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Sous l'horreur des tourments je crains de succomber.

POLYEUCTE.

Qui marche assurément n'a point peur de tomber :
Dieu fait part, au besoin, de sa force infinie.
Qui craint de le nier, dans son âme le nie;
Il croit le pouvoir faire, et doute de sa foi.

NÉARQUE.

Qui n'appréhende rien présume trop de soi.

POLYEUCTE.

J'attends tout de sa grâce, et rien de ma faiblesse.
Mais, loin de me presser, il faut que je vous presse!
D'où vient cette froideur?

NÉARQUE.

Dieu même a craint la mort.

POLYEUCTE.

rang;

Il s'est offert pourtant; suivons ce saint effort;
Dressons-lui des autels sur des monceaux d'idoles.
Il faut (je me souviens encor de vos paroles)
Négliger, pour lui plaire, et femme, et biens, et
Exposer pour sa gloire et verser tout son sang.
Hélas! qu'avez-vous fait de cette amour parfaite
Que vous me souhaitiez, et que je vous souhaite?
S'il vous en reste encor, n'êtes-vous point jaloux
Qu'à grand'peine chrétien j'en montre plus que vous?
NÉARQUE.

Vous sortez du baptême, et ce qui vous anime,
C'est sa grâce, qu'en vous n'affaiblit aucun crime;
Comme encor tout entière, elle agit pleinement,
Et tout semble possible à son feu véhément :
Mais cette même grâce en moi diminuée,
Et par mille péchés sans cesse exténuée,
Agit aux grands effets avec tant de langueur,
Que tout semble impossible à son peu de vigueur :
Cette indigne mollesse et ces lâches défenses
Sont des punitions qu'attirent mes offenses;
Mais Dieu, dont on ne doit jamais se défier,

Me donne votre exemple à me fortifier '.

Allons, cher Polyeucte, allons aux yeux des hommes Braver l'idolâtrie, et montrer qui nous sommes : Puissé-je vous donner l'exemple de souffrir,

Il fallait pour me fortifier. (V.)

Comme vous me donnez celui de vous offrir!

POLYEUCTE.

A cet heureux transport que le ciel vous envoie,
Je reconnais Néarque, et j'en pleure de joie.

Ne perdons plus de temps; le sacrifice est prêt;
Allons-y du vrai Dieu soutenir l'intérêt ;
Allons fouler aux pieds ce foudre ridicule '
Dont arme un bois pourri ce peuple trop crédule;
Allons en éclairer l'aveuglement fatal2;

Allons briser ces dieux de pierre et de métal;
Abandonnons nos jours à cette ardeur céleste;
Faisons triompher Dieu : qu'il dispose du reste.
NÉARQUE.

Allons faire éclater sa gloire aux yeux de tous,
Et répondre avec zèle à ce qu'il veut de nous.

ACTE TROISIÈME.

SCÈNE PREMIÈRE.

PAULINE.

Que de soucis flottants, que de confus nuages
Présentent à mes yeux d'inconstantes images!
Douce tranquillité, que je n'ose espérer,
Que ton divin rayon tarde à les éclairer !

Mille agitations, que mes troubles produisent,

Dans mon cœur ébranlé tour à tour se détruisent;
Aucun espoir n'y coule où j'ose persister;
Aucun effroi n'y règne où j'ose m'arrêter.
Mon esprit, embrassant tout ce qu'il s'imagine,
Voit tantôt mon bonheur, et tantôt ma ruine,
Et suit leur vaine idée avec si peu d'effet,
Qu'il ne peut espérer ni craindre tout à fait.
Sévère incessamment brouille ma fantaisie
J'espère en sa vertu, je crains sa jalousie;

Voilà un exemple d'un mot bas noblement employé. (V.)

2 En éclairer est dur à l'oreille. Il faut éviter ces cacophonies: de plus, on éclaire des yeux; on n'éclaire point un aveuglement, ou le dissipe, on le guérit. (V.)

Et je n'ose penser que d'un œil bien égal
Polyeucte en ces lieux puisse voir son rival.
Comme entre deux rivaux la haine est naturelle,
L'entrevue aisément se termine en querelle;

L'un voit aux mains d'autrui ce qu'il croit mériter,
L'autre un désespéré qui peut trop attenter.
Quelque haute raison qui règle leur courage,
L'un conçoit de l'envie, et l'autre de l'ombrage;
La honte d'un affront que chacun d'eux croit voir
Ou de nouveau reçue, ou prête à recevoir,
Consumant dès l'abord toute leur patience,
Forme de la colère et de la défiance;

Et, saisissant ensemble et l'époux et l'amant,
En dépit d'eux les livre à leur ressentiment.
Mais que je me figure une étrange chimère !
Et que je traite mal Polyeucte et Sévère,
Comme si la vertu de ces fameux rivaux

Ne pouvait s'affranchir de ces communs défauts!
Leurs âmes à tous deux d'elles-mêmes maîtresses 1
Sont d'un ordre trop haut pour de telles bassesses:
Ils se verront au temple en hommes généreux.
Mais las! ils se verront, et c'est beaucoup pour eux 2.
Que sert à mon époux d'être dans Mélitène,
Si contre lui Sévère arme l'aigle romaine,
Si mon père y commande, et craint ce favori,
Et se repent déjà du choix de mon mari 3?

Si peu que j'ai d'espoir ne luit qu'avec contrainte 4;
En naissant il avorte, et fait place à la crainte;
Ce qui doit l'affermir sert à le dissiper.

Dieux! faites que ma peur puisse enfin se tromper!

SCÈNE II.

PAULINE, STRATONICE.

PAULINE.

Mais sachons-en l'issue. Eh bien! ma Stratonice,

1 Leurs âmes à tous deux ; cette expression n'est pas française. (V.)

2 Ici l'auteur veut dire, il est dangereux qu'ils se voient.

3 Vers de comédie. (V.)

4 Cela n'est pas français ; il faut le peu. (V.)

5 Cette issue se rapporte à peur : une peur n'a point d'issue. (V.)

Comment s'est terminé ce pompeux sacrifice?
Ces rivaux généreux au temple se sont vus?

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Ce serait peu de chose.

Je ne puis.

Tout votre songe est vrai, Polyeucte n'est plus....

Il est mort!

PAULINE.

STRATONICE.

Non, il vit; mais, ô pleurs superflus!

Ce courage si grand, cette âme si divine,
N'est plus digne du jour, ni digne de Pauline.
Ce n'est plus cet époux si charmant à vos yeux;
C'est l'ennemi commun de l'État et des dieux,
Un méchant, un infâme, un rebelle, un perfide,
Un traître, un scélérat, un lâche, un parricide,
Une peste exécrable à tous les gens de bien,
Un sacrilége impie, en un mot, un chrétien.

PAULINE.

Ce mot aurait suffi sans ce torrent d'injures 1.

1 La réponse de Pauline est belle, et répare incontinent le ridicule produit par cet cutassement d'injures. (V.)

24.

STHATONICE.

Ces titres aux chrétiens sont-ce des impostures?

PAULINE.

Il est ce que tu dis, s'il embrasse leur foi;
Mais il est mon époux, et tu parles à moi.
STRATONICE.

Ne considérez plus que ce Dieu qu'il adore.

PAULINE.

Je l'aimai par devoir; ce devoir dure encore.

STRATONICE.

Il vous donne à présent sujet de le haïr;

Qui trahit tous nos dieux aurait pu vous trahir.

PAULINE.

1

Je l'aimerais encor, quand il m'aurait trahie;
Et si de tant d'amour tu peux être ébalie',
Apprends que mon devoir ne dépend point du sien
Qu'il y manque, s'il veut; je dois faire le mien.
Quoi! s'il aimait ailleurs, serais-je dispensée
A suivre, à son exemple, une ardeur insensée ?
Quelque chrétien qu'il soit, je n'en ai point d'horreur;
Je chéris sa personne, et je hais son erreur.
Mais quel ressentiment en témoigne mon père?

STRATONICE.

Une secrète rage, un excès de colère,
Malgré qui toutefois un reste d'amitié
Montre pour Polyeucte encor quelque pitié.
Il ne veut point sur lui faire agir sa justice2,
Que du traître Néarque il n'ait vu le supplice.

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Néarque l'a séduit;

De leur vieille amitié c'est là l'indigne fruit.

Ce perfide tantôt, en dépit de lui-même,

L'arrachant de vos bras, le traînait au baptême.

Ébahie ne s'emploie que dans le bas comique; je crois qu'on a mis à

la place:

Je l'aimerais encor, m'eût-il abondonnée;

Et si de tant d'amour tu parais étonnée....

(V.)

2 Cela n'est pas français; il faut agir contre lui, ou déployer sur lui. (V.)

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