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répondit-elle. Hier vous m'aviez préparée à voir ces Gens-là venir ici au premier jour, & aujourd'hui ils ne feroient feulement pas au monde? Vous ne vous joüerez point ainfi de moi, vous m'avez fait croire les Habitans de la Lune, j'ai furmonté la peine que j'y avois, je les croirai. Vous allez bien vîte, repris-je, il faut ne donner que la moitié de fon efprit aux chofes de cette efpece que l'on croit, & en referver une autre moitié libre, où le contraire puiffe être admis, s'il en eft befoin. Je ne me paye point de Sentences, repliqua-t-elle, allons au fait. Ne faut-il pas raisonner de la Lune comme de de faint Denis? Non, répondis-je, la Lune ne reffemble pas autant à la Terre que Saint-Denis reffemble à Paris. Le Soleil éleve de la Terre & des Eaux, des exhalaisons & des vapeurs, qui montant en l'air jusqu'à quelque hauteur, s'y affemblent, & forment les nuages. Ces nuages fuf

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pendus voltigent irregulierement autour de nôtre Globe,& ombragent tantôt un Pays, tantôt un autre. Qui verroit la Terre de loin, remarqueroit fouvent quelques changemens fur fa furface, parce qu'un grand Pays couvert par des nuages feroit un endroit obfcur, & deviendroit plus lumineux dès qu'il feroit découvert. On verroit des taches qui changeroient de place ou s'affembleroient diversement ou difparoîtroient tout-à-fait. On verroit donc auffi ces mêmes changemens fur la face de la Lune, fi elle avoit des nuages autour d'elle; mais tout au contraire, toutes fes taches font fixes fes endroits lumineux le font toûjours,& voilà le malheur. A ce compte-là, le Soleil n'éleve point de vapeurs, ni d'exhalaisons de deffus la Lune C'eft donc un corps infiniment plus dur & plus folide que nôtre Terre, dont les parties les plus fubtiles fe dégagent aifément d'avec les autres,

& montent en haut dès qu'elles font mises en mouvement par la chaleur. Il faut que ce foit quelque amas de Rochers & de Marbres où il ne fe fait point d'évaporations; d'ailleurs, elles fe font fi naturellement & fi neceffairement, où il y a des Eaux, qu'il ne doit point y avoir d'Eaux où il ne s'en fait point. Qui font donc les Habitans de ces Rochers qui ne peuvent rien produire, & de ce Pays qui n'a point d'Eaux? Et quoi, s'écria-t-elle, il ne vous fouvient plus que vous m'avez affurée qu'il y avoit dans la Lune des Mers que l'on diftinguoit d'ici? Ce n'eft qu'une conjecture, répondis-je, j'en fuis bien fàché; ces endroits obfcurs qu'on prend pour des Mers, ne font peut-être que de grandes cavitez. De la diftance où nous fommes, il eft permis de ne pas deviner tout-à-fait jufte. Mais, dit-elle, cela fuffira-t-il pour nous faire abandonner les Habitans de la Lune? Non pas tout-à-fait, Madame,répon lis-je,

nous ne nous déterminerons ni pour eux, ni contre eux. Je vous avoüe ma foibleffe, repliqua-t-elle, je ne suis point capable d'une fi parfaite indétermination, j'ai besoin de croire. Fixez-moi promptement à une opinion fur les Habitans de la Lune; confervons-les , ou anéantiffons-les pour jamais, & qu'il n'en foit plus parlé ; mais confervons - les plûtôt, s'il se peut, j'ai pris pour eux une inclination que j'aurois de la peine à perdre. Je ne laifferai donc pas la Lune deferte, repris-je, repeuplons-la pour vous faire plaifir. A la verité, puisque l'apparence des taches de la Lune ne change point, on ne peut pas croire qu'elle ait des nuages autour d'elle, qui ombragent tantôt une partie,tantôt une autre, mais ce n'eft pas à dire qu'elle ne pouffe point hors d'elle de vapeurs, ni d'exhalaifons. Nos nuages que nous voyons portez en l'air ne font que des exhalaisons & des vapeurs;qui au fortir de la Terre étoient

féparées en trop petites parties pour pouvoir être vûës, & qui ont rencontré un peu plus haut un froid qui les a refferrées, & renduës visibles par h réunion de leurs parties, après quoi ce font de gros nuages qui flotent en Fair, où ils font des Corps étrangers jufqu'à ce qu'ils retombent en pluyes. Mais ces mêmes vapeurs, & ces mêmes exhalaisons fe tiennent quelquefois affez difperfées pour être imperceptibles, & ne fe ramaffent qu'en formant des rofées très-fubtiles,qu'on ne voit tomber d'aucune nuée. Je fuppofe donc qu'il forte des vapeurs de la Lune; car enfin il faut qu'il en forte; il n'eft pas croyable que la Lu ne foit une maffe dont toutes les parties foient d'une égale folidité, toutes également en repos les unes auprès des autres, toutes incapables de recevoir aucun changement par l'action du Soleil fur elles ; nous ne connoif fons aucun Corps de cette nature, les Marbres même n'en font pas; tout

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