Qui ne me fait jouir que d'un instant qui fuit, PAULINE. Voilà de vos chrétiens les ridicules songes '; Voilà jusqu'à quel point vous charment leurs mensonges; Le jour qui vous la donne en même temps l'engage: POLYEUCTE. à l'État. Je la voudrais pour eux perdre dans un combat; Quel Dieu ! PAULINE. POLYEUCTE. Tout beau, Pauline! il entend vos paroles', De bois, de marbre, ou d'or, comme vous les voulez : PAULINE. Adorez-le dans l'âme, et n'en témoignez rien. POLYEUCTE. Que je sois tout ensemble idolâtre et chrétien! PAULINE. Ne feignez qu'un moment : laissez partir Sévère, 1 C'est ici que le mot de ridicule est bien placé dans la bouche de Pauline. Les termes les plus bas, employés à propos, s'ennoblissent. Racine, dans Athalie, se sert des mots de bouc et chien avec succès. (V.) 2 Tout beau ne peut jamais être ennobli, parce qu'il ne peut être accompagné de rien qui le relève; mais presque tout ce que dit Polyeucte dans cette scène est du genre sublime. (V.) Et donnez lieu d'agir aux bontés de mon père. POLYEUCTE. Les bontés de mon Dieu sont bien plus à chérir : PAULINE. Cruel! (car il est temps que ma douleur éclate3, Hélas! POLYEUCTE. PAULINE. Que cet hélas a de peine à sortir 4! • On n'ôte point des périls; on vous sauve d'un péril; on detourne un péril; on vous arrache à un péril. (V) Sans me laisser lieu, expression de prose rampante. (V.) Il me semble que ce couplet est tendre, animé, douloureux, naturel, et très à sa place. (V.) 4 Cet hélas est un peu familier; mais il est attendrissant, quoique le mot sortir ne soit pas noble. (V.) Encor s'il commençait un heureux repentir, Que, tout forcé qu'il est, j'y trouverais de charmes! POLYEUCTE. J'en verse, et plût à Dieu qu'à force d'en verser Le déplorable état où je vous abandonne Est bien digne des pleurs que mon amour vous donne; Seigneur, de vos bontés il faut que je l'obtienne; PAULINE. Que dis-tu, malheureux ? qu'oses-tu souhaiter? POLYEUCTE. Ce que de tout mon sang je voudrais acheter. Que plutôt... PAULINE. POLYEUCTE. C'est en vain qu'on se met en défense: PAULINE. Quittez cette chimère, et m'aimez. POLY EUCTE. Je vous aime, Beaucoup moins que mon Dieu, mais bien plus que moi-même PAULINE. Au nom de cet amour, ne m'abandonnez pas. POLYEUCTE. Au nom de cet amour, daignez suivre mes pas. • Ce vers est admirable. (V.) PAULINE. C'est peu de me quitter, tu veux donc me séduire? POLYEUCTE. C'est peu d'aller au ciel, je vous y veux conduire. Va, cruel, va mourir; tu ne m'aimas jamais. POLYEUCTE. Vivez heureuse au monde, et me laissez en paix. PAULINE. Oui, je t'y vais laisser; ne t'en mets plus en peine; Je vais... SCÈNE IV. POLYEUCTE, PAULINE, SÉVÈRE, FABIAN; GArdes. PAULINE. Mais quel dessein en ce lieu vous amène, POLYEUCTE. Vous traitez mal, Pauline, un si rare mérite; Je vous ai fait, seigneur, une incivilité', Possesseur d'un trésor dont je n'étais pas digne, 1 Rendre visite ct incivilité ne doivent jamais être employés dans la tragédie. (V.) 2 Cette étrange idée de prier Sévère de venir pour lui céder sa Et laisse la vertu la plus rare à nos yeux Qu'une femme jamais pût recevoir des cieux Aux mains du plus vaillant et du plus honnête homme Qu'ait adoré la terre et qu'ait vu naître Rome. Ne la refusez pas de la main d'un époux : S'il vous a désunis, sa mort vous va rejoindre. SCÈNE V. SÉVÈRE, PAULINE, FABIAN. Dans mon étonnement, Je suis confus pour lui de son aveuglement '; Qu'à peine je me fie encore à mes oreilles. Un cœur qui vous chérit (mais quel cœur assez bas Pour moi, si mes destins, un peu plus tôt propices, Eussent de votre hymen honoré mes services, Je n'aurais adoré que l'éclat de vos yeux, femme ne serait pas tolérable en toute autre occasion; on ne peut l'approuver que dans un chrétien qui n'aime que le martyre. Mais cela produit de très-grandes beautés dans la scène suivante. (V.) Cette résignation de Polyeucte fait naître une des plus belles scènes qui soient au théâtre. (V.) 2 C'est dommage qu'un présent de vos feux gâte un peu ces vers excellents. (V.) |