페이지 이미지
PDF
ePub

déja avancé en âge, employe le reste de fes jours; & s'occupe uniquement à contredire le fentiment de tous les hommes.

[blocks in formation]

En effet, de trop s'arrêter aux petites chofes, cela gâte tout. Longin. Chap. VIII.

Il n'y a rien de plus vrai, fur tout dans les vers:

:

& c'eft un des grands défauts de Saint-Amand. Ce Poëte avoit affez de génie pour les Ouvrages de débauche, & de Satyre outrée, & il a même quelquefois des boutades affez heureuses dans le férieux mais il gâte tout par les baffes circonftances qu'il y mêle. C'est ce qu'on peut voir dans son Ode intitulée la Solitude, qui eft fon meilleur Ouvrage, ou parmi un fort grand nombre d'images très-agréables, il vient préfenter mal-à-propos aux yeux les chofes du monde les plus affreufes, des crapaux, & des limaçons qui bavent: le fqueléte d'un pendu, &c.

Là branle le fqueléte horrible

D'un pauvre Amant qui fe pendit.

11 eft fur tout bizarrement tombé dans ce défaut en fon Moife fauvé, à l'endroit du pallage de-la mer rouge au lieu de s'étendre fur tant de grandes circonftances qu'un fujet fi majestueux lui préfentoit, il perd le tems à peindre le petit enfant, qui va, faute, revient, & ramaffant une coquille, la va montrer à la mere, & met en quelque forte, comme j'ai dit dans ma Poetique, les poissons aux fenêtres par ces deux vers,

Et là près des rempars que l'œil peut transpercer,
Les poißons ébahis les regardent paßer.

Il n'y a que M. P** au monde quípuisse ne pas

yeux

fentir le comique qu'il y a dans ces deux vers, où il semble en effet que les poiffons ayent loué des fenêtres pour voir paffer le peuple Hébreu. Cela eft d'autant plus ridicule que les poiffons ne voyent prefque rien au travers de l'eau, & ont les placés d'une telle maniere, qu'il étoit bien difficile quand ils auroient eu la tête hors de ces rempars, qu'ils puffent bien découvrir cette marche. M. P** prétend néanmoins juftifier ces deux vers: mais c'eft par des raisons fi peu fenfées, qu'en vérité je croirois abuser du papier, fi je l'employois à y répondre. Je me contenterai donc de le renvoyer à la comparaifon que Longin rapporte ici d'Homere. Il y pourra voir l'adreffe de ce grand Poëte à choifir, & à ramaffer les grandes circonftances. Je dou te pourtant qu'il convienne de cette vérité. Car il en veut fur tout aux comparaifons d'Homere, & en fait le principal objet de fes plaifanteries dans fon dernier Dialogue. On me demandera peut-être ce que c'eft que ces plaifanteries: M. P** n'étant pas en réputation d'être fort plaifant ; & comme vrai-semblablement on n'ira pas les chercher dans l'original, je veux bien, pour la curiofité des Lecteurs, en rapporter ici quelque trait. Mais pour cela il faut commencer par faire entendre ce que c'est que les Dialogues de M. P **

C'eft une converfation qui fe paffe entre trois perfonnages, dont le premier, grand ennemi des Anciens, & fur tout de Platon, eft M. P** luimême, comme il le déclare dans fa Préface. Il s'y donne le nom d'Abbé ; & je ne fçai pas trop pourquoi il a pris ce titre Eccléfiaftique, puifqu'il n'eft parlé dans ce Dialogue que de chofes très-profanes; que les Romans font loués par excès, & que l'Opéra y eft regardé comme le comble de la perfection, où la Poëfie pouvoit arriver en notre Langue. Le fecond de ces perfonnages eft un Chevalier, admirateur de M. l'Abbé, qui eft là com

me fon Tabarin pour appuyer fes décisions, & qui le contredit même quelquefois à deffein, pour le faire mieux valoir. M. P** ne s'offenfera pas fans doute de ce nom de Tabarin, que je donne ici à fon Chevalier : puifque ce Chevalier lui-même déclare en un endroit, (1) qu'il estime plus les Dialogues de Mondor & de Tabarin, que ceux de Platon. Enfin le troifiéme de ces perfonnages, qui eft beaucoup le plus fot des trois, eft un Préfident, protecteur des Anciens, qui les entend encore moins que l'Abbé, ni que le Chevalier; qui ne fçauroit fouvent répondre aux objections du monde les plus frivoles, & qui défend quelquefois fi fortement la raifon, qu'elle devient plus ridicule dans fa bouche que le mauvais fens. En un mot, il est là comme fe faquin de la Comédie, pour recevoir toutes les nazardes. Ce font là les Acteurs de la Piéce. Il fauz maintenant les voir en action.

M. l'Abbé, par exemple, déclare en un endroit qu'il n'approuve point ces comparaifons d'Homere, où le Poëte non content de dire précisément ce qui fert à la comparaifon, s'étend fur quelque circonftance hiftorique de la chofe, dont il eft parlé : comme lorfqu'il compare la cuiffe de Ménélas bleffé, à de l'hyvoire teint en pourpre par une femme de Méonie & de Carie, &c. Cette femme de Méonie ou de Carie déplait à M. l'Abbé, & il ne sçauroit fouffrir ces fortes de comparaisons à longue queuë; mot agréable, qui eft d'abord admiré par M. le Chevalier, lequel prend de là occafion de raconter quantité de jolies chofes qu'il dit auffi à la campagne l'année derniere, à propos de ces comparaisons à longue queuë.

Ces plaifanteries étonnent un peu M. le Préfi

(:) Qu'il eftime plus les Dia- I de l'Art poëtique, où il eft legues de Mendor & de Taba- parlé des Dialogues de Monrin.] Voyez la Remarque fur dor & de Tabarin. le vers 86. du premier Chant

dent, qui fent bien la fineffe qu'il y a dans ce mot de longue queue. Il fe met pourtant à la fin en devoir de répondre. La chofe n'étoit pas fans doute fort mal-aifée, puifqu'il n'avoit qu'à dire, ce que tout homme qui fçait les élémens de la Rhétorique auroit dit d'abord: Que les comparaisons, dans les Odes & dans les Poëmes Epiques, ne font pas fimplement mifes pour éclaircir, & pour orner le difcours; mais pour amufer & pour délaffer l'efprit du Lecteur, en le détachant de tems en tems du principal sujet, & le promenant fur d'autres images agréables à l'efprit: Que c'eft en cela qu'a principalement excellé Homere, dont non feulement toutes les comparaisons, mais tous les difcours font pleins d'images de la nature, fi vrayes & fi variées, qu'étant toujours le même, il eft néanmoins toujours différent : inftruisant sans ceffe le Lecteur, & lui faisant obferver dans les objets mêmes, qu'il a tous les jours devant les yeux, des chofes qu'il ne s'avifoit pas d'y remarquer. Que c'est une vérité univerfellement reconnue, qu'il n'eft point nécef faire, en matiere de Poëfie, que les points de la comparaifon se répondent fi jufte les uns aux autres: qu'il fuffit d'un rapport général, & qu'une trop grande exactitude fentiroit fon Rhéteur.

que

C'eft ce qu'un homme fenfé auroit pû dire fans peine à M. l'Abbé, & à M. le Chevalier : mais ce n'eft ainfi pas raifonne M. le Préfident. Il commence par avouer fincérement que nos Poëtes fe feroient moquer d'eux, s'ils mettoient dans leurs Poëmes de ces comparaisons étendue's ; & n'excuse Homere, que parce qu'il avoit le goût oriental, qui étoit, dit-il, le goût de fa nation. Là-deffus il ex. plique ce que c'eft que le goût des Orientaux, qui, à caufe du feu de leur imagination, & la vivacité de leur efprit, veulent toujours, pourfuit-il, qu'on leur dife deux chofes à la fois & ne fçauroient fouffrir un feul fens dans un difcours : Au lieu que

[ocr errors]

nous autres Européens, nous nous contentons d'un feul fens, & fommes bien-aifes qu'on ne nous dife qu'une feule chose à la fois. Belles obfervations que M. le Préfident a faites dans la nature, & qu'il a faites tout feul! puifqu'il eft faux que les Orientaux ayent plus de vivacité d'efprit que les Européens, & fur tout que les François, qui font fameux par tour pays, pour leur conception vive & prompte: le ftile figuré, qui régne aujourd'hui dans l'Affe mineure & dans les pays voifins, & qui n'y régnoit point autrefois, ne venant que de l'irruption des Arabes, & des autres nations barbares , qui peu de tems après Heraclius inondérent ces pays, & y portérent avec leur langue & avec leur religion, ces manieres de parler empoulées. En effet, on ne voit point que les Peres Grecs de l'Orient, comme S. Juftin, S. Bafile, S. Chryfoftome, S. Gregoire de Nazianze & tant d'autres, ayent jamais pris ce ftile dans leurs écrits : & ni Hérodote, ni Denis d'Halicarnaffe, ni Lucien, ni Joseph, ni Philon le Juif, ni aucun Auteur Grec, n'a jamais parlé ce langage.

[ocr errors]

Mais pour revenir aux comparaisons à longue queuë, M. le Préfident rappelle toutes fes forces, pour renverfer ce mot, qui fait tout le fort de l'argument de M. l'Abbé, & répond enfin : Que comme dans les cérémonies on trouveroit à redire aux queues des Princeffes, fi elles ne traînoient jufqu'à terre, de même les comparaifons dans le Poëme Epique feroient blâmables, fi elles n'avoient des queues fort raînantes. Voilà peut-être une des plus extravagantes réponses qui ayent jamais été faites. Car quel rapport ont les comparaisons à des Princeffes? Cependant M. le Chevalier, qui jufqu'alors n'avoit rien approuvé de tout ce que le Préfident avoit dit, eft ébloui de la folidité de cette réponse, & commence à avoir peur pour M. l'Abbé, qui frappé aussi du grand fens de ce difcours, s'en tire pourtant avec affez de peine, en avouant contre fon premier fen

« 이전계속 »