SCÈNE IV. GÉRONTE, DORANTE, CLITON. GÉRONTE. Je vous cherchais, Dorante. DORANTE, à part. Je ne vous cherchais pas, moi. Que mal à propos Vu l'étroite union que fait le mariage, J'écris donc à son père; écris-lui comme moi : DORANTE. De vos civilités il sera bien surpris; Et pour moi je suis prêt; mais je perdrai ma peine: Elle est grosse. GÉRONTE. Elle est grosse! DORANTE. Et de plus de six mois. Que de ravissements je sens à cette fois! DORANTE. Vous ne voudriez pas hasarder sa grossesse. GÉRONTE. Non, j'aurai patience autant que d'allégresse; A ce coup ma prière a pénétré les cieux. Le bonhomme s'en va le plus content du monde. Écris-lui comme moi. DORANTE. Je n'y manquerai pas. (à Cliton.) Qu'il est bon ! CLITON. Taisez-vous, il revient sur ses pas. GÉRONTE. Il ne me souvient plus du nom de ton beau-père. Comment s'appelle-t-il? DORANTE. Il n'est pas nécessaire; Sans que vous vous donniez ces soucis superflus, En fermant le paquet j'écrirai le dessus. GÉRONTE. Étant tout d'une main, il sera plus honnête. Ne lui pourrai-je ôter ce souci de la tête? Votre main ou la mienne, il n'importe des deux. GÉRONTE. Ces nobles de province y sont un peu fâcheux. GÉRONTE. Pyrandre! tu m'as dit tantôt un autre nom : DORANTE. Oui, c'est là son nom propre, et l'autre d'une terre ; C'est un abus commun qu'autorise l'usage, SCÈNE V1. DORANTE, CLITON. DORANTE. Enfin j'en suis sorti. CLITON. Il faut bonne mémoire après qu'on a menti. DORANTE. L'esprit a secouru le défaut de mémoire. CLITON. Mais on éclaircira bientôt toute l'histoire. De vous couvrir de honte et de confusion. DORANTE. Ta crainte est bien fondée; et puisque le temps presse, Voici tout à propos ce que j'ai souhaité. Qu'il me soit permis de dire en passant que, dans les quatre scènes précédentes, la résurrection d'Alcippe, le nouvel embarras de Dorante avec Géronte, la noble confiance de ce dernier, forment les situations les plus heureuses et les plus comiques. On ne voit point de tels exem. ples chez les Grecs ni chez les Latins aussi i'auteur italien n'a-t-il pas manqué de traduire toutes ces scènes. (V.) SCÈNE VI. DORANTE, CLITON, SABINE DORANTE. Chère amie, hier au soir j'étais si transporté, Je ne suis point ingrat alors que l'on m'oblige; Dépêche, tends la main. CLITON. Qu'elle y fait de façons! Si ce n'est assez d'une, ouvre toutes les deux : Cet article est de trop. SABINE. DORANTE. Vois-tu, je me propose De faire avec le temps pour toi toute autre chose. En voudrais-tu donner la réponse pour moi ? SABINE. Je la donnerai bien; mais je n'ose vous dire CLITON. Voyez, elle se rend Plus douce qu'une épouse, et plus souple qu'un gant. DORANTE. (bas, à Cliton.) (haut, à Sabine.) Le secret a joué. Présente-la, n'importe ; Je reviens dans une heure en apprendre l'effet. SABINE. Je vous conterai lors tout ce que j'aurai fait. SCÈNE VII. CLITON, SABINE. CLITON. Tu vois que les effets préviennent les paroles; C'est un homme qui fait litière de pistoles : Mais comme auprès de lui je puis beaucoup pour toi... SABINE. Fais tomber de la pluie, et laisse faire à moi. Tu viens d'entrer en goût. CLITON. SABINE. Avec mes révérences, Je ne suis pas encor si dupe que tu penses. CLITON. Si tu sais ton métier, dis-moi quelle espérance SABINE. Puisqu'il est si brave homme, il faut te dire tout. |