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qu'elle témoigna à mon pere dans fes embraffemens.

Madame de Rofoi n'avoit pas voulu feulement me permettre d'envoier fçavoir de fes nouvelles, ni de celles d'Alix, pendant les trois mois dont elle différoit mon bonheur. Ce dernier article me parut trop dur;je voulois du moins être inftruit, qu'Alix fe fouvenoit toujours de moi je pris donc, de fon confentement, des mefures avec une Demoiselle dont je vais vous parler. Mademoiselle de Rofoi n'avoit pû refuser à ma douleur, cet adouciffement aux ordres, trop feveres, d'une mere abfoluë.

Mademoiselle de Rocheville, eft le nom de cette eftimable amie de Madame & de Mademoifelle de Rofoi. Elle eft fille de qualité, & cadette d'une bonne Maifon, dénuée des biens de la

Fortune. Une tante l'avoit élevée à Paris, avec foin: cette tante devenuë veuve, s'étoit retirée à Reims, où elle vivoit avec fa niéce. Madame de Rofoi venant, après fon mariage, dans les Terres de fon mari, paffa par cette Ville. L'Archevêque, frere de la Reine Mere, exigea du Seigneur de Rofoi, d'y faire quelque fejour. Ce Prélat, charmé de Madame de Rofoi, lui rendit les honneurs qu'elle méritoit : il lui donna des fêtes dignes de l'un & de l'autre. Ce fut dans ces fêtes, que Madame de Rofoi vit Mademoifelle de Rocheville; elle fut furprise de trouver dans Reims, une fille avec des manieres fi pofies, & une éducation fi diftinguée: fon efprit, fa raison & fes talens, la charmerent. Mademoifelle de Rocheville étoit grande Muficienne; elle avoit la voix

belle, & joüoit bien de plufieurs inftrumens. Comme Madame de Rofoi ajoutoit ces mêmes talens aux graces de fa perfonne, elle fut charmée de trouver dans une jeune fille de qualité (car Mademoiselle de Rocheville n'avoit encore que vingt ans) une Compagne aimable, en état de lui adoucir le féjour de la Province. Prévenuë, en peu de jours, d'une tendre amitié pour cette charmante fille, elle fit agréer au Seigneur de Rofoi le deffein qu'elle avoit formé, d'emmener avec elle la tante & la nièce. Depuis ce jour, Mademoiselle de Rocheville n'a plus quitté Madame de Rofoi; elle a même facrifié des établissemens affez avantageux, à l'amitié qu'elle a prife pour une femme, dont l'eftime pour elle eft parfaite, & la confiance fans referve.

Lorfque je vis Mademoiselle de Rocheville, fa phifionomie fa politeffe & fon efprit, me prévinrent en fa faveur. Le bien que le Seigneur de Rofoi m'avoit dit de fon caractere, & furtout fon tendre attachement pour Alix, me la firent regarder d'abord comme mon amie; je lui demandai même, & d'une maniere qui lui plut, de m'accorder ce titre. Elle m'a bien prouvé depuis, qu'elle ne me l'avoit pas refufé.

Les trois mois prefcrits, écoulez triftement, nous partîmes pour aller à Rofoi. J'avois, pendant ce tems, langui à Rethel: ma trifteffe y auroit été extrême, fi Mademoiselle de Rocheville, fidelle à fes engagemens, ne m'eût fouvent inftruit que Mademoifelle de Rofoi, toujours occupée du défir de faire mon bonheur s'en entretenoit fans ceffe. A

peine fumes-nous arrivez à Rofoi, qu'aux mouvemens impétueux de ma joie, fuccéda la plus vive inquiétude. Je trouvai Mademoiselle de Rofoi trifte & rêveufe, n'ofant me regarder, évitant, même avec foin, les occafions où je pouvois lui demander la caufe de ce changement: jufqu'à Mademoiselle de Rocheville, tout me fuïoit, & fembloit craindre ma vûë. Il n'y avoit que Madame de Rofoi, dont toute la froideur avoit fait place à des manieres fi prévenantes, que je crus pouvoir me plaindre à elle, de l'indifférence de fa fille. Mon inquiétude ne me permettoit pas de me taire; je voïois un orage s'élever, & je ne pouvois devines par quelle caufe il étoit excité. Mon innocence vouloit en vain me raffurer, je craignois comme fi j'avois été

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