Quand l'un veut tout tuer, l'autre rabat les coups; Je suivrai ton conseil, il m'a rendu la vie. LYSE. Avec sa complaisance à flatter votre envie, Mon front n'en rougit point; et je veux bien qu'il voie DORANTE. Mes yeux, que vois-je? où suis-je? êtes-vous des flatteurs? C'est ainsi que je tâche à ne me point méprendre, Ce portrait est à vous, vous l'avez su défendre, Je retirais le cœur en retirant ce gage, Pour ne rien hasarder j'ai pris ce vêtement, Pour entrer sans soupçons, pour en sortir de même, DORANTE. Je demeure immobile; et, pour vous répliquer, Je perds la liberté même de m'expliquer. Que ma vie est trop peu pour ce que je vous dois; MÉLISSE. Sachez, pour arrêter ce discours qui me flatte, DORANTE. Mais, après que les dons m'auront ouvert la porte, MÉLISSE. Ayant su la maison, Vous pourriez aisément vous informer du nom; Encore un jour ou deux il me faut vous le taire : Mais vous n'êtes pas bomme à me vouloir déplaire. Je loge en Bellecour, environ au milieu, Dans un grand pavillon. N'y manquez pas. Adicu. Si vous m'aimez, monsieur... (Elles baissent toutes deux leurs coiffes.) DORANTE. Je sais bien mon devoir; Sur ma discrétion prenez toute assurance 1. SCÈNE IV. PHILISTE, DORANTE, CLITON. PHILISTE. Ami, notre bonheur passe notre espérance. DORANTE. s'il vous plaît. Laissez-les échapper, je vous dirai qui c'est. PHILISTE. Vous trouvez en tous lieux d'assez bonnes fortunes. DORANTE. Celle-ci pour le moins n'est pas des plus communes. PHILISTE. Elle vous semble belle, à ce compte? DORANTE. A ravir. PHILISTE. Je n'en suis point jaloux. DORANTE. M'y voulez-vous servir? PHILISTE. Je suis trop maladroit pour un si noble rôle. DORANTE. Vous n'avez seulement qu'à dire une parole. Qu'une ? PHILISTE. Cette scène, où Mélisse voilée vient voir si on lui rendra son portrait, devait être d'autant plus agréable que les femmes alors étaient en usage de porter un masque de velours, ou d'abaisser leurs coiffes, quand elles sortaient à pied : cette mode venait d'Espagne, ainsi que plupart de nos comédies. (V.) la DORANTE. Non. Cette nuit j'ai promis de la voir, Sûr que vous obtiendrez mon congé pour ce soir. Le concierge est à vous. PHILISTE. C'est une affaire faite. DORANTE. Quoi! vous me refusez un mot que je souhaite? PHILISTE. L'ordre, tout au contraire, en est déjà donné, Comme je vous quittais avec peine à vous croire, Mais, quoiqu'il soit constant qu'on vous prend pour un autre, Ce sont formalités que pour vous dégager Les juges, disent-ils, sont tenus d'exiger; Mais sans doute ils en font ainsi que bon leur semble. DORANTE. Que ne vous dois-je point pour de si bons offices! PHILISTE. Ami, ce ne sont là que de petits services; Je voudrais pouvoir mieux, tout me serait fort doux. Et si parfaitement Que j'en suis même encor dans le ravissement. DORANTE. Je suis ravi de voir que mon élection CLITON. Ah! plût à Dieu, monsieur, que ce fût la servante! DORANTE. Admire en cet amour la force du destin. CLITON. J'admire bien plutôt votre adresse ordinaire, 1 On pouvait tirer un plus grand parti de l'aventure de Philiste, qui rencontre sa maîtresse dans la prison de Dorante: ce coup de théâtre, qui pouvait fournir les situations les plus intéressantes, ne produit qu'un mensonge aussi plat qu'inutile; tout se borne à faire passer Mélisse pour une lingère l'intrigue pouvait redoubler, et elle est affaiblie; l'intérêt cesse dès qu'il n'y a plus de danger; le comique cesse aussi dès qu'il n'est plus dans les situations et voilà ce qui perd une pièce que quelques changements pouvaient rendre excellente. (V.) |