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céder à la malheureufe paffion que vous lui avez infpirée. Ciel! que m'apprenez-vous, m'écriaije! Achevez de m'entendre, me dit Mademoiselle de Rocheville.

Dès le premier moment que Madame de Rofoi vous a vû, continua-t'elle, vous avez triomphé d'une infenfibilité, qui, jufqu'alors, avoit fait le bonheur de fa vie. Son devoir, dont la préfence d'un mari la faifoit fouvenir fans ceffe, a combattu contre vous, & eût été victorieux; mais votre malheur commun a voulu qu'elle devînt veuve. Dès ce moment, fa raison & fa paffion l'ont tirannifée tour à tour; incertaine, efperant de fe vaincre, le voulant, elle vous demanda trois mois d'absence: mais en vain le devoir, la vertu, la nature ont voulu parler; l'amour les a tous rendus muets; & au

jourd'hui Madame de Rofoi, entraînée toute entiere par fa paffion, n'écoute plus que ce qu'elle lui confeille. Quel changement! De la plus tendre mere, l'Amour en a fait une mere, qui ne voit plus dans fa fille qu'une Rivale heureufe. Déterminée à ne jamais vous donner fa fille ; déterminée même, (fi elle ne craignoit de fe trahir, & de vous devenir un objet odieux) à la donner à un autre ; voici les loix barbares qu'elle prescrivit à l'infortunée Alix, quelques jours avant votre arrivée.

Je connois trop mon fang, lui dit-elle, pour ne pas vous croire capable de fermeté, & votre conduite, jufqu'au moment où je vous parle, ne me permet pas de douter de votre obéiffance: écoutezmoi avec attention. Le Comte de Rethel ne fera jamais votre é

poux. Votre pere, vivant, étoit le maître de votre deftinée; je n'avois que le droit de la remontrance: mais fon trépas me rend arbitre de votre fort. Le Ciel ne vous a rien refufe; il vous a donné de la beauté, de la vertu, une grande naiffance, & vous a fait une puissante héritiere. Avec ces avantages, vous devez afpirer à un rang encore plus élevé, qu'à celui que vous donneroit le Com te de Rethel. Si une impreffion tendre, que je n'ai pas blâmée jufqu'à ce jour, & que le tems ef facera, vous fait trouver de la dureté dans la défenfe que je vous fais d'entretenir l'efpoir de Roger, fouvenez-vous que c'eft une mere tendre, mais jufte & fans. complaifance, qui vous parle, & qui veut être obéie. A cet ar rêt fevere, qui fut un coup de foudre pour Mademoiselle de

Rofoi, elle ne put retenir fes larmes fa mere les voïant couler, lui dit froidement : Je vous pardonne ce premier mouvement de foibleffe, mais que ce foit l'unique, un fecond m'irriteroit. Roger, continua - t'elle, arrivera dans peu de jours, avec Thibault fon pere; je veux dégager ma parole, ou plûtôt celle de Monfieur de Rofoi: c'eft à vous à m'aider. Oui; il faut éviter le Comte de Rethel: il faut faire plus; il faut que vous aïez la force de ne lui montrer qu'une indifférence qui lui annonce fon malheur. Ün mot, un regard vous attireroient tout mon reffentiment: enfin, qu'il vous croïe légere, c'eft mon affaire de vous juftifier. Votre jeuneffe fera votre excufe, & ma tendreffe pour vous, fera la mienne, fi l'on me reproche de trop accorder à votre caprice.

J'admirai la foumiffion de Ma demoiselle de Rofoi, dont je vis le cœur mortellement bleffe ; elle fortit fans avoir prononcé une parole; fes pleurs feulement avoient avoué combien il alloit lui en coûter pour obéir. Cette obeïffance, peut-être trop fcrupuleuse, mais loüable, a fait naître les allarmes qui viennent de vous montrer le plus paffionné de tous les hommes, aux yeux d'une mere Rivale de fa fille. Malheureux transports! Hélas! ils n'ont fervi qu'à augmenter l'amour & la haine de Madame de Rofoi.

Mon étonnement & ma douleur, pourfuivit le Comte de Rethel, ne me permirent pas d'interrompre la fidelle Rocheville; mes exclamations entrecoupées de foupirs, lui marquoient feules, le défordre de mon ame:

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