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ordres de ma mere pour venir recevoir ma main. J'étois fi attendri des transports & des larmes de la mere & de la fille, & les inftances d'Alix pour m'engager à obéir, me troublerent à un tel point, que je fortis fans avoir la force de parler. Mon trouble, ma furprise, les doutes où me jettoit ce que je voïois, mon amour, tout étoit confondu.

En fortant de chez Madame de Rofoi, j'allai chez le Roi pour prende congé de lui, & recevoir fes derniers ordres. Il voulut bien me permettre de l'inftruire de tout ce qui s'étoit paffe depuis l'inftant que je lui avois parlé. Ce Prince, après m'avoir écouté avec bonté, me dit: IL ·· faut vous conformer à ce que Madame de Rofoi exige de vous: vous devez vous livrer à tous fes caprices,quelques déraisonnables

qu'ils foient, fongez qu'elle eft maîtreffe abfoluë de vous donner ou de vous refufer fa fille; ainfi Vous devez lui accorder tout > pour n'avoir rien à vous reprocher. Ce que je puis pour vous,. Rethel, c'eft d'être attentif fur ceux qui pourroient concevoir des deffeins fur Mademoiselle de Rofoi, & de les arrêter ; mais, fi quelque chofe fe tramoit à mon infçû, c'est à elle à m'en inftruire,» & aflez tôt, pour que je puiffe, fans violence & fans éclat, rompre les mefures de Madame de Rofoi. Partez: foiez tranquile: reftez absent tout le tems qu'elle exigera. Demeurez au Camp du Duc de Bourgogne, jufqu'à la fin; alors vous chargerez Raoul de Couci du Journal que vous aurez fait.

Je ne pus me réfoudre à partir' fans revoir Mademoiselle de

Rocheville je la vis; je lui fis part de mes doutes fur le procédé de Madame de Rofoi; je lui laiffai voir mes foupçons, mes craintes & mes inquiétudes. Pour me raffurer elle me dit, que depuis trois jours elle étoit témoin des cruels combats qui s'étoient paffez entre la foibleffe & la raifon de Madame de Rofoi ; combats où fa raifon avoit toujours été victorieuse. Mais, Mademoifelle, repliquai - je, fi cette femme habile vous trompoit, fi elle me trompoit, fi elle fe trompoit elle-même, que deviendroit l'infortunée Alix? Mademoiselle de Rocheville m'affura encore que Madame de Rofoi agifloit de bonne foi. Elle eft couverte de honte, me dit-elle, & pénétrée d'un repentir fincere; elle rougit avec elle-même d'un égarement, qui ne pouvoit jamais

que la rendre auffi méprisable que malheureuse.

Après une conversation de plus de trois heures, je dis à Made moiselle de Rocheville: Hé bien y je vais partir; mais fouvenezvous de votre amitié pour moi, & de vos engagemens. Vous m'inftruirez tous les jours de la conduite de Madame de Rofoi, & de ce que penfera Alix. J'efpere que pour m'aider à fupporter mes inquiétudes & fon absence, elle youdra bien mettre dans vos lettres quelques lignes de fa main. Mais, pourfuivis-je, partirai-je fans la voir? Mademoiselle de Rocheville me répondit, que la prudence le demandoit ; que ne pouvant la voir qu'en préfence de fa mere, c'étoit mettre fa vertu, encore chancelante, à de nou→ velles épreuves. Votre douleur, me dit-elle, pourroit vous ren

dre trop aimable aux yeux de Madame de Rofoi: fuïez, ne lui donnez ni le tems ni l'occafion de fe repentir. Le confeil de mon amie me parut trop fense pour ne le pas fuivre. J'obéis, lui dis-je: je vais partir, je vais être abfent; mais je ferai fi près de Paris, que je pourrai y revenir en moins de deux jours; car malgré la confiance que vous voulez me donner, malgré la parole de Mademoifelle, de Rofoi, & malgré ce que le Roi a bien voulu me promettre, il n'y aura que le peu de diftance des lieux qui pourra me donner quelque tranquilité. Mademoifelle de Rocheville m'approuva, & me donna le tems d'écrire à la divine Alix : elle m'embraffa tendrement pour elle, & me quitta.

Dès le lendemain, mon cher Raoul, nous prîmes ensemble la

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