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qui eût voulu faire cela, (1) s'il eût eu des vierges aux yeux, & non pas des prunelles impudiques ? Mais que dirons-nous de Platon, quoique divin d'ailleurs, qui voulant parler de ces Tablettes de bois de cyprès, où l'on devoit écrire les actes publics, ufe de cette penfée (2) Ayant écrit toutes chofes, ils poferont dans les temples ces (3) monumens de cyprès, Et ailleurs, à propos des murs: Pour ce qui eft des murs, dit-il, Megillus, je fuis de l'avis de Sparte, de les laiffer dormir à terre, & de ne les point faire lever. Il y a quelque chofe d'auffi ridicule dans Herodote, quand il appelle les belles femmes (4) le mal des yeux. Ceci néanmoins femble en quelque

d'une chofe qui étoit expo- | Cyprès, que Longin blâme fée au pillage. avec raifon; car en Grec > (1) S'il eût eu des vierges comme en notre langue, on aux yeux, & non pas des pru-dit fort bien des mémoires nelles impudiques. ] L'oppofi- mais le ridicule eft d'y join tion, qui eft dans le texte en- dre la matiere, & de dire des tre κόρας & πόρνας, n'eft pas mémoires de Cyprès. DACIER. dans la traduction entre vierges & prunelles impudiques. Ce- | pendant comme c'eft l'oppofition qui fait le ridicule, que Longin a trouvé dans ce paffage de Timée, j'aurois voulu la conferver, & traduire, S'il eút eu des vierges aux yeux,& non pas des courtisanes. D A

CIER.

(2) Ayant écrit toutes ces chofes ils poferont dans les temples ces monumens de Cyprès. De la maniere dont M. Boileau a traduit ce paffage, je n'y trouve plus le ridicule que Longin a voulu nous y faire remarquer. Car pourquoi des Tablettes de Cyprès ne pourroient-elles pas être appellées des monumens de Cyprès ? Platon dit, ils poferont dans les Temples ces mémoires de Cyprès. Et ce font ces mémoires de

(3) Monumens de Cyprès. ] J'ai oublié de dire, à propos de ces paroles de Timée, qui font rapportées dans ce Chapitre, que je ne fuis point du fentiment de M. Dacier, & que tout le froid, à mon avis, de ce paffage confifte dans le terme de Monument mis avec Cyprès. C'est comme qui diroit, propos des Regiftres du Parleinent, ils poferont dans ]le Greffe ces monumens de par

chemin. BOILEAU.

(4) Le mal des yeux. ] Ce font des Ambaffadeurs Perfans, qui le difent dans He rodote chez le Roi de Macé doine Amyntas. Cependant Plutarque l'attribue à Alexandre le Grand; & le met au rang des Apophthegmes de ce Prince. Si cela eft, il falloit 'qu'Alexandre l'eût pris à He

façon pardonnable à l'endroit où il eft; (1) parce que ce font des barbares qui le disent dans le vin & la débauche: mais ces perfonnes n'excufent pas la baffeffe de la chofe ; & il ne falloit pas, pour rap

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bon garçon, la fiévre de fon fils. Térence a dit tuos mores morbum illi effe fcio. Et pour donner des exemples plus conformes à celui dont il s'agit un Grec appelle les fleurs p Thus, la fête de la vûë, & la verdure naryver oplærμôr,

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Ibid. Le mal des yeux. ] Comme je l'ai montré dans mes Remarques Herodote trouve dans cette faute, Gi c'en eft une, beaucoup d'imitateurs, fic ut ipfum numerus defendat, fi quid peccaverit. Quant à moi

je trouve ce trait affez délicat & agréable, & j'oppoferai au jugement de Longin celui de Philoftrate, qui loue un femblable trait de l'Orateur Ifée: A'pdvos yr ρήτορος ἐρομένω ἀυτὸν, ἢ ἡ δεῖνα αυτῷ καλη φαίνοιτο ; μάλα σοφρόνως ὁ Ι'σαίος, πέπαυμαι, εἶπεν, ἔφθαλ

Ibid. Le mal des yeux, ] Ce paffage d'Herodote eft dans le cinquiéme Livre & fi l'on prend la peine de le lire,je m'afl'étalage des yeux. DACIER. fure que l'on trouvera ce jugement de Longin un peu trop févere. Car les Perfes, dont Herodote rapporte ce mot n'appelloient point en général les belles femmes le mal des yeux ils parloient de ces femmes qu'Amyntas avoit fait entrer dans la chambre du feftin, & qu'il avoit placées vis-à-vis d'eux, de maniere qu'ils ne pouvoient que les regarder. Ces barbares qui n'étoient pas gens a fe contenter de cela, fe plaignirent à Amyntas, & lui dirent, qu'il ne falloit point fairer. Et paifque ces façons venir ces femmes, ou qu'a- de parler ont plû à tant de près les avoir fait venit, il monde, & à tant de fçavans, devoit les faire affeoir à leurs je m'arrêterai à la fentence côtés, & non pas vis-à-vis que Longin même donne à la pour leur faire mal aux yeux. fin du feptiéme chapitre. TOL Il me femble que cela chan ge un peu l'efpéce. Dans le refte il eft certain que Longin a eu raifon de condamner cette figure. Beaucoup de Grecs déclineront pourtant ici fa juvent en quelque façon excurifdiction fur cé que de fort bons Auteurs ont dit beaucoup de chofes femblables. Ovide en eft plein, Dans Plutarque, un homine appelle un

LIUS.

(1) Parce que ce font des Barbares qui le difent dans le vin

dans la débauche. ] Longin rapporte deux chofes qui peu

fer Hérodote d'avoir appellé les belles femmes, le mal des yeux la premiere, que ce font des Barbares qui le difent ; & la feconde, qu'ils le

porter un méchant mot, fe mettre au hazard de déplaire à toute la postérité.

difent dans le vin & dans la | gin, qui a écrit, parce que ce débauche. En les joignant on font des Barbares qui le difent, n'en fait qu'une: & il me fem- & qui le difent même dans le ble que cela affoiblit en quel-vin & dans la débaucke. D Aque maniere la pensée de Lon

CIER.

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De l'origine du Stile froid.

QUTES ces affectations cependant, fi basses

,

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fe, c'eft à fçavoir de ce qu'on cherche trop la nouveauté dans les pensées, qui eft la manie fur tout des Ecrivains d'aujourd'hui. Car du même endroit que vient le bien, affez souvent vient auffi le mal. Ainfi voyons-nous que ce qui contribue le plus en de certaines occafions à embellir nos Ouvrages ce qui fait, dis-je, la beauté, la grandeur, les graces de l'élocution, cela même en d'autres rencontres, eft quelquefois caufe du contraire; comme on le peut aifément reconnoître (1) dans les Hyperboles, & dans ces autres figures qu'on appelle Pluriels. En effet, nous montrerons dans la fuite, combien il eft dangereux de s'en fervir. Il faut donc voir maintenant comment nous pourrons éviter ces vices qui fe gliffent quelquefois dans le Sublime. Or nous en viendrons à bout fans doute, fi nous nous acquerons d'abord une connoiffance nette & diftin &e du véritable Sublime, & fi nous apprenons à en bien juger; ce qui n'eft pas une chofe peu difficile; puifqu'enfin, de fçavoir bien juger du fort & du foible d'un difcours, ce ne peut être que l'effet d'un long ufage, & le dernier fruit, pour ainfi dire,

(1) Dans les Hyperboles. ] | μlabora, c'est-à dire, chin Dans le Grec il y a encore gemens, de laquelle figure i

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d'une étude confommée. Mais par avance, voici peut-être un chemin pour y parvenir.

parle dans le Chapitre XIX.

Suivant l'édition de M. De preaux.) TOLLIUS.

CHAPITRE V.

Des moyens en général pour connoître le Sublime.

I

L faut fçavoir, mon cher Térentianus, que dans la vie ordinaire, on ne peut point dire qu'une chofe ait rien de grand, quand le mépris qu'on fait de cette chofe tient lui-même du grand. Telles font les richeffes, les dignités, les honneurs, les empires, & tous ces autres biens en apparence, qui n'ont qu'un certain faste au dehors, & qui ne pafferont jamais pour de véritables biens dans l'efprit d'un Sage puifqu'au contraire ce n'eft pas un petit avantage que de les pouvoir méprifer. D'où vient auffi qu'on admire beaucoup moins ceux qui les poffédent, que ceux qui les pouvant pofféder, les rejettent par une pure grandeur d'ame.

Nous devons faire le même jugement à l'égard des Ouvrages des Poëtes & des Orateurs. Je veux dire, qu'il faut bien fe donner de garde d'y prendre pour Sublime une certaine apparence de grandeur, bâtie ordinairement fur de grands mots affemblés au hazard, & qui n'eft à la bien examiner, qu'une vaine enflure de paroles, plus digne en effet de mépris que d'admiration. (1) Car tout ce qui eft véritablement Sublime, a cela de propre, quand on l'écoute, qu'il éléve l'ame, & lui fait concevoir une plus haute opinion d'elle-même, la rempliffant de joye, & de je ne fçai quel noble orgueil, comme fi c'étoit elle qui eût produit les chofes qu'elle vient fimplement d'entendre.

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(1) Quand donc un homme de bons fens, & habile en ces matieres, nous récitera quelque endroit d'un Ouvrage ; fi après avoir oüi cet endroit plufieurs fois, nous ne fentons point qu'il nous éléve l'ame, & nous laiffe dans l'efprit une idée qui soit même au deffus de ce que nous venons d'entendre, mais fi au contraire, en le regardant avec attention, nous trouvons qu'il tombe, & ne fe foutienne pas, il n'y a point là de Grand, puifqu'enfin ce n'eft qu'un fon de paroles, qui frappe fimplement l'oreille, & dont il ne demeure rien dans l'efprit. La marque infaillible du Sublime, c'eft quand nous fentons qu'un Difcours (2) nous laiffe beaucoup à penfer; qu'il fait d'abord un effet fur nous, auquel il eft bien difficile, pour ne pas dire impossible, de réfifter; & qu'enfuite le fouvenir nous en dure, & ne s'efface qu'avec peine. En un mot, figurez-vous qu'une chofe eft véritablement fublime, quand vous voyez qu'elle plaît univerfellement & dans toutes

(1) Quand donc un homme de bon fens. ] Voyez mes remarques Latines. TOLLIUS.

vicieuse, parce qu'elle pour. roit convenir auffi à d'autres chofes qui font fort éloignées (2) Nous laife beaucoup à du Sublime. M. Boileau a trapenfer. ] Ου πολλὴ μὲν ἀναθεώρησις, duit ce paffage comme tous dont la contemplation eft fort les autres Interprétes; mais étendue, qui nous remplit d'une je croi qu'ils ont confondu grande idée. A l'égard de xa- le mot κατεξανάςησις avec κατε τεξανάςησις, il eft vrai que ce ξανάςασις ya pourrant bien mot ne fe rencontre nulle part de la différence entre l'un & dans les Auteurs grecs; mais l'autre. Il eft vrai que le xale fens que je lui donne eft Teavás nos de Longin ne fe celui, à mon avis qui lui trouve point ailleurs. Hefy. convient le mieux, & lorf-chyus marque feulement áráque je puis trouver un fens σημα, ὕψωμαι. Οἱ ἀνάςημα eft au mot d'un Auteur, je n'ai- la même chofe qu'asrons ine point à corriger le texte. δου εξανάστες & κατεξανέςησις BOILEAU. ont été formés. Κατεξαιάςησις n'est donc ici que vεnors augmentum: ce paffage eft très-important, & il me pa roît que Longin a voulu dire; Le véritable Sublime eft celui

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Ibid. Qu'un difcours nous Laiffe beaucoup à penser, &c.] Si Longin avoit défini de cetDe maniere le Sublime, il me femble que fa définition feroit

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