SABINE. Ce n'est pas sur ce coup que je fais mes essais : Mais sachez qu'il est homme à prendre sur le vert1 Je te croirai. LUCRÈCE. SABINE. Mettons cette pluie à couvert. ACTE CINQUIÈME. SCÈNE PREMIÈRE, GÉRONTE, PHILISTE. GÉRONTE. Je ne pouvais avoir rencontre plus heureuse Vous avez feuilleté le Digeste à Poitiers', Et vu, comme mon fils, les gens de ces quartiers : Quelle est et la famille et le bien de Pyrandre. Quel est-il, ce Pyrandre? PHILISTE. GÉRONTE. Un de leurs citoyens : Noble, à ce qu'on m'a dit, mais un peu mal en biens. PHILISTE. Il n'est dans tout Poitiers bourgeois ni gentilhomme GÉRONTE. Vous le connaîtrez mieux peut-être à l'autre nom; 1 On appelait alors le vert le gazon de rempart sur lequel on se promenait, et dé là vient le mot boulevert, vert à jouer à la boule, qu'on prononce aujourd'hui boulevart. Le nom de vert se donnait au marché aux herbes. (V.) Ce Pyrandre s'appelle autrement Armédon. Aussi peu l'un que l'autre. PHILISTE. GÉRONTE. Et le père d'Orphise, Cette rare beauté qu'en ces lieux même on prise? PHILISTE. Croyez que cette Orphise, Armédon, et Pyrandre, En faveur de mon fils vous faites l'ignorant; PHILISTE. Quoi! Dorante a donc fait un secret mariage? GÉRONTE. Et, comme je suis bon, je pardonne à son âge. PHILISTE. Qui vous l'a dit? GÉRONTE. Lui-même. PHILISTE. Ah! puisqu'il vous l'a dit, Il vous fera du reste un fidèle récit; Il en sait mieux que moi toutes les circonstances : Et moi je n'eus jamais celui de deviner. GÉRONTE. Vous me feriez par là soupçonner son histoire. PHILISTE. Non, sa parole est sûre, et vous pouvez l'en croire: Mais il nous servit hier d'une collation La pièce est fort complète, et des plus à la mode. Prenez-vous du plaisir à me mettre en courroux? PHILISTE. Ma foi, vous en tenez aussi bien comme nous; SCÈNE II. GÉRONTE. O vieillesse facile! ô jeunesse impudente! Comme si c'était peu pour mon reste de vie SCÈNE III. GÉRONTE, DORANTE, CLITON. Êtes-vous gentilhomme1? GÉRONTE. Cette scène est imitée de l'espagnol. Le génie mâle de Corneille quitte ici le ton familier de la comédie; le sujet qu'il traite l'oblige d'élever sa voix : c'est un père justement indigné, c'est Iratus Chremes (qui) tumido delitigat ore. On voit ici la même main qui peignit le vieil Horace et don Diègue. Il n'est point de père qui ne doive faire lire cette belle scène à ses enfants; DORANTE, à part. Ah! rencontre fâcheuse!. (haut.) Étant sorti de vous, la chose est peu douteuse. GÉRONTE. Croyez-vous qu'il suffit d'être sorti de moi? DORANTE. Avec toute la France aisément je le croi. GÉRONTE. Et ne savez-vous point avec toute la France DORANTE. J'ignorerais un point que n'ignore personne, Où le sang a manqué, si la vertu l'acquiert, DORANTE. Moi? GÉRONTE. Laisse-moi parler, toi, de qui l'imposture et, si l'on disait aux farouches ennemis du théâtre, aux persécuteurs du plus beau des arts: Oserez-vous nier que cette scène, bien représentée, ne fasse une impression plus heureuse et plus forte sur l'esprit d'un jeune homme que tous les sermons que l'on débite journellement sur cette matière ? je voudrais bien savoir ce qu'ils pourraient répondre. Goldoni, dans son Bugiardo, n'a pu imiter cette belle scène de Corneille, e, parce que Pantalon Bisognosi est le père de son Menteur, et que Pantalon, marchand vénitien, ne peut avoir l'autorité et le ton d'un gentilhomme Pantalon dit simplement à son fils qu'il faut qu'un marchand ait de la bonne foi. (V.) Est-il quelque faiblesse, est-il quelque action Dont un cœur vraiment noble ait plus d'aversion, Et si dedans le sang il ne lave l'affront Qu'un si honteux outrage imprime sur son front? Qui vous dit que je mens? DORANTE. GÉRONTE. Qui me le dit, infâme? Dis-moi, si tu le peux, dis le nom de ta femme. Dites que le sommeil vous l'a fait oublier. GÉRONTE. Ajoute, ajoute encore avec effronterie Le nom de ton beau-père et de sa seigneurie; Appelez la mémoire ou l'esprit au secours. De quel front cependant faut-il que je confesse ▲ Consentir est un verbe neutre qui régit le datif, c'est-à-dire notre préposition à, qui sert de datif. On ne dit pas consentir quelque chose, mais à quelque chose. Dans quelques éditions, on a substitué approuvait à consentait. (V.) |