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extrême, que même elle cherchoit à m'échapper, j'ajoutai d'un ton plus animé : Hé! quoi, Mademoiselle, vous n'ofez répondre? Vous pouvez rompre.ce cruel filence, fans crime; & vous le gardez fans pitié! Ah! vous craignez, fans doute, de m'apprendre que je fuis le plus malheureux de tous les hommes. Vous craignez, par cet aveu, de montrer de la désobéissance à un pere: hé bien! Mademoiselle, je vais lui dire que vous me haïffez, & qu'il nous rendroit infortunez, en nous uniffant. Arrêtez, me dit Alix ; n'allez pas abufer mon pere, & m'attirer un reffentiment que je ne mérite pas. Ces paroles, prononcées avec émotion, me cauferent un tranfport fi vif, que je me jettai aux pieds d'Alix, dont je pris une main que j'ofai baifer. Dans cet

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inftant, Madame de Rofoi entra ; elle parut surprise & offenfée de me trouver aux genoux de fa fille; elle nous regarda d'un œil fevere. Alix, dont le défordre avoit encore augmenté à la vûë de fa mere, fut à elle, & en se jettant à fes pieds, elle lui dit toute tremblante: Aurois-je fait un crime, de laiffer voir au Comte de Re-: thel que j'obeïrai, fans répugnarce, à vos ordres & à ceux de mon pere? Madame de Rofoi, avec un air froid, dit à fa fille: Je crois qu'il auroit fuffi d'inftruire de vos fentimens, ceux qui vous ont permis de ne pas les combattre : la modeftie ne vous le défendoit. pas; mais elle devoit vous faire défapprouver l'action trop paffionnée de Monfieur,qui manque, par cette licence, au refpect qu'il yous doit. Elle fortit, fans me donner le tems de me justifier; &

Alix, toute en pleurs, la suivit, fans ofer me regarder.

Je reftai à la place où j'étois, pénétré de joie & de trifteffe. La tendreffe d'Alix me mettoit au comble de la felicité; & la colere injufte de fa mere, me caufoit une inquiétude extrême. J'etois dans cette fituation, & douloureufe, & pleine de charmes, quand le Seigneur de Rofoi, venant à moi les bras ouverts, me dit: Roger, vous êtes mongendre; ma fille vous aime. Sa mere vient de me conter ce qui s'eft paffé : j'ai blâmé fa févérité, & je pardonne à Alix de vous avoir inftruit de votre bonheur ; yous en êtes digne. Madame de Rofoi, continua-t'il, veut que votre mariage se faffe inceffamment; elle vient de m'en preffer, & c'eft avec plaifir, que je lui ai promis cette fatisfaction.

Comment me rappeller ici, mon cher Raoul, ce que l'excès de ma joie me fit dire au pere d'Alix? vous pouvez mieux vous l'imaginer, que je ne puis vous le dire. Nous paflâmes chez Madame de Rofoi,nous la trouvâmes feule avec mon pere. Je mis devant elle un genou en terre, & je lui dis : Vous voïez à vos pieds, Madame, l'Amant le plus fortunè qui fut jamais. Je ne puis trouver de termes pour vous exprimer mon refpc&t, ma reconnoiffance, & ma joie. Levezvous, Monfieur, me réponditelle froidement & ceffez de vous reprocher de manquer de termes pour me perfuader vos. fentimens ; je leur rends juftice. Mademoiselle de Rofoi entra dans ce moment : fa préfence ne fit point difparoître l'air froid & fombre de fa mere; elle le fou

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tint pendant quelques jours que nous reftâmes encore. Nous partîmes enfin pour Rethel; mais la main de la divine Alix devoit bien-tôt me confoler de cette abfence. Que ce bonheur pro chain m'occupoit!

Mon pere, prefque auffi content que moi, donnoit fans ceffe des ordres dans Rethel., pour qu'Alix y fut reçûë avec toute la magnificence & la dignité convenable. Le jour que nous partîmes pour retourner à Rofoi, il me fit venir dans fon Cabinet: Voilà, mon fils, me dit-il, une caffette que vous donnerez, en arrivant, à Mademoiselle de Rofoi; elle renferme toutes les pierreries & tous les bijoux de feuë votre mere: le préfent eft digne d'Alix & de vous.

Le Seigneur de Rofoi nous vit arriver avec un plaifir extrême ;

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