Prends sa vertu pour guide en ton aveuglement; Regarde au moins ses pleurs, écoute ses soupirs; POLYEUCTE. Je vous l'ai déjà dit, et vous le dis encore, Mais, de quoi que pour vous notre amour m'entretienne 3, C'en est assez : Félix, reprenez ce courroux " PAULINE. Ah! mon père, son crime à peine est pardonnable; Jetez sur votre fille un regard paternel : Nos destins, par vos mains rendus inséparables, Comment Pauline peut-elle dire qu'elle adore Polyeucte? elle lui donne, par devoir et par affection, tout ce que l'autre avait par inclination; mais l'adorer, c'est trop. (V.) 2 Cette troisième apostrophe, cet empressement extrême de lui donner un mari, ne paraissent pas naturels. Tout cela n'empêche pas que cette scène ne soit écoutée avec un grand plaisir. L'obstination de Polyeucte, sa résignation, son transport divin, plaisent beaucoup. Ceux qui assistent au spectacle étant persuadés, pour la plupart, des vérités qui enflamment Polyeucte, sont saisis de son transport: ils ne sont pas fort attendris, mais ils s'intéressent à la situation. (V.) 3 De quoi que notre amour m'entretienne pour vous. Ce vers est un barbarisme. Un amour qui entretient, et qui entretient pour! et de quoi qu'il entretienne! Il n'est pas permis de parler ainsi. (V.) 4 Il est triste que redoublement ne puisse se dire en cette occasion : le sens est beau. (V.) Nous doivent rendre heureux ensemble, ou misérables; Et vous seriez cruel jusques au dernier point, FÉLIX. Oui, ma fille, il est vrai qu'un père est toujours père : Je porte un cœur sensible, et vous l'avez percé. Malheureux Polyeucte, es-tu seul insensible? POLYEUCTE. Que tout cet artifice est de mauvaise grâce! Prenez la vôtre enfin, puisque la mienne est prise. Veut pour nous en victime être offert chaque jour. que V Phrase qul n'a point d'élégance. User de remise, expression prosal. user d'ailleurs suppose usage; une résolution n'a point d'usage. Voyez l'aveugle erreur que vous osez défendre : Des crimes les plus noirs vous souillez tous vos dieux; Le vol, l'assassinat, et tout ce qu'on déteste, Même aux yeux de Félix, même aux yeux de Sévère, FÉLIX. Enfin ma bonté cède à ma juste fureur : Adore-les, ou meurs. POLYEUCTE. Je suis chrétien. FÉLIX. Impie! Adore-les, te dis-je ; ou renonce à la vie. Je suis chrétien. POLYEUCTE. FÉLIX. Tu l'es? O cœur trop obstiné! Soldats, exécutez l'ordre que j'ai donné. PAULINE. Où le conduisez-vous? FÉLIX. A la mort. POLYEUCTE. A la gloire 2. Chère Pauline, adieu; conservez ma mémoire. PAULINE. Je te suivrai partout, et mourrai si tu meurs. POLYEUCTE. Ne suivez point mes pas, ou quittez vos erreurs. Qu'on l'ôte de mes yeux, et que l'on m'obéisse. Puisqu'il aime à périr, je consens qu'il périsse. Ce vers est dans le Cid, et est à sa place dans les deux pièces. (V. → Dialogue admirable et toujours applaudi. (V.) SCÈNE IV. FÉLIX, ALBIN. FÉLIX. Je me fais violence, Albin, mais je l'ai dû; J'ai feint même à tes yeux des lâchetés extrêmes : Et certes, sans l'horreur de ses derniers blasphèmes, Qui m'ont rempli soudain de colère et d'effroi, J'aurais eu de la peine à triompher de moi. ALBIN. Vous maudirez peut-être un jour cette victoire, FÉLIX. Ainsi l'ont autrefois versé Brute et Manlie; ALBIN, Votre ardeur vous séduit; mais, quoi qu'elle vous die, Quand vous verrez Pauline, et que son désespoir FÉLIX. Tu me fais souvenir qu'elle a suivi ce traître, Tire-la, si tu peux, de ce triste spectacle '; ALBIN. Il n'en est pas besoin, seigneur; elle revient. SCÈNE V. FÉLIX, PAULINE, ALBIN. PAULINE. Père barbare, achève, achève ton ouvrage ; Je vois, je sais, je crois, je suis désabusée : Une fois envers toi manquer d'obéissance. Ce n'est point ma douleur que par là je fais voir; Le faut-ii dire encor, Félix? je suis chrétienne 4; 1 Romps, tire-la, mauvaises expressions: des douleurs qui donnent obstacle est un barbarisme; et ce qu'ils donneraient d'obstacle est un barbarisme encore plus grand. (V.) 2 Ce mot hostie signifiait alors victime. (V.) 3 Ce vers est trop négligé, et n'est pas français: une barbarie qui a des matières, et matières en elle, cela est un peu barbare. (V.) 4 Ce prodige est la récompense de la vertu de Pauline; et s'il n'est pas |