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avec mon pere, reprit Roger, if me dit en m'embraffant: Mon fils, ne me refufez pas ce que je vais vous demander. Oubliez que je fuis votre pere, je crains ce titre auprès de vous ; il pourroit me coûter trop cher, en fupprimant, de votre part, une confiance que j'exige comme votre plus tendre ami. N'aïez rien de caché pour moi vous trouverez, dans l'amitié que j'ai pour vous, cette douceur qui en fait le charme. Je fuis affez heureux pour croire votre cœur exempt de vices; mais vous êtes dans l'âge où il eft difficile qu'il le foit de tou te foibleffe: je ne les appréhende point; vous avez de la raison, ainfi ne craignez pas de me les avoüer. Aions l'un pour l'autre, une entiere ouverture de cœur ; je vous communiquerai tous mes deffeins, j'entrerai dans toutes

les raifons que vous y oppose rez, & ne les combattrai point en pere qui veut être obéi. Je ne veux, mon fils, vous contraindre fur rien; je ne fuis occupé que de votre bonheur; fi votre cœur eft prévenu en faveur de quelque perfonne de la Cour faites-m'en, fans feinte, la confi dence. Je ne dois pas me faire un mérite auprès de vous, répon dis-je, de la docilité que vous me trouverez à faire tout ce que vous pourrez défirer. L'ardeur de plaire au Roi, l'ambition de mériter fon eftime, & le défir d'acquérir de la gloire, en profitant des leçons & des exemples de mon Öncle, ont jufqu'à ce moment rempli mon cœur ; l'amour ne s'en eft point encore rendu le maître ;. j'ignore l'effet de ces impreffions vives, qui, en troublant la raifon, s'effacent fi difficile

ment. Il peut m'avoir favorife de quelques-uns de fes plaifirs; mais il a bien voulu m'épargner la peine de porter des chaînes trop pefantes: heureux! s'il me traite toujours de même. Je fuis charmé, me répliqua mon pere,de vous trouver libre de tout engagement depuis long-tems je menage pour vous un grand mariage dans cette Province. Il ajouta, qu'étant unique héritier de fes biens & de fon nom, je ne pouvois trop tôt lui donner la douce fatisfaction de fe voir renaître dans mes enfans. J'entrai dans toutes fes raifons, & je l'assurai qu'il étoit le maître de ma deftinée.

A quelques jours de-là, mon pere me dit qu'il convenoit que je vifitaffe les perfonnes diftinguées de la Province. Vous n'aurez pas de peine, poursuivit-il,

à deviner, dans toutes ces Familles, la Beauté que je vous deftine: votre cœur vous en avertira, & votre furprise m'inftruira de vos fentimens. Quoique la propofition de mon pere ne fût fort de mon goût, je parus y dé férer fans répugnance.

pas

Nous voilà en chemin : je vous épargnerai, mon cher Raoul, le détail de ces vifites. Je vis de vieux Seigneurs, hériffez de leur nobleffe, de leur probité, & de leursFortereffes,où ils fe croïoient de petits Souverains : je vis des meres fieres de la beauté de leurs filles, fans être humiliées de la perte de la leur: je vis des filles belles fans agrémens, dont les figures & l'efprit manquoient de graces. pere, à qui je difois librement ce que je penfois, m'és coutoit, rioit, & alloit toujours en avant. Nous arrivâmes enfin

Mon

chez le Seigneur de Rofoi: j'y trouvai l'oppofe de tout ce que j'avois vû. Je vis un vieux Seigneur, qui laiffoit aux autres le foin de fe fouvenir de ce qu'il étoit ; qui avoit cette politeffe & cette fine galanterie, dont laCour eft l'unique école ; qui avoit l'ef prit vif & modere. Je vis une mere qui, fans être humiliée de la beauté furprenante de fa fille, étoit fiere de la fienne. Madame de Rofoi n'avoit pas encore trente-deux ans, & elle n'en paroiffoit pas vingt-cinq: fa beauté & les graces qui accompagnoient toute fa perfonne, ne laiffoient rien à défirer en elle. Si fa fille, alors dans fa seizième année, n'eût été à fes côtez, au mopas ment que je la faluai, elle m'eût paru ce que j'avois jamais vû de plus beau. Mes regards étonnez, Le partagerent d'abord entre la

mere

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