Leur âme dans leur sang prend des impressions Tout est illustre en eux quand ils daignent se croire 2; Le roi l'eût secouru, mais Photin l'assassine : CHARMION. Ainsi donc de César l'amante et l'ennemie... Je lui garde une flamme exempte d'infamie, Apprends qu'une princesse aimant sa renommée, Notre séjour à Rome enflamma son courage: Fumante encor du sang des amis de Pompée, toujours peu de chose; et un mot qui échappe à propos, qui part du cœur, qui peint le caractère, en dit bien davantage. (V.) 1 Dessous leur vertu ; cette expression n'est pas heureuse. (V.) 2 Tout est illustre n'est pas Ic mot propre; c'est noble qu'il fallait. (V.) 3 Ce dernier vers est beau. (V.) Il trace des soupirs, et d'un style plaintif1 Ou plutôt si la mer ne s'oppose à ses feux', CHARMION. J'oserais bien jurer que vos charmants appas. César qui trace des soupirs d'un style plaintif n'est point César. Est-il possible qu'on ait dit que Corneille a banni la galanterie de ses pièces ? il ne l'a traitée que trop : elle était alors la base de tous les ouvrages d'imagination. Horatius Coclès chante à l'écho dans Clélie, et fait des anagrammes. Tout héros est galant. Remarquons que Dacier. dans nos notes sur l'Art poétique d'Horace, censura fortement la plupart de ces fautes où Corneille tombe trop souvent. Il rapporte plusieurs vers dont il fait la critique. Le seul amour du bon goût le portait à cette juste sévérité, dans un temps où il ne semblait pas encore permis de censurer un homme presque universellement applaudi. Bolleau avait bien fait sentir que Corneille péchait souvent par le style, par l'obscurité des pensées, quelquefois par leur fausseté, par l'inégalité, par des termes bas et par des expressions ampoulées; mais il le disait avec ménagement: jusqu'à ce qu'enfin il alla jusqu'à dire : Et, si le roi des Huns ne lui charme l'oreille, Il n'aurait jamais parlé ainsi de Racine, le seul qui eut toujours un style noble et pur. (V.) 2 Il faut dire, Oui, tout vainqueur qu'il est (V.). 3 Cette opposition de la mer et des feux est un jeu de mots puéril, auquel l'auteur n'a peut-être pas pensé. (V.) 4 Toutes ces expressions sont fausses et alambiquées. Des rigueurs n'ont point de droit, elles n'en ont point sur la fortune de César; et ce César qui n'a rien qui importune est comique. J'avoue qu'on est étonné de tant de fautes, quand on y regarde de près. Remarquonsles, puisqu'il faut être utile; mais songeons toujours que Corneille a des beautés admirables, et que s'il a bronché dans la carrière, c'est lui qui l'a ouverte en quelque façon, puisqu'il a surpassé ses contemporains jusqu'à l'époque d'Andromaque. (V.) Mais quelle est votre attente, et que prétendez-vous, Le divorce, aujourd'hui si commun aux Romains, Un divorce chez lui fit place à Calpurnie. CHARMION. Par cette même voie il pourra vous quitter. CLÉOPATRE. Peut-être mon bonheur saura mieux l'arrêter; Ne durât-il qu'un jour, ma gloire est sans seconde Mon cœur sous son fardeau veut bien être abattu; Mais je veux que la gioire anime ses ardeurs, Ne t'étonne donc plus, Charmion, de me voir Par qui j'en apprendrai la nouvelle assurée 2. Son amour qui a un avantage, lequel ménagera mieux le courage de César qu'elle-même, est une idée obscure exprimée obscurément. (V.) 2 On apprend des nouvelles sures, et non une nouvelle assurée. On dit bien, cette nouvelle m'a éte assurée par tels et tels. (V.) SCÈNE II'. CLÉOPATRE, ACHORÉE, CHARMION. CLÉOPATRE. En est-ce déjà fait, et nos bords malheureux Madame, j'ai couru par votre ordre au rivage; Du plus grand des mortels j'ai vu trancher le sort : Ses trois vaisseaux en rade avaient mis voiles bas; Et, voyant dans le port préparer nos galères, Il croyait que le roi, touché de ses misères, Avec toute sa cour le venait recevoir; Mais voyant que ce prince, ingrat à ses mérites 3, Si Cléopâtre, au lieu de parler en femme galante, avait su donner de la noblesse à son amour pour César, et montrer en même temps la plus grande reconnaissance pour Pompée, et une véritable crainte de sa mort, le récit d'Achorée ferait bien un autre effet. Le cœur n'est point assez ému quand le récit des infortunes n'est fait qu'à des personnes indifférentes. Le nom de Pompée et de beaux vers suppléent à l'intérêt qui manque. Cléopâtre a montré assez d'envie de sauver Pompée pour que le récit qu'on lui fait la touche, mais non pas pour que ce récit soit un coup de théâtre, non pas pour qu'il fasse répandre des larmes. (V.) 2 On n'admire point un trépas, mais la manière héroïque dont un homme est mort. Cependant cette expression est une beauté, et non une faute; c'est une figure très-admissible. (V.) 3 Ingrat à ses mérites Nous disons, ingrat envers quelqu'un, et non pas ingrat à quelqu'un. Aujourd'hui que la langue semble commencer à se corrompre, et qu'on s'étudie à parler un jargon ridicule, on se sert du mot impropre vis-à-vis. Plusieurs gens de lettres ont été ingrats vis-à-vis de moi, au lieu de envers moi; cette compagnie s'est rendue difficile vis-à-vis du roi, au lieu de envers le roi ou avec le roi. Vous ne trouverez le mot vis-à-vis employé en ce sens dans aucun auteur classique du siècle de Louis XIV. (V). — Voltaire lui-même, encouragé par l'exemple de Racine, de Boileau et de tous nos bons poëtes, a dit, dans la Mort de César, ingrat à tes bontés; et l'abbé d'Olivet, qui n'était qu'un grammairien appuie cette manière de s'exprimer d'une citation de Vaugelas. (P.) N'envoyait qu'un esquif rempli de satellites, A ne hasarder pas Cornélie avec lui : N'exposons, lui dit-il, que cette seule tête « A la réception que l'Égypte m'apprête ; « Et, tandis que moi seul j'en courrai le danger, Et, comme député de ce jeune monarque, Passez, seigneur, dit-il, passez dans cette barque: «Les sables et les bancs cachés dessous les eaux << Rendent l'accès mal sûr à de plus grands vaisseaux. »> 1 Un cœur qui croit, dit Voltaire, ne serait pas souffert aujourd'hui. Lui-même pourtant, par une figure plus hardie, avait fait dire à Mérope: Mon cœur a vu toujours ce fils que je regrette. Croyait-il donc alors qu'un cœur eût des yeux? Non; mais il écrivait en poëte; et, dans quelques-unes de ses remarques, il semble ne juger que d'après des dictionnaires. (P.) |