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eft frere de Madame de Rofoi; elle le craint, elle l'aime & le refpecte. Retournez, mon fils, à la Cour de Champagne, & moi je vais à celle de Philippe. Je verrai d'abord Madame de Rofoi ; je lui demanderai fi elle n'est pas encore fatisfaite de votre fou miffion, fi elle ne veut pas vous rappeller, pour vous donner un bien, qui vous eft dû depuis fi long-tems. Ce fera moins fa réponse qui réglera ma conduite, que le ton, le gefte & la voix dont elle l'accompagnera. Quelque foit fa réponse, je parlerai au Vicomte; je le connois peu, mais il eft homme d'honneur; il a de l'efprit, de la valeur, & de la droiture : nous ferons bien-tôt amis. Son long séjour en Allemagne, & un léger fujet que le Seigneur de Rofoi croïoit avoir de s'en plaindre, lui ont dérobé

le

Tome I.

la connoiffance de mes engagemens avec fon beau-frere. Il convient qu'il en foit inftruit, & peut-être de tous les vains prétextes emploïez pour rompre, ou différer votre mariage. Deux jours après, mon pere partit pour fe rendre à Paris, & moi je retournai à Troie. Jugez, mon cher Raoul, fi j'étois bien tranquile!

L'arrivée de mon pere étonna Madame de Rofoi : elle lui parut troublée ; mais fe remettant auffitôt, elle lui dit, en présence même d'Alix & de Mademoiselle de Rocheville, qu'elle voioit bien le fujet qui l'arrachoit de Rethel que fans doute fa conduite lui étoit fufpecte, malgré fa fincerité: elle ajouta qu'il s'allarmoit à tort; qu'elle défiroit, autant que lui, une union d'où dépendoit mon bonheur & celui de fa fille; mais que de puiffantes

AUGUSTE. 267 raifons la forçoient à le différer encore. Enfin, elle le conjura de ne faire aucune démarche pour l'obliger à ce qu'elle ne pouvoit pas fitôt terminer, affurant que la moindre tentative la révolteroit.

Cette converfation fut lon

gue, bien foutenue par mon pere, & le jetta dans l'incertitude de ce qu'il devoit faire. Il fe détermina cependant à parler au Vicomte de Melun.

Ce que j'aurai à vous dire, dans un moment, me force de m'arrêter pour vous faire fouvenir mon cher Raoul, du tems où Madame deRofoi parut à laCour. Vous fçavez que fa beauté lui attira tous les regards & les applaudiffemens qui pouvoient le plus la flatter. Le Seigneur de Guebriant étoit alors à Paris, pour ménager les interêts du Duc de

Bretagne auprès de Philippe. Il fut un de ceux que les charmes de Madame de Rofoi fubjuguerent d'abord : il en devint éperduëment amoureux. Je vis naître cette paffion avec d'autant plus de plaifir, que je me flattai que Madame de Rofoi trouveroit Guebriant digne de me fuccéder dans fon cœur. Guebriant la fuivoit partout; il faififfoit, avec empreffement & avec délicateffe, toutes les occafions de lui prouver fon amour. Son fort fut d'abord d'être affez mal reçû ; j'en fus prefque auffi touché que lui: fa tendreffe le rendit en vain obstiné. Madame de Rofoi, fans cependant le rebuter avec éclat, l'éloignoit de chez elle, & l'évitoit partout: mais quelque tems après mon départ pour le Camp de Bourgogne, Madame de Rofoi, qui méditoit la plus noire

des trahifons, prévit qu'elle auroit befoin de Guebriant. Dans cette vûë elle s'adoucit en fa faveur; elle paruc recevoir tout ce qu'il faifoit pour lui plaire, avec affez de complaifance pour faire naître & nourrir dans fon cœur quelque efpérance.

Robert de Dammartin fut le premier à céder aux charmes de Mademoiselle de Rofoi, lorfqu'elle parut à la Cour. Il y avoit de l'alliance entre lui & Guebriant: il fe forma entre eux une étroite amitié. Les foins & les empreffemens du Comte de Dammartin furent bien-tôt apperçus de tout le monde, & approuvez de Renaud fon frere (4). Le politique Renaud, fe fouve

(a) C'est le même à qui Philippe procura l'Héritiere & le Comté de Boulogne, & qui, ingrat, & rebelle à fon Roi, fut pris les armes à la main, à la fameufe Bataille de Bouvine en 1214.

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