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ce qui eft le plus folide change & s'altere, ou par le mouvement fecret & invifible qu'il en a en lui-même, ou par celui qu'il reçoit de dehors. Mais les vapeurs de la Lune ne fe raffembleront point autour d'elles en nuages, & ne retomberont point fur elle en pluyes,elles,ne formeront que des rofées. Il fuffit pour cela, que l'air dont apparemment la Lune eft environnée en fon particulier, comme nôtre Terre l'eft du fien, foit un peu different de nôtre air, & les vapeurs de la Lune un peu differentes des vapeurs de la Terre, ce qui eft quelque chofe de plus vrai - femblable. Sur ce pied-là, il faudra que la matiere étant difpofée dans la Lune autrement que fur la Terre, les effets foient differens, mais il n'importe; du moment que nous avons trouvé un mouvement interieur dans les parties de la Lune,ou produit par des caufes étrangeres, voilà fes Habitans qui renaiffent, & nous avons le fond neceffaire pour

leur fubfiftance. Cela nous fournira des fruits, des bleds, des eaux, & tout ce que nous voudrons. J'entends des fruits, des bleds, des eaux à la maniere de la Lune, que je fais profeffion de ne pas connoître, le tout proportionné aux befoins de fes Habitans que je connois pas non plus.

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C'est-à-dire, me dit la Marquife, que vous fçavez feulement que tout eft bien, fans fçavoir comment il eft; c'eft beaucoup d'ignorance fur bien peu de fcience; mais il faut s'en confoler, je fuis encore trop heureuse que vous ayez rendu à la Lune fes Habitans. Jefuis même fort contente que vous lui donniez un Air qui l'enveloppe en fon particulier, il me fembleroit déformais que fans cela une Planete feroit trop nuë.

Ces deux airs differens, repris-je, contribuent à empêcher la commu nication des deux Planetes. S'il ne tenoit qu'à voler, que fcavons-nous, comme je vous difois hier, fi on ne

volera pas fort bien quelque jour ? J'avoue pourtant qu'il n'y a pas beaucoup d'apparence. Le grand éloignement de la Lune à la Terre feroit encore une difficulté à furmonter, qui eft affurément confiderable; mais quand même elle ne s'y rencontreroit pas, quand même les deux Planetes feroient fort proches, il ne feroit pas poffible de paffer de l'Air de l'une dans l'Air de l'autre. L'eau eft l'Air des Poiffons, ils ne paffent jamais dans l'Air des Oyfeaux, ni les Oyfeaux dans l'Air des Poiffons; ce n'eft pas la diftance qui les en empêche, c'est que chacun a pour prifon l'Air qu'il refpire. Nous trouvons que le nôtre eft mêlé de vapeurs plus épaiffes & plus groffieres que celui de la Lune. A ce compte un Habitant de la Lune qui feroit arrivé aux confins de nôtre Monde, fe noyeroit dès qu'il entreroit dans nôtre Air,& nous leverrions tomber mort fur la Terre.

Oh, que j'aurois d'envie, s'écria la

Marquife, qu'il arrivât quelque grand naufrage qui répandît ici bon nombre de ces gens-là, dont nous irions confiderer à nôtre aife les figures extraordinaires! Mais repliquai-je, s'ils étoient affez habiles pour naviger fur la furface extérieure de nôtre Air, & que dé là par la curiofité de nous voir, ils nous pefchaffent comme des Poiffons, cela vous plairoit-il? Pour quoi non, répondit-elle en riant? Pour moi, je me mettrois de mon propre mouvement dans leurs filets, feulement pour avoir le plaifir de voir ceux qui m'auroient pefchée.

Songez,repliquai-je, que vous n'arriveriez que bien malade au haut de nôtre Air, il n'eft pas refpirable pour nous dans toute fon étenduë, il s'en faut bien; on dit qu'il ne l'eft déja prefque plus au haut de certaines Montagnes, & je m'étonne bien que ceux qui ont la folie de croire que des Genies corporels habitent l'Air le plus pur, ne difent auffi que ce qui

fait que ces Genies ne nous rendent que des vifites & très-rares & trèscourtes, c'est qu'il y en a peu d'entre eux qui fçachent plonger,& que ceuxlà même ne peuvent faire jufqu'au fond de cet air épais où nous fommes, que des plongeons de trés-peu de durée. Voilà donc bien des barrieres naturelles qui nous défendent la fortie de nôtre Monde, & l'entrée de celui de la Lune. Tâchons du moins pour nôtre confolation à deviner ce que nous pourrons de ce Monde - là Je croi, par exemple, qu'il faut qu'on y voye le Ciel, le Soleil, & les Aftres d'une autre couleur que nous ne les voyons. Tous ces objets ne nous paroiffent qu'au travers d'une espece de Lunette naturelle qui nous les change. Cette Lunette, c'eft nôtre Air, mêlé comme il eft de vapeurs & d'exhalaifons, & qui ne s'étend pas bien haut. Quelques Modernes prétendent que de lui-même il est bleu auffi-bien que l'eau de la Mer, & que

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