(haut.) DORANTE, à part. Il faut jouer d'adresse. Quoi! monsieur, à présent qu'il faut dans les combats Acquérir quelque nom, et signaler mon bras... GÉRONTE. Avant qu'être au hasard qu'un autre bras t'immole, Souffrez qu'aux yeux de tous Pour obtenir pardon j'embrasse vos genoux. Je suis donc marié, puisqu'il faut que j'achève. Sans mon consentement? GÉRONTE. DORANTE. On m'a violenté : Vous ferez tout casser par votre autorité; Mais nous fumes tous deux forcés à l'hyménée Ah! si vous le saviez! GÉRONTE. Dis, ne me cache rien. DORANTE. Elle est de fort bon lieu, mon père; et pour son bien, Sachions, à cela près, puisque c'est chose faite. Elle se nomme? DORANTE. Orphise; et son père, Armédon. GÉRONTE. Je n'ai jamais ouï ni l'un ni l'autre nom. Mais poursuis. DORANTE. Je la vis presque à mon arrivée. Une âme de rocher ne s'en fût pas sauvée, Un soir que je venais de monter dans sa chambre 1 Ces particularités rendent la narration de Dorante plus vraisembla ble on ne peut se refuser au plaisir de dire que cette scène est une des plus agréables qui soient au théâtre. Corneille, en imitant cette comédie de l'espagnol de Lope de Vega, a, comme à son ordinaire, eu la gloire d'embellir son original. Il a été imité à son tour par le célèbre Goldoni. Au printemps de l'année 1780, cet auteur, si naturel et si fécond, a donné à Mantoue une comédie intitulée le Menteur. Il avoue qu'il en a imité les scènes les plus frappantes de la pièce de Corneille; il a même quelquefois beaucoup ajouté à son original. Il y a dans Goldoni deux choses fort plaisantes : la première, c'est un rival du Menteur, qui redit bonnement pour des vérités toutes les fables que le Menteur lui a débitées, et qui est pris pour un menteur lui-même, à qui on dit mille inJures; la seconde est le valet qui veut imiter son maître, et qui s'engage dans des mensonges ridicules dont il ne peut se tirer. Il est vrai que le caractère du Menteur de Goldoni est bien moins noble que celui de Corncille. La pièce française est plus sage; le style en est plus vif, plus intéressant. La pièce italienne n'approche point des vers de l'auteur de Cinna. Les Ménandre, les Térence, écrivirent en vers; c'est un mérite Oui, ce fut ce jour-là que je fus attrapé), Le bonhomme partait quand ma montre sonna : Et lui, se retournant vers sa fille étonnée : " " Depuis quand cette montre? et qui vous l'a donnée? Dit-elle, et veut ici la faire nettoyer, « N'ayant point d'horlogiers au lieu de sa demeure: Elle tombe par terre; et moi, je la crus morte. Il appelle au secours, il crie à l'assassin : de plus et ce n'est guère que par impuissance de mieux faire ou par envie de faire vite que les modernes ont écrit des comédies en prose. On s'y est ensuite accoutumé. L'Avare surtout, que Molière n'eut pas le temps de versifier, détermina plusieurs auteurs à faire en prose leurs comédies. Bien des gens prétendent aujourd'hui que la prose est plus natarelle, et sert mieux le comique. Je crois que dans les farces la prose est assez convenable; mais que le Misanthrope et le Tartufe perdraient de force et d'énergie s'ils étaient en prose! (V.) Ce mot venait d'être créé, et portait encore, du vivant de Corneille, toutes les traces de son étymologie. Quand un autre malheur de nouveau me perdit; (Ici Clarice les voit de sa fenêtre; et Lucrèce, avec Isabelle, les voit aussi de la sienne.) GÉRONTE. C'est-à-dire, en français, qu'il fallut l'épouser ? DORANTE. Les siens m'avaient trouvé de nuit seul avec elle, Ses grands efforts pour moi, son péril, et ses larmes, Non, non, je ne suis pas si mauvais que tu penses, DORANTE. Le peu de bien qu'elle a me faisait vous le taire. Je prends peu garde au bien, afin d'être bon père. Je vais me dégager du père de Clarice. SCÈNE VI. DORANTE, CLITON. DORANTE. Que dis-tu de l'histoire, et de mon artifice? CLITON. Quoi! ce que vous disiez n'est pas vrai! DORANTE. Pas deux mots, Et tu ne viens d'ouir qu'un trait de gentillesse CLITON. Quoi! la montre, l'épée, avec le pistolet... Industrie. DORANTE. CLITON. Obligez, monsieur, votre valet. Quand vous voudrez jouer de ces grands coups de maître, Donnez-lui quelque signe à les pouvoir connaître : Quoique bien averti, j'étais dans le panneau. DORANTE. Va, n'appréhende pas d'y tomber de nouveau; CLITON. Avec ces qualités j'ose bien espérer Qu'assez malaisément je pourrais m'en parer. |