Et, sans examiner, croit tout ce qu'elle craint. Mais laissons là Dorante avecque son audace; Allons trouver Clarice, et lui demander grâce : Elle pouvait tantôt m'entendre sans rougir. PHILISTE. Attendez à demain, et me laissez agir; Ne vous exposez point, pour gagner un moment, ALCIPPE. Si du jour qui s'enfuit la lumière est fidèle, SCÈNE III. CLARICE, ISABELLE. CLARICE. Isabelle, il est temps, allons trouver Lucrèce. ISABELLE. Il n'est pas encor tard, et rien ne vous en presse. Vous avez un pouvoir bien grand sur son esprit : A peine ai-je parlé, qu'elle a sur l'heure écrit. CLARICE. Clarice à la servir n'en serait pas moins prompte. ISABELLE. A Lucrèce avec moi je l'ai fait reconnaître; CLARICE. Qu'il est fourbe, Isabelle! ISABELLE. Eh bien! cette pratique est-elle si nouvelle? Que j'en sais comme lui qui parlent d'Allemagne, CLARICE. En matière de fourbe il est maître, il y pipe'; ISABELLE. Reconnaissez par là que Dorante vous aime, 1 Cette expression ne serait plus admise aujourd'hui. On dit piper au jeu, piper la bécasse: voilà tout ce qui est resté en usage. (V.) Votre père l'agrée, et le sien vous souhaite; Il vous aime, il vous plaît, c'est une affaire faite. CLARICE. Elle est faite, de vrai, ce qu'elle se fera. ISABELLE. Quoi! votre cœur se change, et désobéira? CLARICE. Tu vas sortir de garde, et perdre tes mesures 1. ISABELLE. Ah! je dis à mon tour: Qu'il est fourbe, madame! Que de prendre plaisir à fourber sans dessein. Car, pour moi, plus j'y songe, et moins je puis comprendre Quel fruit auprès de vous il en ose prétendre. Mais qu'allez-vous donc faire? et pourquoi lui parler? CLARICE. Je prendrai du plaisir du moins à le confondre. ISABELLE. J'en prendrais davantage à le laisser morfondre. CLARICE. Je veux l'entretenir par curiosité. Mais j'entrevois quelqu'un dans cette obscurité, SCÈNE IV2. DORANTE, CLITON. DORANTE. Voici l'heure et le lieu que marque le billet. Métaphore, tirée de l'art des armes. (v.) 2 Remarquez que le théâtre ici ne reste pas tout à fait vide, et que si CLITON. J'ai su tout ce détail d'un ancien valet '. Son père est de la robe, et n'a qu'elle de fille; DORANTE. Le ciel fait cette grâce à fort peu de personnes : SCÈNE V2. CLARICE, LUCRÈCE, ISABELLE, à la fenêtre; DORANTE, CLITON, en bas. CLARICE, à Isabelle. Isabelle, Durant notre entretien demeure en sentinelle. ISABELLE. Lorsque votre vieillard sera prêt à sortir, Je ne manquerai pas de vous en avertir. Il conte assez au long ton histoire à mon père. les scènes ne sont pas liées, elles sont du moins annoncées. Il sort deux acteurs, et il en rentre deux autres; mais les deux premiers ne sortent qu'en conséquence de l'arrivée des deux seconds: c'est toujours la même action qui continue, c'est le même objet qui occupe le spectateur. Il est mieux que les scènes soient toujours liées; les yeux et l'esprit en sont plus satisfaits. (V.) Autrefois un auteur, selon sa volonté, faisait hier d'une syllabe, et ancien de trois; aujourd'hui cette méthode est changée; ancien de trois syllabes rend le vers plus languissant; ancien de deux syllabes devient dür on est réduit à éviter ce mot, quand on veut faire des vers où rien ne rebute l'oreille. (V.) mes, Cette scène est tout espagnole : c'est un simple jeu de deux femne simple méprise de Dorante. (P.) Mais parle sous mon nom, c'est à moi de me taire. CLARICE. Êtes-vous là, Dorante? DORANTE. Oui, madame, c'est moi, Qui veux vivre et mourir sous votre seule loi. LUCRÈCE, à Clarice. Sa fleurette pour toi prend encor même style. Il devrait s'épargner cette gêne inutile. Mais m'aurait-il déjà reconnue à la voix? CLITON, à Dorante. C'est elle; et je me rends, monsieur, à cette fois. Oui, c'est moi qui voudrais effacer de ma vie Chère amie, il en conte à chacune à son tour. Il aime à promener sa fourbe et son amour. DORANTE. A vos commandements j'apporte donc ma vie; CLARICE. Je vous voulais tantôt proposer quelque chose; DORANTE. Impossible! ah! pour vous Je pourrai tout, madame, en tous lieux, contre tous. CLARICE. Jusqu'à vous marier, quand je sais que vous l'êtes? DORANTE. Moi, marié! ce sont pièces qu'on vous a faites; |