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ner qu'il n'y a rien de tout cela dans Elien? Cependant il est très-véritable qu'il n'y en a pas un mot: Elien ne difant autre chofe, finon que les Oeuvres d'Homere, qu'on avoit complétes en Ionie, ayant couru d'abord par piéces détachées dans la Gréce, où on les chantoit fous différens titres, elles furent enfin apportées toutes entieres d'Ionie par Lycurgue, & données au Public par Pifistrate qui les revit. Mais pour faire voir que je dis vrai, il faut rapporter ici (1) les propres termes d'Elien : Les Poefies d'Homere, dit cet Auteur, courant d'abord en Gréce par piéces détachées, étoient chantées chez les anciens Grecs fous de certains titres qu'ils leur donnoient. L'une s'appelloit, Le combat proche des Vaiffeaux: l'autre, Dolon furpris: l'autre, La valeur d'Agamemnon: l'autre, le dénombrement des Vaiffeaux : l'autre la Patroclée : l'autre, le corps d'Hector racheté : l'autre, les combats faits en l'honneur de Patrocle: b'autre, les fermens violés. C'est ainfi à peu près que fe diftribusit l'Iliade. Il en étoit de même des parties de l'Odyffée : l'une s'appelloit, le voyage à Pyle: Pautre, le paffage à Lacédémone l'antre de Calypfo, le Vaiffeau, la Fable d'Alci nous, le Cyclope, la defcente aux Enfers, les bains de Circé, le meurtre des amans de Pénélope, la vifite rendue à Laërte dans fon champ, &c. Licurgue Lacédémonien fut le premier, qui venant d'Ionie, apporta aßez tard en Grèce toutes les Oeuvres. complétes d'Homere; & Phififtrate les ayant ramaffées enfemble dans un volume, fut celui qui donna au Public l'Iliade & l'Odyßée en l'état que nous les avons. Y a-t-il là un feul mot dans le fens que lui donne M. P** Où Elien dit-il formellement, que l'opinion des anciens Critiques étoit qu'Homere n'avoit composé l'Iliade & l'Odyffée que par morceaux ; & qu'il n'avoit point donné d'autres noms Les propres termes d' E- fes Hiftoires, ch. 14. tien.] Livre XIII. des diver

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à ces diverfes parties, qu'il avoit compofées fans ordre & fans arrangement, dans la chaleur de fon imagination, que les noms des matieres dont il traitoit? Eft-il feulement parlé là de ce qu'a fait ou penfé Homere en compofant fes Ouvrages? Et tout ce qu'Elien avance ne regarde-t-il pas fimplement ceux qui chantoient en Gréce les Poëfies de ce divin Poëte, & qui en fçavoient par cour beaucoup de piéces détachées, aufquelles ils donnoient les noms qu'il leur plaifoit; ces piéces y étant toutes, long-tems même avant l'arrivée de Lycur gue ? Où eft-il parlé que Pifistrate fit l'Iliade & l'Odyssée ? Il est vrai que le Traducteur Latin a mis confecit. Mais outre que confecit en cet endroit ne veut point dire fit, mais ramaffa; cela eft fort mal traduit ; & il y a dans le Grec drive', qui fignifie, les montra, les fit voir au Public. Enfin, bien loin de faire tort à la gloire d'Homere, y a-t-il rien de plus honorable pour lui que ce paffage d'Elien, où l'on voit que les Ouvrages de ce grand Poëte avoient d'abord couru en Gréce dans la bouche de tous les hommes, qui en faifoient leurs délices

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& fe les apprenoient les uns aux autres ; & qu'enfuite ils furent donnés complets au Public par un des plus galans hommes de fon fiécle, je veux dire par Pifi ftrate, celui qui fe rendit maître d'Athénes? Euftathius cite encore outre Pifistrate, deux des plus (1) fameux Grammairiens d'alors, qui contribuérent, dit-il, à ce travail; de forte qu'il n'y a peutêtre point d'Ouvrages de l'Antiquité qu'on foit fi fûr d'avoir complets & en bon ordre, que l'Iliade & l'Odyffée. Ainfi voilà plus de vingt bévues que M. P a faites fur le feul paffage d'Elien. Cependant c'eft fur ce paffage qu'il fonde toutes les abfurdités qu'il dit d'Homere; prenant de là occafion/ de traiter de haut en bas l'un des meilleurs Livres

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(1) Deux des plus fameux | Zénodote. Euftath. Pref. pag. Grammairiens. ] Áristarque &

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de Poëtique, qui du confentement de tous les ha biles gens, ait été fait en notre langue; c'est à sçavoir, le Trité du Poëme Epique du Pere le Boffu; & où ce fçavant Religieux fait fi bien voir l'unité, la beauté, & l'admirable construction des Poëmes de l'Iliade, de l'Odyssée & de l'Enéïde. M. P ** fans fe donner la peine de réfuter toutes les chofes folides que ce Pere a écrites fur ce fujet, fe contente de le traiter d'homme à chimeres & à vifions creufes. On me permettra d'interrompre ici ma Remarque, pour lui demander de quel droit il parle avec ce mépris d'un Auteur approuvé de tout le monde ; lui qui trouve fi mauvais que je me fois moqué de Chapelain & de Cotin, c'eft-à-dire, de deux Auteurs univerfellement décriés? Ne fe fouvient-il point que le Pere le Boffu est un Auteur moderne, & un Auteur moderne excellent Affurément il s'en fouvient, & c'eft vrai-semblablement ce qui le lui rend infupportable. Car ce n'eft pas fimplement aux Anciens qu'en veut M. P**; c'est à tour ce qu'il y a jamais eu d'Ecrivains d'un mérite élevé dans tous les fiécles, & même dans le nôtre; n'ayant d'autre but que de placer, s'il lui étoit poffible, fur le thrône des belles Lettres, fes chers amis les Auteurs médiocres, afin d'y trouver fa place avec eux. C'est dans cette vue, qu'en fon dernier Dialogue, il a fait cette belle apologie de Chapelain, Poëte à la vérité un peu dur dans fes expressions, & dont il ne fait point, dit-il, fon Héros ; mais qu'il trouve pourtant beaucoup plus fenfé qu'Homère & que Virgile, & qu'il met du moins en même rang que le Taffe; affectant de parler de la Jerufalem delivrée & de la Pucelle, comme de deux Ouvrages modernes, qui ont la même cause à foutenir contre les Poëmes anciens.

Que s'il loue en quelques endroits Malherbe, Racan, Moliere, & Corneille, & s'il les met au-deffus de tous les anciens ; qui ne voit que ce n'eft qu'a

fin de les mieux avilir dans la fuite › & pour rendre plus complet le triomphe de M. Quinaut, qu'il met beaucoup au-deffus d'eux; & qui eft, dit-il en propres termes, le plus grand Poëte que la France ait jamais eu pour le Lyrique, & pour le Dramatique ? Je ne veux point ici offenser la mémoire de M. Quinaut, qui, malgré tous nos démêlés Poëtiques, est mort mon ami. Il avoit, je l'avoue, beaucoup d'efprit, & un talent tout particulier pour faire des vers bons à mettre en chant. Mais ces vers n'étoient pas d'une grande force, ni d'une grande élévation; & c'étoit leur foibleffe même qui les rendoit d'autant plus propres (1) pour le Muficien, auquel ils doivent leur principale gloire; puifqu'il n'y a en effet de tous les Ouvrages que les Opéra qui foient recherchés. Encore est-il bon que les Notes de Mufique les accompagnent. Car pour (2) les autres Piéces de Théatre qu'il a faites en fort grand nombre, il y a long-tems qu'on ne les joue plus, on ne fe fouvient pas même qu'elles ayent été faites.

&

Du refte, il eft certain que M. Quinaut étoit un très-honnête homme, & fi modefte, que je fuis perfuadé que s'il étoit encore en vie, il ne feroit gueres moins choqué des louanges outrées que lui donne ici M. P ** , que des traits qui font contre lui dans mes Satyres. Mais pour revenir à Homere, on trouvera bon, puifque je fuis en train, qu'avant que de finir cette Remarque, je faffe encore voir ici cinq énormes bévûës, que notre Cenfeur a faites en fept ou huit pages, voulant reprendre ce grand Poëte.

La premiere est à la page 72. où il le raille d'avoir, par une ridicule obfervation anatomique,

(1) Pour le Muficien. ] M. | deux volumes; & M. Quinaut de Lulli. les avoit faites avant fes Opera..

(1) Les autres Piéces de Théatre. Elles font imprimées en

écrit, dit-il, dans le quatriéme Livre de l'Iliade, que Ménélas avoit les talons à l'extrémité des jambes. C'eft ainfi qu'avec fon agrément ordinaire, il traduit un endroit très-fenfé & très-naturel d'Homere, où le Poëte, à propos du fang qui fortoit de la bleffure de Ménélas, ayant apporté la comparaifon de l'hyvoire, qu'une femme de Carie a teint en couleur de pourpre, De même dit-il, Ménélas, ta cuiße & ta jambe, jusqu'à l'extrémité du talon, furent alors teintes de ton fang.

Τοϊοί τοι, Μενέλαε, μιανθώ αἵματι μηροί Ευφυέες, κνῆμαί τ', ἠδὲ σφυρα καλ ̓ ὑπένερθε. Talia tibi, Menelae, fædata funt cruore femora Solida, tibiæ, talique pulchri infrà.

Eft-ce là dire anatomiquement, que Ménélas avoit les talons à l'extrémité des jambes? Et le Cenfeur eft-il excufable de n'avoir pas au moins vû dans la verfion Latine, que l'adverbe infrà ne fe conftruifoit pas avec talus, mais avec fœdata funt? Si M. Perrault veut voir de ces ridicules obfervations anatomiques, il ne faut pas qu'il aille feuilleter l'Iliade: il faut qu'il relife la Pucelle. C'eft là qu'il en pourra trouver un bon nombre, & entr'autres celleci, où fon cher M. Chapelain met au rang des agrémens de la belle Agnès, qu'elle avoit les doigts inégaux : ce qu'il exprime en ces jolis termes :

On voit hors des deux bouts de fes deux courtes
manches

Sortir à découvert deux mains longues & blanches,
Dont les doigts inégaux, mais tout ronds & me-

nus,

Imitent l'embonpoint des bras ronds & charnus.

La feconde bévûë est à la page suivante, où no

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