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elles diroient, Nous avons toûjours" vú le même Jardinier, de memoire de Rofe on n'a vu que lui, il a toûjours été fait comme il eft, affurément il ne meurt point comme nous; il ne change feulement pas. Le raisonnement

des Rofes feroit-il bon ? Il auroit pourtant plus de fondement que celui que faifoient les Anciens fur les Corps céleftes; & quand même il ne feroit arrivé aucun changement dans les Cieux jufqu'à aujourd'hui, quand ils paroîtroient marquer qu'ils feroient faits pour durer toûjours fans aucune alteration, je ne les en croirois pas encore, j'attendrois une plus longue experience. Devonsnous établir nôtre durée, qui n'est que d'un inftant, pour la mesure de quelque autre? Seroit-ce à dire que ce qui auroit duré cent mille fois plus que nous, dût toûjours durer? On n'eft pas fi aifément éternel. Il faudroit qu'une chofe eût paffé bien des âges d'hommes mis bout à bout,

pour commencer à donner quelque figne d'immortalité. Vraiment, dit la Marquife, je voi les Mondes bien éloignez d'y pouvoir prétendre. Je ne leur ferois feulement pas l'honneur de les comparer à ce Jardinier qui dure tant à l'égard des Rofes, ils ne font que comme les Rofes mêmes qui naiffent & qui meurent dans un jardin les unes après les autres ; car je m'attens bien que s'il disparoît des Etoiles anciennes, il en paroît de nouvelles, il faut que l'efpece fe repare. Il n'eft pas à craindre qu'elle periffe, répondis-je. Les uns vous diront que ce ne font que des Soleils qui fe rapprochent de nous, après avoir été long-temps perdus pour nous dans la profondeur du Ciel. D'autres vous diront que ce font des Soleils qui fe font dégagez de cette croûte obfcure qui commençoit à les environner. Je croi aifément que tout cela peut être, mais je croi auffi que l'Univers peut

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avoir été fait de forte qu'il s'y forme rà de temps en temps des Soleils nouveaux. Pourquoi la matiere pro pre à faire un Soleil ne pourra-t-elle pas, après avoir été difperfée en plufieurs endroits differens, fe ramaffer à la longue en un certain lieu, & y jetter les fondemens d'un nouveau Monde? J'ai d'autant plus d'inclination à croire ces nouvelles productions, qu'elles répondent mieux à la haute idée que j'ai des Ouvrages de la Nature. N'auroitelle le pouvoir que de faire naître & mourir des Planetes ou des Animaux par une révolution continuelle Je fuis perfuadé, & vous l'êtes déja auffi, qu'elle met en ufage ce même pouvoir fur les Mondes, & qu'il ne lui en coûte pas davantage. Mais nous avons fur cela plus que de fimples conjectures. Le fait eft que depuis près de cent ans, l'on voit avec les Lunettes un que Ciel tout nouveau, & inconnu aux

Anciens, il n'y a pas beaucoup de Constellations où il ne foit arrivé quelque changement fenfible; & c'eft dans la Voye de Lait qu'on en remarque le plus, comme fi dans cette fourmillere de petits Mondes, il regnoit plus de mouvement & d'inquietude. De bonne - foi, dit la Marquife, je trouve à prefent les Mondes, les Cieux, & les Corps céleftes fi fujets au changement que m'en voilà tout-à-fait revenue.. Revenons-en encore mieux, fi vous m'en croyez, repliquai-je, n'en parlons plus, auffi- bien vous voilà arrivée à la derniere voûte des Cieux; & pour vous dire s'il y a encore des Etoiles au-delà, il faudroit être plus habile que je ne fuis. Mettez-y encore des Mondes, n'y en mettez pas, cela dépend de vous. C'eft proprement l'Empire des Philofophes que ces grands Pays invifibles qui peuvent être ou n'être pas fi on veut, ou être tels que l'on

yeut; il me fuffit d'avoir mené võtre efprit auffi loin que vont vos yeux.

Quoi! s'écria-t-elle, j'ai dans la tête tout le Siftême de l'Univers! je fuis fçavante! Oui, repliquai-je, Wous l'êtes affez raifonnablement, & vous l'êtes avec la commodité de pouvoir ne rien croire de tout ce que je vous ai dit dès que l'envie vous en prendra. Je vous demande feulement pour récompense de mes peines, de ne voir jamais le Soleil, ni le Ciel, ni les Etoiles, fans fonger à moi.

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