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même y a-t-il effectivement un grand nombre deSens naturels;mais dans le partage que nous avons fait avec les Habitans des autres Planetes, il ne nous en eft échû que cinq, dont nous nous contentons faute d'en connoître d'autres.Nos Sciences ont de certaines bornes que l'Esprit humain n'a jamais pú paffer, il y a un point où elles nous manquent tout-à-coup; le refte eft pour d'autres Mondes, où quelque chofe de ce que nousfçavons eft inconnu. Cette Planete-ci joüit des douceurs de l'Amour, mais elle eft toûjours défolée en plufieurs de fes parties par les fureurs de la Guerre. Dans une autre Planete on joüit d'une Paix éternelle, mais au milieu de cette Paix on ne connoît point PAmour, & on s'ennuye. Enfin ce que la Nature pratique en petit entre les hommes pour la diftribution du bonheur ou des talens, elle l'aura fans doute pratiqué en grand en

tre les Mondes, & elle fe fera bien fou venuë de mettre en usage ce fecret merveilleux qu'elle a de diversifier toutes chofes, & de les égaler en même temps par les compenfations.

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Eftes-vous contente, Madame ajoûtai-je, en quittant le ton ferieux? Vous ai-je débité affez de chimeres? Vrayement répondit-elle, il me femble que j'ai prefentement moins de peine à attraper les differences de tous ces Mondes. Mon imagination travaille fur le plan que vous m'avez donné. Je me reprefente comme je puis des Caracteres & des Coû tumes extraordinaires pour les Habitans des Planetes, & je leur compofe même des figures tout-à-fait bizarres. Je ne vous les pourrois. pas décrire, mais je vois pourtant quelque chofe. Pour ces figures-là, repliquai - je, je vous conseille d'en laiffer le foin aux Songes que vous aurez cette nuit. Nous verrons de

main s'ils vous auront bien fervie; & s'ils vous auront appris comment font faits les Habitans de quelque Planete.

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QUATRIEME SOIR

Particularitez des Mondes de Venus, de Mercure, de Mars, de Jupiter, de Saturne.

L

Es Songes ne furent point heureux,ils representerent toûjours quelque chofe qui reffembloit à ce que l'on voit ici. J'eus lieu de reprocher à la Marquife ce que nous reprochent à la vûë de nos Tableaux,de certains Peuples qui ne font jamais que des Peintures bizarres & grotesques. Bon, nous difent-ils, cela eft tout fait comme des hommes, il n'y a pas là d'imagination. Il fallut donc fe refoudre à ignorer les figures des Habitans de toutes ces Planetes, & fe contenter d'en deviner ce que nous pourrions en continuant le Voyage des Mondes que nous avions com

mencé. Nous en étions à Venus. On eft bien sûr, dis-je, à la Marquife, que Venus tourne für elle-même, mais on ne fçait pas bien en quel temps, ni par confequent combien fes jours durent. Pour les années elles ne font que de près de huit mois, puis qu'elle tourne en ce temps-là autour du Soleil. Elle eft une fois & demie groffe comme la Terre, ce qui eft une difference absolument infenfible aux yeux de fi loin, & par confequent la Terre paroît à Venus de la même grandeur dont Venus nous paroît. J'en fuis bien aife, dit la Marquife, la Terre pourra être pour Venus l'Etoile du Berger & la Mere des Amours, comme Venus l'eft pour nous. Ces noms- là ne peuvent convenir qu'à une petite Planete, qui foit jolie, claire, brillante & qui ait un air galant. J'en conviens, répondis-je. Mais fçavez vous ce qui rend Venus fi jolie de loin? c'est qu'elle eft fort affreuse de près.

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