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vous avez faite au Roi, me dit Alix; la bonté avec laquelle il l'a reçûë; le difcours qu'il doit tenir à ma mere; la premiere démarche de violence qu'elle tenteroit contre nos interêts, dont j'inftruirois d'abord ce Prince; enfin le retour prochain de mon Oncle, tout cela joint ensemble, me donne de la hardieffe, & doit, en vous éloignant de la Cour, vous donner quelque tranquilité. Allez, cher Comte, allez confondre ma mere; mais cachez-lui que vous avez vû notre chere & fidelle amie. Dites-lui que vous êtes entré, que vous m'avez parlé, & que vous êtes forti dant qu'elle étoit avec elle. Je ferois perdue, fi elle la foupçonnoit elle me priveroit fur le champ, de la confolation de l'avoir auprès de moi; & que deviendrois-je ? Avec qui parlerois

pen

je de vous & de nos malheurs ? Allez, cher Comte, ne perdez pas un moment. Que ma mere vous voie à Paris prefque auffitôt qu'elle y arrivera, & demain informez-moi de tout ce qui fe fera paffé. Hélas! s'écria-t'elle, que le plaifir que j'ai de vous voir, me fait fentir vivement la douleur d'en être privée ! Je ne vous verrai plus. Vous allez partir pour exécuter les ordres du Roi; mais il le faut : que dis-je? quand même vous ne vous éloigneriez pas, je ne vous verrois plus: l'aveu que vous allez faire à ma mere, vous en ôteroit les moïens; mais j'en efpere beaucoup. Adieu, cher Comte; allez travailler à vaincre le malheur qui nous pourfuit.

Depuis ce tendre adieu, jufqu'au moment où je quittai Mademoiselle de Rofoi, il y eut

plus d'une heure d'intervalle. Me falloit-il moins de tems pour la remercier de fes bontez › pour lui marquer mes tranfports, pour lui exprimer avec quelle inquié-tude j'allois m'éloigner, pour lui faire répéter que, malgré les tentatives & les efforts de fa cruelle mere, elle ne feroit jamais qu'à moi? Enfin après lui avoir juré mille fois que je l'adorois, nous nous feparâmes. Je la vis s'éloigner avec un regret & une douleur inexprimable: lorfque je l'eus perduë de vûë, j'allai retrouver mon Introducteur, que je priai de me faire fortir prompte

ment.

Je revins à Paris d'une viteffe extrême.. J'allai auffi-tôt chez Madame de Rofoi : elle étoit feule.. Je lui dis,, en l'abordant: Il ne refte plus chez vous, Madame, nulle trace de cette indifpofition

fubite qui vous prit avant hier; fans doute l'air de Chelles vous a fait du bien? Qui vous a inftruit, me dit Madame de Rofoi toute troublée, que ma fille eft à Chelles, & que j'ai été la voir Dites, Madame, repliquai - je, que vous avez été voir votre fidelle Rocheville. Quoi pourfuivis-je, vous avez eu la cruauté de paffer vingt-quatre heures à Chelles, fans voir Mademoifelle de Rofoi?. De quel crime la puniffez-vous? Et vous, me repartit-elle avec fierté, de quel droit m'en demandez-vous compte? Du droit, lui répondis-je vivement, qu'un pere, vous & Mademoiselle de Rofoi me donnent. Je vois votre étonnement Madame ; vous cherchez dans ce moment de quelle maniere je puis avoir été inftruit. Hé bien ! je vais vous l'apprendre. Nous:

étions dans Chelles en même tems, vous au dehors avec votre bien-aimée Rocheville, moi dans l'intérieur, où le hazard m'a d'abord fait trouver Mademoifelle de Rofoi:c'eft en vain qu'elle a voulu m'éviter. Quoi me dit Madame de Rofoi d'une voix effraïée, vous êtes entré dans Chelles? Vous avez vû ma fille? Jufte Ciel s'écria - t'elle, quel coup imprévû! Vous êtes entré dans Chelles? Vous avez vû ma fille? Oui, Madame, repliquai-je, j'ai fçû m'ouvrir les portes du Couvent: oui, j'y fuis entré ce matin, dans le moment, qu'ap puïée fur Mademoiselle de Rocheville, vous alliez vous promener. J'ai pafle fous vos yeux: vous m'avez régardé, mais un déguisement vous a fait me méconnoître. Quoi! Madame, c'eft vous qui me refufez Mademoi

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