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(a); vous y ferez reçû en homme de fa Maison, & je me flatte que vous vous y diftinguerez. Henri vient d'arriver de la Ter-re Sainte; il eft un de ces hommes que la Nature a créez pour modeles, à qui elle a donné les grandes qualitez qui font un digne Souverain, & toutes les vertus qui forment l'honnête homme. Allez, mon fils, allez admirer Henri ; l'admiration ne fe fait point fentir, qu'elle ne caufe de l'émulation. Si les hommes vicieux avoient fouvent occafion d'admirer, peut-être deviendroient-ils vertueux les exemples leur manquent.

Malgré le défir que j'avois de voir le Comte de Champagne & de juger par moi-même de fa Cour, je quittai mon pere à re

(a) Surnommé le Large, à caufe de fa magnificence.

gret. La folidité de fes raisonnemens, & les réflexions où ils me conduifoient, me faifoient trouver un plaifir toujours nouveau, à paffer les jours entiers avec lui. J'arrivai à la Cour de Champagne; je la trouvai encore audeffus de ce qu'on en publioit. Henri me reçut en Souverain, qui, par un accueil familier, mais pourtant mefuré, indique à fes Courtifans la maniere refpe&tueufe dont ils doivent fe comporter avec tout ce qui a l'honneur de porter fon nom. Son caractere m'infpira d'abord une eftime finguliere, & fes bontez firent fuivre de près la plus tendre amitié ; mais je n'eus le tems de prendre ces fentimens, que pour donner des larmes à fa perte. Ce Prince avoit contracté en Orient, une maladie de langueur; il ne vouloit point s'écouter: on

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lui confeilloit en vain d'avoir des attentions fur fa fanté ; il comptoit trop fur la bonté de fon tempérament; lui feul ne s'appercevoit point que fes forces dimi nuoient tous les jours. Enfin, une fiévre violente fuccéda à cette foibleffe ; il mourut. Sa vie avoit été glorieufe fa mort fut héroïque, & jetta une confternation générale dans le cœur de tous fes Sujets. Chacun croïoit avoir perdu le Chef de fa famille. Je fentis une fincere & vive douleur de fa perte: la trifteffe où la Cour de Champagne étoit plongée m'arrêta plûtôt que de me chaf fer. Sa fituation étoit femblable à celle de mon ame; je n'y voïois plus perfonne s'appercevoir de ma mélancolie, & les plaifirs, im portuns pour moi, ne cherchoient plus à m'en tirer : enfin, j'étois moins trifte, quoique plus affligé.

L'amitié qui s'étoit formée entre le Comte de Sancerre & moi, me rendit bien fenfible à fa douleur: il perdoit dans le Comte de Champagne, un refpectable & tendre frere. Je ne le laiffai jamais livré à lui-même, dans tout le tems que je reftai à Troie. J'y étois avec quelque tranquilité à l'égard de Madame de Rofoi: je m'y regardois comme aux portes de Paris, dont je ne voulois pas m'éloigner. Je me voïois près de Rethel, & je recevois fouvent des nouvelles de Mademoiselle de Rocheville. Hélas! elle croioit, comme Alix, que je n'avois plus qu'un moment à attendre pour être heureux.

Les chofes étoient en cet état, lorfque Mademoiselle de Rocheville, à qui j'avois mandé de preffer Madame de Rofoi fur mon rappel, m'écrivit. Sa lettre

me fit voler à Rethel, pour y prendre confeil de mon pere: il fut auffi furpris que moi, de voir par cette lettre, ce que Madame de Rofoi exigeoit. Comment, dit-il, cette cruelle femme voudroit encore ajouter trois mois aux fix qu'elle vous tient éloigné de la Cour? Je le vois; jamais elle ne pourra obtenir d'elle, de vous rendre heureux. Il faut lui arracher un confentement qu'elle ne peut fe réfoudre à donner. Sa folle paffion nourrit dans elle l'idée chimérique que le tems, les obftacles & l'abfence triompheront de votre tendreffe & de celle d'Alix. Dans cette efpérance, elle vous tiendroit éloigné des années entieres, fi on l'en laiffoit la maîtreffe. Mademoiselle de Rocheville vous apprend par fa lettre, que le Vicomte de Melun eft arrivé : il

eft

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