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proprement un exorde pour exhorter fes Auditeurs à ne rien croire de ce qu'il leur va dire.

C'eft pourquoi il faut fuppofer, à l'égard des Hyperboles, ce que nous avons dit pour toutes les Figures en général; que celles-là font entiérement cachées, & qu'on ne prend point pour des Hyperboles. Pour cela donc, il faut avoir foin que ce foit toujours la paffion qui les faffe produire au milieu de quelque grande circonftance. Comme, par exemple, l'Hyperbole de Thucydide, à propos des Athéniens qui périrent dans la Sicile. (1) Les Siciliens étant defcendus en ce lieu, ils y firent un grand carnage, de ceux fur tout qui s'étoient jettés dans le fleuve. L'eau fut en un moment corrompuë du fang de ces miférables; & néanmoins toute bourbeufe & toute fanglante qu'elle étoit, ils fe battoient pour en boire.

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Il eft affez peu croyable que des hommes boivent du fang & de la boue, & fe battent même pour en boire ; & toutefois la grandeur de la paffion au milieu de cette étrange circonftance, ne laiffe pas de donner une apparence de raifon à la chose. Il en eft de même de ce que dit Hérodote de ces Lacédémoniens, qui combattirent au Pas des Thermopyles. (2) Ils se défendirent encore quelque tems

troupes de Lacédémone conduites par Gylippe, & il eft certain que dans cette occafion les Siciliens tiroient fur Nicias de deffus les bords du fleuve, qui étoient hauts & efcarpés, les feules troupes de Gylippe defcendirent dans le fleuve, & y firent tout ce carnage des Athéniens. DA

(1) Les Siciliens étant defnéfiens, Thucydide entend les cendus en ce lieu, &c.) Ce paffage eft pris du feptième Livre. Thucydide parle ici des Athéniens, qui en se retirant fous la conduite de Nicias, furent attrapés par l'armée de Gylippe, & par les troupes des Siciliens près du fleuve Afinarus aux environs de la ville Néétum; mais dans le texte, au lieu de dire les Lacédémoniens étant defcendus, Thucydide écrit, Isλorvions ἐπικα[αβάντες, & non pas οἱ τε · γὰρ Συρακόσιοι, comme il y a dans Longin. Par ces Pélopon

CIER.

(2) Ils fe défendirent encore quelque tems. ] Ce paffage eft fort clair. Cependant c'est une chofe furprenante qu'il n'ait été entendu ni de Laurent

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en ce lieu avec les armes qui leur reftoient, & avec les mains les dents; jufqu'à ce que les Barbares, tirant toujours, les euffent comme enfevelis fous leurs traits. Que dites-vous de cette Hyperbole ? Quelle

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lui-même eft auffi fûre & auffi infaillible qu'il l'a crû, Hérodote parle de ceux qui, au détroit des Thermopyles, après s'être retranchés fur un petit pofte élevé, foutinrent tout l'effort des Perfes, jufques à ce qu'ils furent accablés & comme ensevelis fous leurs traits. Comment peut

Valle, qui a traduit Hérodo- | te ni des Traducteurs de Longin, ni de ceux qui ont fait des notes fur cet Auteur. Tout cela, faute d'avoir pris garde que le verbe xarazów veut quelquefois dire enterrer. Il faut voir les peines que fe donne M. le Févre, pour reftituer ce paffage, auquel, après bien du change-on donc concevoir que des ment,il ne fçauroit trouver de gens poftés & retranchés fur fens qui s'accommode à Lon- une hauteur fe défendent avec gin, prétendant que le texte les dents contre des ennemis d'Hérodote étoit corrompu qui tirent toujours & qui dès le tems de notre Rhéteur, ne les attaquent que de loin? & que cette beauté qu'un fi M. le Févre, à qui cela n'a fçavant Critique y remarque, pas paru poffible, a mieux aieft l'ouvrage d'un mauvais mé fuivre toutes les éditions Copifte, qui y a mêlé des pa- de cet Hiftorien, où ce paffage roles qui n'y étoient point, eft ponctué d'une autre manieJe ne m'arrêterai point à ré-re, & comme je le mets ici: furer un difcours fi peu vrai ἐν τάτῳ σφέας τῷ χώρου αλεξομέ femblable. Le fens que j'ai νες μαχαίρησε τησιν ἀντέων, ταὶ trouvé, eft fi clair & fi in- ἐτύγχανον ἔτι περιεῖσαι, καὶ χερσὶ faillible, qu'il dit tout. Bo1- è sóμaor natixwoar di Bapbapor βαλλοντες. Et au lieu de χερσὶ καὶ Ibid, Ils se défendirent encore souac, il a crû qu'il falloit quelque tems. ] M. Defpreaux corriger equations à dépao, en a expliqué ce paffage au pied le rapportant à xarέxwoar ; de la lettre, comme il eft Comme ils fe défendoient encore dans Longin, & il affure dans dans le même lieu avec les épées fa remarque, qu'il n'a point qui leur reftoient, les Barbares été entendu, ni par les inter-les accablérent de pierres & de prétes d'Hérodore ni par traits. Je trouve pourtant plus ceux de Longin; & que M. vrai-femblable qu'Hérodote le Févre, après bien du chan-avoit écrit aig Sópaci. Il gement, n'y a fçû trouver de avoit fans doute en vûë ce fens. Nous allons voir fi l'ex- vers d'Homere du 111. de plication qu'il lui a donnée | Piliade ;

LEAU.

Γοϊσίν τε πτυσκόμβροι λάεσσι τ' ἔβαλλον.

Als les chargegient à coups de pierres & de traits,

apparence que des hommes se défendent avec les

125.

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contre

La corruption de λásos en xepos ployer les dents, il lui a renérant très-facile. Quoiqu'il en du fes armes inutiles, ou mêfoit on ne peut pas douter me plutôt incommodes. De que ce ne foit le véritable fens. plus, ceci, des hommes se déEt ce qu'Hérodote ajoute le fendent avec les dents prouve visiblement. On peut des gens armés, ne présuppose. voir l'endroit dans la section pas que les uns ne puiflent du Liv. VII. D'ailleurs être armés comme les autres, Diodore, qui a décrit ce com- & ainsi la pensée de Longin bat, dit que les Perfes envi- eft froide, parce qu'il n'y a ronnérent les Lacédémoniens, point d'oppofition fenfible en& qu'en les attaquant de loin, tre des gens qui fe défendent ils les percérent tous à coups avec les dents, & des hommes de fléches & de traits. A toutes qui combattent armés. Je ces raisons M. Despreaux ne n'ajouterai plus que cette fçauroit oppofer que l'auto- feule raifon, c'eft que fi l'on rité de Longin, qui a écrit fuit la pensée de Longin, il & entendu ce paflage de la y aura encore une faufleté même maniere dont il l'a dans Hérodote, puifque les traduit; mais je réponds Hiftoriens remarquent que les comme M. le Févre, que dès Barbares étoient armés à la le tems même de Longin ce légere avec de petits boucliers, paffage pouvoit être corrom- & qu'ils étoient par confé pu: que Longin étoit homme, quent expofés aux coups des & que par conféquent il a pú Lacédémoniens, quand ils faillir auffi bien que Démo- approchoient des retranchefthéne, Platon & tous ces mens au lieu que ceux-ci grands Héros de l'antiquité, étoient bien armés, ferrés en qui ne nous ont donné des mar-peloton, & tout couverts de ques qu'ils étoient hommes, leurs larges boucliers. Daque par quelques fautes & CIER. par leur mort. Si on veut encore fe donner la peine d'exa

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Ibid. Ils fe défendirent. ] Je me fuis fervi dans ma traminer ce paffage on cher-duction Latine du mot tumuchera, fi je l'ofe dire, Lon- laverant gin dans Longin même. En effet, il ne rapporte ce paffage que pour faire voir la beauté de cette Hyperbole des hmmmes fe défendent avec les dents contre des gens armés, & cependant certe Hyperbole eft puérile, puifque l'orfqu'un homme a approché fon ennemi, & qu'il l'a faifi au corps, comme il faut néceflairement en venir aux prifes pour em

pour expliquer le Grec xaxwoar. Je fuis néanmoins de même sentiment que M. Dacier: hormis que je n'approuve pas le mot xepμαδίοισι, ni aufi l'autre λαὶσ : mais au lieu de poi, τόμασι, je remets τοῖσι οίσευμασι, ou Touar. Philoftrate dans la vie d'Apollonius de Thyane lib. I v. chap. VII. Em' d'è w'r norwrir Basi§wv, Eq° ́ 5 λέγονται οἱ Λακεδαιμονιοι περι

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mains & les dents contre des gens armés; (1) & que tant de perfonnes foient enfevelies fous les traits de leurs ennemis ? Cela ne laisse pas néanmoins d'avoir de la vrai-femblance; parce que la chose ne semble pas recherchée pour l'Hyperbole ; mais que l'Hyperbole femble naître du fujet même. En effet, pour ne me point départir de ce que j'ai dit, un reméde infaillible pour empêcher que les hardieffes ne choquent; c'eft de ne les employer que dans la paffion, & aux endroits à peu près qui femblent les demander. Cela eft fi vrai, que dans le comique on dit des chofes qui font abfurdes d'elles-mêmes, & qui ne laiffent pas toutefois de paffer pour vrai-femblables, à caufe qu'elles émeuvent la paffion, je veux dire, qu'elles excitent à rire. En effet, le rire eft une paffion de l'ame, caufée par le plaifir. Tel eft ce trait d'un Poëte comique: Il poßtdoit une Terre à la campagne, (2) qui n'étoit pas plus grande qu'une Epître de Lacédémonien.

Au refte, on fe peut fervir de l'Hyperbole, auffi bien pour diminuer les chofes que pour les aggrandir: car l'exagération eft propre à ces deux différens effets ; & le Diafyrme, qui eft une espèce d'Hyperbole, n'eft, à le bien prendre, que l'exagéra tion d'une chofe baffe & ridicule.

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DE

CHAPITRE

XXXII

De l'arrangement des Paroles.

Es cinq parties qui produifent le Grand, comme nous avons supposé d'abord, il refte encore la cinquiéme à examiner; c'eft à fçavoir, la compofition & l'arrangement des paroles. Mais, comme nous avons déja donné deux volumes de cette matiere, où nous avons fuffisamment expliqué tout ce qu'une longue spéculation nous en a pû apprendre'; nous nous contenterons de dire ici ce que nous jugeons abfolument néceffaire à notre fujet; comme par exemple, que l'harmonie (1) n'est pas fimplement un agrément que la nature a mis dans la voix de l'homme, pour perfua

feulement un moyen naturel à l'homme pour perfuader & pour infpirer le plaisir, mais encore un organe, un inftrument merveilleux pour élever le courage,

(1) N'eft pas fimplement un agrément. ] Les Traducteurs n'ont point conçu ce paffage, qui furement doit être entendu dans mon fens, comme la fuite du Chapitre le fait affez connoître. E'vepynua veut dire un effet & non pas un moyen: n'est pas fimplement un effet de la nature de l'homme.ples de l'harmonie de la flûte

BOILEAU.

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&

pour émouvoir les paffions. C'eft, à mon avis, le véritable fens de ce paflage. Longin vient enfuite aux exem

& de la lyre, quoique ces organes, pour émouvoir & pour perfuader, n'approchent point des moyens qui font propres & naturels à l'homme &c. DACIER.

Ibid. N'eft pas fimplement c.] M. Defpreaux affure dans fes Remarques, que ce paffage doit être entendu comme il l'a expliqué; mais je Re fuis pas de fon avis Ibid. N'eft pas fimplement. ] je trouve qu'il s'eft éloigné M. Dacier a raifon ici de rede la penfée de Longin en jetter le fentiment de M. Defprenant le mot Grec organum preaux. Qu'on regarde ma pour un inftrument, comme traduction, & mes remarques une flûte, une lyre, au lieu Latines : & on verra que ma de le prendre dans le fens de conjecture a beaucoup de vraiLongin pour un organe, com- femblance. Même M. Def me nous difons pour une cau- preaux a très-bien exprimé le fe, un moyen. Longin dit clai- mot μεγαληγορίας, que je prerement l'harmonie n'eft pasfére au uil' insureías. TOLL.

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