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l'Aurore eft, un effet de la groffiereté de l'Air & des Vapeurs. L'Arc-enCiel fe forme dans les nuages d'où tombent les pluyes, & nous devons les plus belles chofes du monde à celles qui le font le moins. Puis qu'il n'y a autour de la Lune, ni vapeurs affez groffieres, ni nuages pluvieux, adieu l'Arc-en-Ciel avec l'Aurore, & à quoi reffembleront les Belles de ce Pays-là? Quelle fource de comparaisons perduë?

Je n'aurois pas grand regret à ces comparaifons-là, dit la Marquife, & je trouve qu'on eft affez bien recompenfé dans la Lune, de n'avoir ni Aurore ni Arc-en-Ciel; car on ne doit avoir par la même raifon ni Foudres, ni Tonnerres, puifque ce font aussi des chofes qui fe forment dans les nuages. On a de beaux jours toûjours fereins, pendant lefquels on ne perd point le Soleil de vûë. On n'a point de nuits où toutes les Etoiles ne fe montrent; on ne connoît ni les ora

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que

gés, ni les tempêtes, ni tout ce qui paroît être un effet de la colere du Ciel; trouvez-vous qu'on foit tant à plaindre ? Vous me faites voir la Lune comme un fejour enchanté, répondis-je ; cependant je ne fçai s'il eft fidélicieuxd'avoir toûjoursfur la tête, pendant des jours qui en valent quinze des nôtres, un Soleil ardent dont aucun nuage ne modere la chaleur. Peut-être auffi eft- ce à cause de cela la Nature a creufé dans la Lune des efpeces de Puits, qui font affez grands pour être apperçûs par nos lunettes; car ce ne font point des Vallées qui foient entre des Montagnes, ce font des creux que l'on voit au milieu de certains lieux plats & en trés-grand nombre. Que fait-on fi les Habitans de la Lune incommodez par. l'ardeur perpetuelle du Soleil, ne fe refugient point dans ces grands Puits? Ils n'habitent peut-être point ailleurs, c'est là qu'ils bâtiffent leurs Villes. Nous voyons ici que la

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Rome foûterraine eft plus grande que la Rome qui eft fur Terre. Il ne faudroit qu'ôter celle-ci, le refte seroit une Ville à la maniere de la Lune. Tout un peuple eft dans un Puits, & d'un Puits à l'autre il y a des chemins foûterrains pour la communication des peuples. Vous vous moequez de cette vifion, j'y confens de tout mon cœur ; cependant à vous parler très-ferieufement, vous pouriez vous tromper plûtôt que moi Vous croyez que les Gens de la Lune doivent habiter fur la furface de leur Planete, parce que nous habitons fur la farface de la nôtre : c'eft tout le contraire, puifque nous habitons fur la furface de nôtre Planete, ils pourroient bien n'habiter pas fur la furface de la leur. D'ici - là, il faut que toutes chofes foient bien differentes.

Il n'importe, dit la Marquife, je ne puis me refoudre à laiffer vivre les Habitans de la Lune dans une obf

curité perpetuelle. Vous y auriez encore plus de peine, repris-je, fi vous fçaviez qu'un grand Philofophe de l'Antiquité a fait de la Lune le fejour des Ames qui ont merité ici d'être bien-heureuses. Toute leur felicité confifte en ce qu'elles y entendent l'Harmonie que les Corps Céleftes font par leurs mouvemens; mais comme il prétend que quand la Lune tombe dans l'ombre de la Terre, elles ne peuvent plus entendre cette Harmonie, alors, dit-il, ces Ames crient comme des défefperées, & la Lune fe hâte le plus qu'elle peut de les tirer d'un endroit fi fâcheux. Nous devrions donc, repliqua-t-elle, voir arriver ici les Bienheureux de la Lune; car apparemment on nous les envoye auffi; & dans ces deux Planetes on croit avoir affez pourvû à la felicite des Ames, de les avoir tranf portées dans un autre Monde, Serieufement repris-je, ce ne feroit pas un plaifir mediocre de voir plufieurs

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Mondes differens. Ce voyage me réjouit quelquefois beaucoup à ne le faire qu'en imagination, & que feroit-ce, fi on le faifoit en effet, cela vaudroit bien mieux que d'aller d'ici au Japon, c'est-à-dire de ramper avec beaucoup de peine d'un point de la Terre fur un autre, pour ne voir que des Hommes. Et bien,dit-elle,faifons le voyage des Planetes comme nous pourrons nous en empêche ? Allons nous placer dans tous ces differens points de vûë, & de là confide rons l'Univers. N'avons-nous plus rien à voir dans la Lune? Cemondelà n'eft pas encore épuifé,répondis-je. Vous vous fouvenez bien que les deux mouvemens par lefquels la Lune tourne fur elle-même & autour de nous, étant égaux, l'un rend toujours à nos yeux ce que l'autre leur devroit dérober, & qu'ainfi elle nous prefente toûjours la même face. Il n'y a donc que cette moitié-là qui nous voye 5 & comme la Lund

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