Chacun a son avis; mais, quel que soit le leur, ACHILLAS. Seigneur, Photin dit vrai; mais, quoique de Pompée Je regarde son sang comme un sang précieux, Qui n'est point au vaincu ne craint point le vainqueur. Mais, quoique vos encens le traitent d'immortel, Sur les âmes des rois n'ont qu'un droit limité. Et cesse de devoir, quand la dette est d'un rang 1 Une dette est trop forte, trop grande, elle n'est pas d'un rang à ne point s'acquitter qu'aux; ce point est de trop, jamais on ne l'em ploie que dans le sens absolu je n'irai point, je n'irai qu'à celto condition. (V.) La langue, la bourse, sont des expressions trop familières. Voyez comme il est difficite de dire noblement les petites choses, et comme il est aisé de traiter les autres avec emphase. Le grand art des vers consiste à n'être jamais ni ampoulé, ni bas. (V.) Pour rentrer en Égypte étaient un froid secours '. Et si c'est un bienfait qu'il faut rendre aujourd'hui, Fermez-lui donc vos ports, mais épargnez sa tête. Qu'autre bras que le mien portât les premiers coups. SEPTIME. Seigneur, je suis Romain 2, je connais l'un et l'autre. Le chasser, c'est vous faire un puissant ennemi, Un secours n'est ni chaud ni froid: le mot propre est souvent difficile à rencontrer, et quand il est trouvé, la gêne du vers et de la rime empêche qu'on ne l'emploie. (V.) 2 Le raisonnement de Septime est encore plus fort que celui d'Achillas. Cette scène est au fond parfaitement traitée, et, à quelques fautes près (qu'on est toujours obligé de remarquer pour l'utilité des jeunes gens et des étrangers), elle est très-forte de raisonnement. (V.) Assurer sa puissance, et sauver son estime ', N'examinons donc plus la justice des causes, Assez et trop longtemps l'arrogance de Rome Dans le sang de Pompée éteignons sa fierté; Sauver son estime ne forme aucun sens. Vcut-il dire que Ptolémée conservera l'estime qu'on a pour César, ou l'estime que César a pour Ptolémée, ou l'estime que César fait de lui-même ? Dans les trois cas, sauver l'estime est trop impropre. J'évite d'être long, et je deviens obscur. (V.) 2 Cette pensée est trop emphatique. Ptolémée peut-il dire qu'il s'immortalisera par un assassinat? Cette illusion qu'il se fait est-elle bien dans la nature? les raisons qu'il en apporte sont-elles de vraies raisons? les nations seront-elles moins esclaves, pour être esclaves du maître de Rome? S'exprimer ainsi, c'est substituer une amplification de rhétorique à la solidité d'un conseil d'État Quel est le souverain qui dirait : Allons nous immortaliser par un illustre crime? La tragédie doit être l'imitation embellie de la nature. Ces défauts dans le détail n'empêchent pas que le fond de cette première scène ne soit une des plus belles expositions qu'on ait vues sur aucun théâtre. Les anciens n'ont rien qui en approche; elle est auguste, intéressante, importante; elle entre tout d'un coup en action : les autres expositions ne font qu'instruire du sujet de la pièce, celle-ci en est le nœud; placez-la dans quelque acte que Qu'il plaise au ciel ou non, laissez-m'en le souci. ACHILLAS. Seigneur, je crois tout juste alors qu'un roi l'ordonne Allez, et hâtez-vous d'assurer ma couronne; SCÈNE II. PTOLOMÉE, PHOTIN. PTOLOMÉE. Photin, ou je me trompe, ou ma sœur est déçue. PHOTIN. Seigneur, c'est un motif que je ne disais pas, vous vouliez, elle sera toujours attachante : c'est la seule qui soit dans ce goût. (V.) Il faut, dans le style noble, une autre issue. On ne supprime les articles et les pronoms que dans ce familier qui approche du style marotique sentir joie, faire mauvaise fin, etc. Observez encore qu'issue n'est pas le mot propre. Un abord n'a point d'issue. Il faut toujours ou le mot propre, ou une métaphore noble. (V.) 2 Le feu roi votre père est trop prosaïque, et il y a un enjambement que les règles de notre poésie ne souffrent point dans le style sérieux des vers alexandrins. Qui l'en daigna saisir est un terme de chicane. Ma partie est saisie de ce testament. (V.) 3 Ce vers n'a pas un sens clair. Est-ce du déplaisir qu'a eu l'tolémée? Il fallait donc dire :jugez de votre déplaisir si Pompée venait mettre Ce n'est pas que je veuille, en vous parlant contre elle, SCÈNE III. PTOLOMÉE, CLÉOPATRE, PHOTIN. CLÉOPATRE. Seigneur, Pompée arrive, et vous êtes ici! J'attends dans mon palais ce guerrier magnanime, Quoi! Septime à Pompée, à Pompée Achillas! Si ce n'est assez d'eux, allez, suivez leurs pas. Donc pour le recevoir c'est trop que de vous-même ? PTOLOMÉE. Ma sœur, je dois garder l'honneur du diadème. CLÉOPATRE. Si vous en portez un, ne vous en souvenez Que pour baiser la main de qui vous le tenez, Que pour en faire hommage aux pieds d'un si grand homme. PTOLOMÉE. Au sortir de Pharsale est-ce ainsi qu'on le nomme? CLÉOPATRE. Fût-il dans son malheur de tous abandonné, Il est toujours Pompée, et vous a couronné. Cléopâtre sur le trône de plus, cette raison de Photin peut être alléguée contre César bien plus que contre Pompée. (V.) Ce vers en dit plus que vingt n'en pourraient dire. La simple exposition des choses est quelquefois plus énergique que les plus grands mouvements de l'éloquence. Voilà le véritable dialogue de la tragédie; il est simple, mais plein de force; il fait penser plus qu'il ne dit. Corneille est le premier qui ait eu l'idée de cette vraie beauté, mais elle est très-difficile à saisir, et il ne l'a pas toujours employée. (V.) |