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Adieu. Je prendrai soin demain de votre affaire. Il est saison pour vous de voir votre lingère. Puissiez-vous recevoir dans ce doux entretien Un plaisir plus solide et plus long que le mien!

SCÈNE VIII.

DORANTE, CLITON.

DORANTE.

Cliton, si tu le peux, regarde-moi sans rire.

CLITON.

J'entends à demi-mot, et ne m'en puis dédire.

J'ai gagné votre mal.

DORANTE.

Eh bien ! l'occasion?

CLITON.

Elle fait le menteur, ainsi que le larron :

Mais si j'en ai donné, c'est pour votre service.

DORANTE.

Tu l'as bien fait courir avec cet artifice.

CLITON.

Si je ne fusse chu, je l'eusse mené loin:

Mais surtout j'ai trouvé la lanterne au besoin;
Et, sans ce prompt secours, votre feinte importune
M'eût bien embarrassé de votre nuit sans lune.
Sachez une autre fois que ces difficultés

Ne se proposent point qu'entre gens concertés.

DORANTE.

Pour le mieux éblouir, je faisais le sévère.

CLITON.

C'était un jeu tout propre à gâter le inystère
Dites-moi cependant, êtes-vous satisfait?

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Mais on l'a pris pour moi dans une nuit si noire;
On s'excuse du moins avec cette couleur.

CLITON.

Ces fenêtres toujours vous ont porté malheur. Vous y prîtes jadis Clarice pour Lucrèce 1 : Aujourd'hui même erreur trompe cette maîtresse ; Et vous n'avez point eu de pareils rendez-vous Sans faire une jalouse, ou devenir jaloux.

DORANTE.

Je n'ai pas lieu de l'être, et n'en sors pas fort triste.

CLITON.

Vous pourrez maintenant savoir tout de Philiste.

DORANTE.

Cliton, tout au contraire, il me faut l'éviter :
Tout est perdu pour moi s'il me va tout conter.
De quel front oserais-je, après sa confidence,
Souffrir que mon amour se mît en évidence?
Après les soins qu'il prend de rompre ma prison,
Aimer en même lieu semble une trahison.
Voyant cette chaleur qui pour moi l'intéresse,
Je rougis en secret de servir sa maîtresse,
Et crois devoir du moins ignorer son amour
Jusqu'à ce que le mien ait pu paraître au jour.
Déclaré le premier, je l'oblige à se taire;
Ou, si de cette flamme il ne se peut défaire,
Il ne peut refuser de s'en remettre au choix
De celle dont tous deux nous adorons les lois.

CLITON.

Quand il vous préviendra, vous pouvez le défendre Aussi bien contre lui comme contre Cléandre.

DORANTE.

Contre Cléandre et lui je n'ai pas même droit;
Je dois autant à l'un comme l'autre me doit ;
Et tout homme d'honneur n'est qu'en inquiétude,
Pouvant être suspect de quelque ingratitude.
Allons nous reposer; la nuit et le sommeil
Nous pourront inspirer quelque meilleur conseil.

Voyez le Menteur, acte III, sc. iv.

ACTE CINQUIÈME.

SCENE PREMIÈRE.

LYSE, CLITON.

CLITON.

Nous voici bien logés, Lyse; et, sans raillerie,
Je ne souhaitais pas meilleure hôtellerie.
Enfin nous voyons clair à ce que nous faisons,
Et je puis à loisir te conter mes raisons.

LYSE.

Tes raisons? c'est-dirc autant d'extravagances.

CLITON.

Tu me connais déjà !

LYSE.

Bien mieux que tu ne penses.

CLITON.

J'en débite beaucoup.

LYSE.

Tu sais les prodiguer.

CLITON.

Mais sais-tu que l'amour me fait extravaguer?

En tiens-tu donc pour moi?

LYSE.

CLITON.

J'en tiens, je le confesse.

LYSE.

Autant comme ton maître en tient pour ma maîtresse?

CLITON.

Non pas encor si fort, mais dès ce même instant

Il ne tiendra qu'à toi que je n'en tienne autant :
Tu n'as qu'à l'imiter pour être autant aimée.

LYSE.

Si son âme est en feu, la mienne est enflammée;
Et je crois jusqu'ici ne l'imiter pas mal.

CLITON.

Tu manques, à vrai dire, encore au principal.

Ton secret est obscur.

LYSE.

CLITON

Tu ne veux pas l'entendre : Vois quelle est sa méthode, et tâche de la prendre.

Ses attraits tout-puissants ont des avant-coureurs
Encor plus souverains à lui gagner les cœurs :
Mon maître se rendit à ton premier message.
Ce n'est pas qu'en effet je n'aime ton visage;
Mais l'amour aujourd'hui dans les cœurs les plus vains
Entre moins par les yeux qu'il ne fait par les mains;
Et quand l'objet aimé voit les siennes garnies,

Il voit en l'autre objet des grâces infinies :
Pourrais-tu te résoudre à m'attaquer ainsi?

LYSE.

J'en voudrais être quitte à moins d'un grand merci.

CLITON.

Écoute; je n'ai pas une âme intéressée,

Et je te veux ouvrir le fond de ma pensée.

Aimons-nous but à but, sans soupçons, sans rigueur; Donnons âme pour âme, et rendons cœur pour cœur.

J'en veux bien à ce prix.

LYSE.

CLITON.

Donc, sans plus de langage, Tu veux bien m'en donner quelques baisers pour gage?

LYSE.

Pour l'âme et pour le cœur, tant que tu le voudras;
Mais pour le bout du doigt, ne le demande pas :
Un amour délicat hait ces faveurs grossières,
Et je t'ai bien donné des preuves plus entières.
Pourquoi me demander des gages superflus?
Ayant l'âme et le cœur, que te faut-il de plus?

CLITON.

J'ai le goût fort grossier en matière de flamme;
Je sais que c'est beaucoup qu'avoir le cœur et l'âme;
Mais je ne sais pas moins qu'on a fort peu de fruit
Et de l'âme et du cœur, si le reste ne suit.

LYSE.

Eh quoi! pauvre ignorant, ne sais-tu pas encore
Qu'il faut suivre l'humeur de celle qu'on adore,

Se rendre complaisant, vouloir ce qu'elle veut?

CLITON.

Si tu n'en veux changer, c'est ce qui ne se peut.
De quoi me guériraient ces gages invisibles?
Comme j'ai l'esprit lourd, je les veux plus sensibles;
Autrement, marché nul.

LYSE.

Ne désespère point;

Chaque chose a son ordre, et tout vient à son point; Peut-être avec le temps nous pourrons nous connaître. Apprends-moi cependant qu'est devenu ton maître.

CLITON.

Il est avec Philiste allé remercier

Ceux que pour son affaire il a voulu prier.

LYSE.

Je crois qu'il est ravi de voir que sa maîtresse
Est la sœur de Cléandre, et devient son hôtesse?

CLITON.

Il a raison de l'être, et de tout espérer.

LYSE.

Avec toute assurance il peut se déclarer;
Autant comme la sœur le frère le souhaite;
Et s'il l'aime en effet, je tiens la chose faite.

CLITON.

Ne doute point s'il l'aime après qu'il meurt d'amour.

LYSE.

Il semble toutefois fort triste à son retour.

SCÈNE II.

DORANTE, CLITON, LYSE.

DORANTE.

Tout est perdu, Cliton; il faut ployer bagage.

CLITON.

Je fais ici, monsieur, l'amour de bon courage;
Au lieu de m'y troubler, allez en faire autant.

DORANTE.

N'en parlons plus.

CLITON.

Entrez, vous dis-je, on vous attend.

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