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(haut.)

DORANTE, à part.

Il faut jouer d'adresse.

Quoi! monsieur, à présent qu'il faut dans les combats Acquérir quelque nom, et signaler mon bras...

GÉRONTE.

Avant qu'être au hasard qu'un autre bras t'immole,
Je veux dans ma maison avoir qui m'en console;
Je veux qu'un petit-fils puisse y tenir ton rang,
Soutenir ma vieillesse, et réparer mon sang.
En un mot, je le veux.

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Souffrez qu'aux yeux de tous

Pour obtenir pardon j'embrasse vos genoux.

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Je suis donc marié, puisqu'il faut que j'achève.

Sans mon consentement?

GÉRONTE.

DORANTE.

On m'a violenté :

Vous ferez tout casser par votre autorité;

Mais nous fumes tous deux forcés à l'hyménée
Par la fatalité la plus inopinée...

Ah! si vous le saviez!

GÉRONTE.

Dis, ne me cache rien.

DORANTE.

Elle est de fort bon lieu, mon père; et pour son bien,
S'il n'est du tout si grand que votre humeur souhaite...
CÉRONTE.

Sachions, à cela près, puisque c'est chose faite.

Elle se nomme?

DORANTE.

Orphise; et son père, Armédon.

GÉRONTE.

Je n'ai jamais ouï ni l'un ni l'autre nom.

Mais poursuis.

DORANTE.

Je la vis presque à mon arrivée.

Une âme de rocher ne s'en fût pas sauvée,
Tant elle avait d'appas, et tant son œil vainqueur
Par une douce force assujettit mon cœur!
Je cherchai donc chez elle à faire connaissance;
Et les soins obligeants de ma persévérance
Surent plaire de sorte à cet objet charmant,
Que j'en fus en six mois autant aimé qu'amant.
J'en reçus des faveurs secrètes, mais honnêtes;
Et j'étendis si loin mes petites conquêtes,
Qu'en son quartier souvent je me coulais sans bruit,
Pour causer avec elle une part de la nuit.

Un soir que je venais de monter dans sa chambre
(Ce fut, s'il m'en souvient, le second de septembre ',

1 Ces particularités rendent la narration de Dorante plus vraisembla ble on ne peut se refuser au plaisir de dire que cette scène est une des plus agréables qui soient au théâtre. Corneille, en imitant cette comédie de l'espagnol de Lope de Vega, a, comme à son ordinaire, eu la gloire d'embellir son original. Il a été imité à son tour par le célèbre Goldoni. Au printemps de l'année 1780, cet auteur, si naturel et si fécond, a donné à Mantoue une comédie intitulée le Menteur. Il avoue qu'il en a imité les scènes les plus frappantes de la pièce de Corneille; il a même quelquefois beaucoup ajouté à son original. Il y a dans Goldoni deux choses fort plaisantes : la première, c'est un rival du Menteur, qui redit bonnement pour des vérités toutes les fables que le Menteur lui a débitées, et qui est pris pour un menteur lui-même, à qui on dit mille inJures; la seconde est le valet qui veut imiter son maître, et qui s'engage dans des mensonges ridicules dont il ne peut se tirer. Il est vrai que le caractère du Menteur de Goldoni est bien moins noble que celui de Corncille. La pièce française est plus sage; le style en est plus vif, plus intéressant. La pièce italienne n'approche point des vers de l'auteur de Cinna. Les Ménandre, les Térence, écrivirent en vers; c'est un mérite

Oui, ce fut ce jour-là que je fus attrapé),
Ce soir même son père en ville avait soupé;
Il monte à son retour, il frappe à la porte : elle
Transit, pâlit, rougit, me cache en sa ruelle,
Ouvre enfin ; et d'abord (qu'elle eut d'esprit et d'art!)
Elle se jette au cou de ce pauvre vieillard,
Dérobe en l'embrassant son désordre à sa vue :
Il se sied; il lui dit qu'il veut la voir pourvue;
Lui propose un parti qu'on lui venait d'offrir.
Jugez combien mon cœur avait lors à souffrir!
Par sa réponse adroite elle sut si bien faire,
Que sans m'inquiéter elle plut à son père.
Ce discours ennuyeux enfin se termina;

Le bonhomme partait quand ma montre sonna :

Et lui, se retournant vers sa fille étonnée :

"

"

Depuis quand cette montre? et qui vous l'a donnée?
Acaste, mon cousin, me la vient d'envoyer,

Dit-elle, et veut ici la faire nettoyer,

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« N'ayant point d'horlogiers au lieu de sa demeure:
« Elle a déjà sonné deux fois en un quart d'heure.
«< Donnez-la-moi, dit-il, j'en prendrai mieux le soin. »
Alors pour me la prendre elle vient en mon coin:
Je la lui donne en main; mais, voyez ma disgrâce,
Avec mon pistolet le cordon s'embarrasse,
Fait marcher le déclin; le feu prend, le coup part:
Jugez de notre trouble à ce triste hasard.

Elle tombe par terre; et moi, je la crus morte.
Le père épouvanté gagne aussitôt la porte;

Il appelle au secours, il crie à l'assassin :
Son fils et deux valets me coupent le chemin.
Furieux de ma perte, et combattant de rage,
Au milieu de tous trois je me faisais passage,

de plus et ce n'est guère que par impuissance de mieux faire ou par envie de faire vite que les modernes ont écrit des comédies en prose. On s'y est ensuite accoutumé. L'Avare surtout, que Molière n'eut pas le temps de versifier, détermina plusieurs auteurs à faire en prose leurs comédies. Bien des gens prétendent aujourd'hui que la prose est plus natarelle, et sert mieux le comique. Je crois que dans les farces la prose est assez convenable; mais que le Misanthrope et le Tartufe perdraient de force et d'énergie s'ils étaient en prose! (V.)

Ce mot venait d'être créé, et portait encore, du vivant de Corneille, toutes les traces de son étymologie.

Quand un autre malheur de nouveau me perdit;
Mon épée en ma main en trois morceaux rompit.
Désarmé, je recule, et rentre : alors Orphise,
De sa frayeur première aucunement remise,
Sait prendre un temps si juste en son reste d'effroi,
Qu'elle pousse la porte et s'enferme avec moi.
Soudain nous entassons, pour défenses nouvelles,
Bancs, tables, coffres, lits, et jusqu'aux escabelles;
Nous nous barricadons, et, dans ce premier feu,
Nous croyons gagner tout à différer un peu.
Mais comme à ce rempart l'un et l'autre travaille,
D'une chambre voisine on perce la muraille :
Alors me voyant pris, il fallut composer.

(Ici Clarice les voit de sa fenêtre; et Lucrèce, avec Isabelle, les voit aussi de la sienne.)

GÉRONTE.

C'est-à-dire, en français, qu'il fallut l'épouser ?

DORANTE.

Les siens m'avaient trouvé de nuit seul avec elle,
Ils étaient les plus forts, elle me semblait belle,
Le scandale était grand, son honneur se perdait;
A ne le faire pas ma tête en répondait;

Ses grands efforts pour moi, son péril, et ses larmes,
A mon cœur amoureux étaient de nouveaux charmes :
Donc, pour sauver ma vie ainsi que son honneur,
Et me mettre avec elle au comble du bonheur,
Je changeai d'un seul mot la tempête en bonace,
Et fis ce que tout autre aurait fait en ma place.
Choisissez maintenant de me voir ou mourir,
Ou posséder un bien qu'on ne peut trop chérir.
GÉRONTE.

Non, non, je ne suis pas si mauvais que tu penses,
Et trouve en ton malheur de telles circonstances,
Que mon amour t'excuse; et mon esprit touché
Te blâme seulement de l'avoir trop caché.

DORANTE.

Le peu de bien qu'elle a me faisait vous le taire.
GÉRONTE.

Je prends peu garde au bien, afin d'être bon père.
Elle est belle, elle est sage, elle sort de bon lieu,
Tu l'aimes, elle t'aime; il me suffit. Adicu :

Je vais me dégager du père de Clarice.

SCÈNE VI.

DORANTE, CLITON.

DORANTE.

Que dis-tu de l'histoire, et de mon artifice?
Le bon homme en tient-il? m'en suis-je bien tiré?
Quelque sot en ma place y serait demeuré ;
Il eût perdu le temps à gémir et se plaindre,
Et, malgré son amour, se fût laissé contraindre,
O l'utile secret que mentir à propos!

CLITON.

Quoi! ce que vous disiez n'est pas vrai!

DORANTE.

Pas deux mots,

Et tu ne viens d'ouir qu'un trait de gentillesse
Pour conserver mon âme et mon cœur à Lucrèce.

CLITON.

Quoi! la montre, l'épée, avec le pistolet...

Industrie.

DORANTE.

CLITON.

Obligez, monsieur, votre valet.

Quand vous voudrez jouer de ces grands coups de maître, Donnez-lui quelque signe à les pouvoir connaître : Quoique bien averti, j'étais dans le panneau.

DORANTE.

Va, n'appréhende pas d'y tomber de nouveau;
Tu seras de mon cœur l'unique secrétaire,
Et de tous mes secrets le grand dépositaire.

CLITON.

Avec ces qualités j'ose bien espérer

Qu'assez malaisément je pourrais m'en parer.
Mais parlons de vos feux. Certes cette maîtresse...

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