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Chef de Famille. Ainfi vous n'avez point d'autre parti à prendre, que celui de fouffrir, d'être conftant, & d'attendre du tems, ce qu'il pourra obtenir de Madame de Rofoi. Elle a de l'efprit, & une réputation à conferver: elle eut toujours de la vertu ; cette vertu & la tendreffe maternelle triompheront un jour. Tout ce que je puis, & je vous le promets, c'eft d'exiger d'elle de ne pas difpofer de fa fille fans me confulter. Vous fentez bien, & peut-être Madame de Rofoi le fentira-t'elle de même, que le principal objet de mon attention, fera de prévenir le malheur dont vous êtes menacé. Votre âge votre naiffance, l'amitié de votre Roi, qui, pendant votre abfence, veillera à vos interêts, & la tendreffe de Mademoiselle de Rofoi, tout doit nourrir dans votrę

cœur des efpérances qui, malgré tant d'obstacles, ne feront pas trompeufes. Je fus bien plus affligé que furpris, de la fageffe que renfermoit le difcours du Roi, & malgré le peu d'adouciffement que j'y trouvois pour ma fituation, je ne pus le défaprouver.

Je paffai la nuit fans me coucher, allant, venant, m'arrêtant dans ma chambre comme un homme égaré. Tantôt je me reprochois mon imbécile fraïeur devant Madame de Rofoi, à qui je venois de donner des armes contre moi, & plus encore contre fa fille, ou plûtôt fa Rivale; tantôt je murmurois contre un devoir qui me forçoit à fuivre les ordres du Roi. J'étois fur tout dévoré du défir de voir Mademoiselle de Rofoi avant que de m'éloigner. Je voulois l'inftruire moi-même de tout ce qui se paf

foit ; je voulois de plus, pour me raffurer au milieu de tant de nou→ veaux orages, l'entendre me ju→ rer encore qu'elle ne feroit jamais qu'à moi.

Après avoir cherché long-tems de quels ftratagêmes je pourrois me fervir pour pénétrer jufqu'à Alix, j'en imaginai un. Je partis, dès qu'il fut jour, avec le feul Clouvile; vous fçavez la confiance que j'ai en ce Gentilhomme. J'arrivai dans le Village de Chelles. Clouville fut auffitôt s'informer fi le Jardinier de l'Abbaïe n'avoit point une femme, ou des enfans: il fçut qu'il avoit un fils marié ; il fut le chercher, le trouva & l'amena. Je commençai ma converfation avec lui, par lui donner des marques de ma libéralité, qui l'étonnerent. Je lui dis enfuite de trouver le moien de me faire

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parler à fon pere. Je vais vous. le chercher, me répondit-il comme je travaille avec lui dans l'Abbaie, j'ai la liberté d'y entrer, & je vais vous l'amener. Une heure après, je vis arriver le pere & le fils. Je demandai au bon-homme, en m'y prenant avec lui de la même maniere que j'avois fait avec fon fils, s'il ne pourroit point m'introduire dans Chelles, comme un Garçon Jardinier dont il avoit befoin. Le bon-homme ne m'en fit aucune difficulté ; j'avois trouvé le vrai fecret de les applanir toutes: il me dit feulement qu'il ne pou→ voit me faire entrer que le lendemain, ajoutant que je pourrois loger chez fon fils, où il croïoit à propos de me cacher. J'y allai fur le champ; car je craignois d'être vû de quelqu'un des Gens de Madame de Rofoi, qui

pouvoit envoier à Chelles : mais je courus un bien plus grand rifque le lendemain.

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Madame de Rofoi étoit partie de Paris peu d'heures après moi: elle avoit couché dans l'Abbaie, elle étoit déja levée, elle alloit fe promener appuiée fur Mademoiselle de Rocheville, lorfque je me trouvai prefque vis-à-vis d'elle, marchant à côté du bon-homme qui me conduifoit dans l'enclos du Couvent. La rencontre de Madame de Rofoi me caufa un trouble extrême; je tremblai qu'elle ne me reconnût : elle me regarda en paffant ; mais mon déguifement, & un petit détour que je pris comme par refpect, l'empêcherent de me diftinguer.

Me voilà donc, les inftrumens de jardinage à la main d'une façon affez mal-adroite; mais le bon-homme m'apprenoit à m'en

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