Ne pourra refuser des soupirs et des pleurs. CLÉOPATRE. N'épargnez pas les miens; achevez, Achorée, ACHORÉE. On l'amène ; et du port nous le voyons venir, Septime et trois des siens, lâches enfants de Rome, CLÉOPATRE. Vous qui livrez la terre aux discordes civiles, D'un des pans de sa robe il couvre son visage, Et dédaigne de voir le ciel qui le trahit, De peur que d'un coup d'œil contre une telle offense N'est-ce pas là encore une fausse idée? Pourquoi Pompée aurait-il été digne d'être frappé, s'il eût gémi? et que veut dire digne d'être frappé? Quelle enflure! quelle fausse grandeur! (V.) 2 Il vaut mieux suivre, comme Homère, la nature jusque dans ses faiblesses que de s'écarter d'elle trop loin, en cherchant un merveilleux qui lui est contraire; comme Corneille, quand il dit que Pompée, dans le moment même qu'il est percé de coups par les assassins, Immobile à leurs coups, en lui-même rappelle... Le plus grand homme n'est point indifférent à un pareil moment; il ne croit pas qu'il soit au-dessous de lui d'y penser. (L. RACINE.) — Immobile n'a et ne peut avoir de régime: car, en toute langue, on n'est immobile ni à quelque chose ni en quelque chose. (V.) — Immobile à Ce qu'eut de beau sa vie, et ce qu'on dira d'elle; Par de longs cris aigus tâche d'y mettre obstacle, leurs coups nous paraît l'expression que le poëte devait choisir, parce que aucune autre ne peindrait mieux la situation et le courage tranquille de Pompée. Lorsque Racine, dans un seul vers, a fait dire à Hermione : Muet à mes soupirs, tranquille à mes alarmes, il ne consultait que la passion et son génie sans s'arrêter aux scrupules de la grammaire. (P.) Quoi, Pompée ne daigne pas songer qu'on l'assassine! quoi, il ne daigne pas préter l'esprit à vingt coups de poignard qu'il reçoit! Il n'y a rien au monde de plus faux, de plus romanesque; et cette vertu qui augmente ainsi son lustre dans leur crime! Quelles peines l'auteur se donne pour montrer de l'esprit faux, et pour s'expliquer en énigmes ! (V.) Cette pensée nous paraît en effet d'une exagération outrée. Le génie de Corneille, monté à l'hyperbole par celui de Lucain, passe évidemment la mesure dans quelques parties de ce beau récit : mais involontairement, et peut-être par le préjugé d'une vieille habitude, nous avons peine à nous défendre d'un sentiment d'admiration pour cet autre vers que Voltaire condamne : Et dédaigne de voir le ciel qui le trahit, (P.) 2 Ce mot illustre ne peut convenir à un soupir; et comment un soupir peut-il étaler tout Pompée? Corneille a voulu traduire le seque probat moriens de Lucain; il prouve en mourant qu'il est Pompée. Ce peu de mots est vrai, simple et noble. (V.) Les siens en ce désastre, à force de ramer, Tant l'excès du forfait, troublant leurs jugements, Où les vagues rendront ce dépôt précieux, Pour lui rendre, s'il peut, ce qu'aux morts on doit rendre, Dans quelque urne chétive en ramasser la cendre', Et d'un peu de poussière élever un tombeau A celui qui du monde eut le sort le plus beau. CLÉOPATRE. C'est lui-même, Achorée; il n'en faut point douter. Admirons cependant le destin des grands hommes, Le mot de chétive ne passerait pas aujourd'hui. Il me paraît qu'il fait ici un très-bel effet, par l'opposition d'une fin si déplorable à la grandeur passée de Pompée. (V.) 2 Cléopâtre a de quoi: on évite aujourd'hui de tels hémistiches. La situation n'en est pas moins intéressante; rien n'est plus grand que ce moment où Pompée périt, où Cornélie fuit, et où César arrive. On évite aujourd'hui ces lieux communs, mettre en poudre, qui n'étaient employés que pour rimer à foudre. (V.) Dont le bonheur semblait au-dessus du revers, Rendez l'augure faux, dieux, qui voyez mes larmes, CHARMION. Madame, le roi vient, qui pourra vous ouïr. SCÈNE III. PTOLOMÉE, CLÉOPATRE, CHARMION. PTOLOMÉE. Savez-vous le bonheur dont nous allons jouir, Ma sœur? CLÉOPATRE. Oui, je le sais; le grand César arrive : Sous les lois de Photin je ne suis plus captive. Non, mais en liberté je ris de son projet. PTOLOMÉE. Quel projet faisait-il dont vous pussiez vous plaindre? CLÉOPATRE. J'en ai souffert beaucoup, et j'avais plus à craindre. Cette idée est fort belle, et d'autant plus convenable, que le jour même on conspire contre César. (V.) -- On peut de plus la regarder comme un pressentiment prophétique de la mort de César, qui fut en effet assassiné comme Pompée. Les poëtes n'ont jamais négligé ces espèces de predictions. (P.) Un si grand politique est capable de tout; Et vous donnez les mains à tout ce qu'il résout. Si je suis ses conseils, j'en connais la prudence. Si j'en crains les effets, j'en vois la violence. PTOLOMÉE. Pour le bien de l'État tout est juste en un roi. Ce genre de justice est à craindre pour moi; PTOLOMÉE. Jamais un coup d'État ne fut mieux entrepris. CLÉOPATRE. Je ferai mes présents, n'ayez soin que des vôtres, Les vôtres sont les miens, étant de même sang. Vous pouvez dire encore, étant de même rang, PTOLOMÉE. Oui, ma sœur; car l'État, dont mon cœur est content, Mais César, à vos lois soumettant son courage, J'ai de l'ambition, mais je la sais régler: Ne parlons point ici du Tage, ni du Gange; Je connais ma portée, et ne prends point le change 1. Je connais ma portée, et ne prends point le change... Et je suis bonne sœur si vous n'ètes bon frère, |