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VIRGIL E.

M.. Addifon eft le premier qui ait examiné de près tous les materiaux qui ont fervi à la conftruction de l'Eneide. Il eft certain que Virgile a tiré le fujet de fon Poëme de plufieurs tra> ditions populaires & fabuleu fes, fur l'arrivée & l'établissement d'Enée en Italie, de même qu'Homere avoit fondé for Iliade fur la tradition du Siege de Troye.

Il n'eft pas croyable qu'Homere & Virgile, fe foient affu jettis d'avance aux regles établies par Leboffu, qui prétend qu'un Poëte Epique doit inventer & difpofer la constitution de fa fable, avant que de fe déterminer au choix & au nom de

fes Heros. Il eft vraisemblable qu'il n'ont pas coupé l'habit fans connoître la taille de ceux. qu'ils vouloient habiller. La regle de Leboffu peut avoir lieu par rapport à la Comedie, où il s'agit de l'expofition des mœurs & de la représentation des ridicules du fiecle. Elle convient encore à une intrigue où le lecteur ne veut qu'être furpris par de petits incidens, qui n'ont befoin ni de l'autorité de l'hiftoire ni du poids d'aucun

nom connu.

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d'employer un Heros connu dont le nom puiffe impofer au lecteur & fe concilier fon attention. Ce qu'ils imaginent doit être assorti à ce qui a été, Si quel

qu'un d'eux commençoit par tirer fon fujet de fa feule imagination, toutes les Annales de l'univers ne lui fourniroient pas un événement réel conforme à fes idées. Il feroit obligé de l'alterer; & en verité je ne puis comprendre comment Leboflu s'eft avifé de nous confeiller de bâtir, pour nous mettre dans la néceffité de détruire.

Quoiqu'il en foit, une partie des évenemens contenus dans l'Eneide, font tirés de Denis d'Halicarnaffe. Il décrit exactement le cours de la Navigation d'Enée; il n'oublie ni la fable des Harpies, ni les prédictions de Céleno, ni la faim dévorante de Cacus, &c. Pour ce qui eft de la métamorphofe des vaifseaux en Nimphes, fi Denis d'Halicarnaffe n'en parle point,

Virgile a foin de juftifier une pareille abfurdité, en nous avertiffant que c'étoit une ancienne tradition.

Prifca fides facto, fed fama perennis.

Il femble donc que Virgile ayant eu honte de ce conte pueril, ait voulu l'excufer par la croyance commune. Plufieurs endroits de Virgile confiderez de cette maniere fe maintiennent contre la critique née d'un défaut d'attention.

Si un Anglois prenoit le Roi Artur, pour fujet d'un Poëme, il feroit fort bien d'employer toutes les opérations magiques. & tous les enchantemens de Merlin. C'eft le fort de toutes ces anciennes fables où l'origine de chaque peuple eft envelop

pée, d'être refpectées à caufe de leur antiquité,en même tems qu'on s'en mocque à caufe de leur abfurdité. Après tout, je crois qu'il vaudroit mieux les rejetter entierement, quoi qu'on fût excufable de les mettre en œuvre. Un feul lecteur fenfé que de pareils faits rebutent mérite plus d'être ménagé qu'un vulgaire ignorant qui les croit.

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Virgile par rapport à la conftruction de fa Fable, eft blâmé par quelques-uns & loüé par d'autres, d'avoir fuivi Homere. Mais, fi j'ofe hazarder mon fentiment, il ne mérite en cela ni blâme, ni loüange. Il ne lui étoit pas poffible de fe paffer des Dieux d'Homere, qui étoient auffi les Dieux des Romains ni d'oublier le Siege de Troye, Enée étant Troyen. Ces fictions

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