien au nœud de la pièce; mais elle est intéressante par elle-même. |