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avec moi jufqu'à ce jour ? Com ment votre ame, pleine de fa douleur, a-t'elle pû se refuser la confolation de s'épancher dans le fein d'un ami? Si j'ai autant de force pour conferver mon reffen-timent , que vous en avez eu pour garder votre fecret, crai-gnez que je ne vous pardonne de long-tems. Hé bien! mon cher Raoul, repartit Roger, pour vous donner le tems de me pardonner remettons ce qui me reste à vous apprendre, à une au-tre occafion. Non pas, lui dit Raoul; il ne vous eft plus permis d'interrompre une converfation dont le fujet eft, pour moi, fi intéreffant vous continuerez; j'exige de vous cette complaifance. Vous n'auriez pas à m'en remercier, reprit Roger, fi nous en avions le tems: j'adore Mademoifelle de Rofoi, elle m'occupe

fans ceffe ; peut-il être pour moi des inftans plus doux que ceux où je m'entretiens d'elle? Mais nous avons ici des bienféances à garder la nuit tombe déja, & l'heure approche où l'on s'affemble chez le Prince; nous devons y être des premiers: notre abfence, notre retardement même y feroit remarqué. D'ailleurs, je lis dans vos yeux l'impatience que vous avez d'aller au Quartier du Duc de Bourgogne, pour y. faire votre cour à l'aimable Madame de Camplit. Puifque vous le voulez ainfi, repliqua Raoul, j'y vais de ce pas; mais j'y vais pour vous juftifier auprès de tou-tes les femmes aimables, qui vous croient infenfible. Pour faire cef. fer leur étonnement, je leur apprendrai la caufe de votre indiffé-rence pour elles; je veux leur é pargner avec vous, les frais d'une

coquetterie en pure perte pour leur vanité. De même que les charmes de Madame de Camplit, répondit Roger, ont juftifié dans votre efprit la foibleffe du Duc de Bourgogne pour elle, ils me garantiront de votre indifcrétion; en les voïant, vous ne fongerez plus à parler de moi. J'avoue, mon cher Roger, repartit Raoul, que Madame de Camplit m'amufe infiniment; l'agrément qu'elle a dans l'efprit & dans toutes les manieres, échauffe mon imagination: cependant ne craignez rien pour mon repos ; je ne fuis ni affez humble, ni affez vain, pour devenir un Rival ferieux du Duc de Bourgogne. Je trouve Madame de Camplit aimable fans la craindre : le plaifir que je fens à la voir, ne me caufe que des défirs qui ne font mêlez d'aucune inquiétude; & l'idée qu'

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elle me laiffera de fes charmes, en quittant ce Camp, me fera toujours plaifir, & ne m'inquiétera jamais. Madame de Camplit est toute dans mon imagination, & non dans mon cœur. Allons donc, mon cher Roger, faire notre cour au Duc de Bourgogne; moi pour y voir Madame de Camplit, qui, fans être touchée en ma faveur, écoutera avec complaifance ce que je lui dirai; vous, pour vous arracher, s'il peut, à vous-même.

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C'étoit moins la beauté de Madame de Camplit, qui l'avoit renduë maîtreffe abfolue du cœur & de l'efprit de Hugues de Bourgogne, que beaucoup d'habileté : fes manieres careffantes, un badinage léger, une raillerie fine, des faillies heureuses, un pinceau vif & brillant pour peindre ou les caracteres ou les ridicules, des

idées fingulieres, & fingulierement renduës; tout cela réuni enfemble, en faifoit une femme charmante. Elle étoit trop attentive à conferver fa conquête, pour laiffer le Duc de Bourgogne dans une tranquilité dangereufe; auffi ne s'armoit-elle jamais d'une feverité, qui auroit éloigné ceux que fes appas captivoient. Elle vouloit des victimes toujours toutes prêtes à immoler à la jaloufie du Duc ; jaloufie qu'elle fçavoit faire naître, nourrir & arrêter, felon qu'elle le jugeoit à propos. Son grand art étoit de ne jamais paroître exiger rien de lui, que pour fa propre gloire: fon interêt fe tenoit toujours caché fous le voile de celui du Duc de Bourgogne. Elle fe fervoit du prétexte d'aimer les Fêtes & les Spectacles, pour l'amufer fans ceffe. Ce Prince eroïoit s'acqué

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