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l'amitié particuliere dont Philippe honoroit le premier, luiavoient fait naître le defir de connoître perfonnellement ces deux grands Sujets. Il vouloit juger par lui-même, fi l'un, avoit autant de capacité pour la Guerre, que de valeur; & fi l'autre, meritoit d'être le Favori de fon Roi. Il vouloit juger du difcernement de Philippe, par le caractere du Maréchal; il vouloit enfin démêler celui de Philippe, par les défauts ou par les vertus d'un homme, dont la faveur étoit au plus haut dégré. L'estime que lui infpira Alberic du Mez, confirma ce Prince dans l'opinion qu'il avoit d'un jeune Monarque, dont toute l'Europe admiroit la prudence, la fageffe & l'attention à connoître comme à remplir fes devoirs. Il fentit chez Guillaume des Barres ces heu

reux talens qui font les grands Capitaines, & qui, dans la fuile rendirent digne d'être appellé l'Achile de fon tems.

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Le Duc de Bourgogne fe connoiffoit bien en vrai mérite : il faifoit cas d'une illuftre naissance; elle met, difoit-il, la vertu dans fon plus beau jour; mais par malheur, ajoutoit-il, une grande élévation ne fert qu'à mieux expofer les vices, & qu'à rendre plus méprifable celui qui auroit à rougir de ne tirer fa grandeur que de celle de fes Ancêtres. Si la politeffe de ce Prince, fa magnificence, la beauté de fes Troupes, & l'exactitude du fervice Militaire faifoient voir en lui un Souverain digne de l'être, il trouvoit tous les Seigneurs François dignes d'être les Sujets de Philippe, & Philippe, heureux de regner fur de

tels Sujets. Ces réfléxions faifoient fouvent la matiere de fes entretiens avec cette Noblesse

diftinguée, qui embelliffoit fa Cour; mais c'étoit fur tout avec le Comte de Rethel, qu'il aimoit à s'entretenir librement fur le compte de chaque Seigneur. Sa confiance pour lui, égaloit prefque l'eftime dont il étoit prévenu en fa faveur.

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La naiffance, la jeunesse, l'ef prit, & la fortune, tout devoit rendre content Roger de Reavec tous ces avantages, on remarquoit, malgré fa vigilance fur lui-même, un fonds de trifteffe où il retomboit à chaque moment. Les vrais connoiffeurs ne fe méprennent point à ces fimptômes; ils jugent que la Fortune ou l'Amour nous laiffent foupirer après un bien dont ils nous

refusent la poffeffion. Les efforts que faifoit Roger pour diffimuler fon état intérieur, fervirent encore à réveiller, à fon égard, l'amitié du Duc de Bourgogne; ce Prince eût voulu fçavoir la caufe d'une mélancolie, en apparence fi déplacée; mais il crut fe devoir à lui-même la difcretion de ne point embarras fer le Comte de Rethel, par une curiofité qu'il ne voudroit ou ne pourroit peut-être pas fatisfaire. Il s'adreffa au Sire de Couci, qui ne fit aucun miftère d'avouer l'inquiétude que lui caufoit la trifte fituation de fon ami, en ajoutant qu'il en ignoroit la caufe. Cette converfation détermina Raoul à exiger de Roger, au nom même de leur amitié, de lui ouvrir fon cœur..

Qui peut caufer en vous le changement qui me furprend,

lui dit un jour ce tendre ami ? Je vous vois avec étonnement chercher la folitude, au milieu des plaifirs, qui ne peuvent vous diftraire un moment. Etes-vous venu ici les chercher, pour les fuir? Pourquoi ne vous montrez-vous que lorfque la bienféance vous force à faire votre cour au Duc de Bourgogne ? Tout le monde vous recherche & vous fuiez tout le monde: je fens même l'amour propre des jolies femmes de cette Cour, bleffé d'une froideur, qu'elles appelleront bien-tôt, impoliteffe. Enfin je ne vous reconnois plus. depuis mon retour d'Ecoffe. Parlez, mon cher Roger; ne refufez pas à mon amitié une ouverture de cœur qui vous eft peut-être néceffaire. Vous le voulez, mon cher Raoul, répondit Roger; il faut vous fatis

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