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une idée plus fublime de l'Univers,& ne lui avez-vous pas fait plus d'honneur qu'il ne meritoit? J'ai vû des gens qui l'en eftimoient moins, depuis qu'ils l'avoient connu. Et moi, repliqua-t-elle, je l'en eftime beaucoup plus, depuis que je fçai qu'il reffemble à une Montre. Il eft furprenant que l'ordre de la Nature tout admirable qu'il eft, ne roule que fur des chofes fi fimples.

Je ne fçai pas, lui répondis-je, qui vous a donné des idées si saines ; mais en verité, il n'eft pas trop commun de les avoir. Affez de gens ont toûjours dans la tête un faux Merveilleux envelopé d'une obfcurité qu'ils respectent. Ils n'admirent la Nature, que parce qu'ils la croyent une efpece de Magie où l'on n'entend rien ; & il eft fûr qu'une chofe eft deshonorée auprés d'eux, dès qu'elle peut-être conçûë. Mais, Madame, continuaije, vous êtes fi bien difpofée à entrer dans tout ce que je veux vous dire. C

que je croi que je n'ai qu'à tirer le rideau, & à vous montrer le Monde. De la Terre où nous fommes, ce que nous voyons de plus éloigné, c'est ce Ciel bleu, cette grande voûte où il femble que les Etoiles font attachées comme des cloux. On les appelle Fixes, parce qu'elles ne paroiffent avoir que le mouvement de leur Ciel, qui les emporte avec lui d'Orient en Occident. Entre la Terre & cette derniere voûte des Cieux, font fufpendus à differentes hauteurs, le Soleil, la Lune, & les cinq autres Aftres qu'on appelle des Planetes, Mercure, Venus, Mars, Jupiter & Saturne. Ces Planetes n'étant point attachées à un même Ciel, & ayant des mouvemens inégaux, elles fe regardent diversement, & figurent diverfement ensemble; au lieu que les Etoiles Fixes font toûjours dans la même fituation les unes à l'égard des autres ; le Chariot, par exemple, que vous voyez qui eft formé de ces fept

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Etoiles, a toûjours été fait comme il eft, & le fera encore long-temps; mais la Lune eft tantôt proche du Soleil, tantôt elle en eft éloignée & il en va de même des autres Planetes. Voilà comme les chofes parurent à ces anciens Bergers de Chaldée, dont le grand loifir produifit les premiers obfervations qui ont été let fondement de l'Aftronomie; car l'Af tronomie eft née dans la Chaldée, comme la Geometrie nâquit, dit-on, en Egypte, où les inondations du Nil, qui confondoient les bornes des champs, furent caufe que chacun voulut inventer des mefures exactes pour reconnoître fon champ d'avec celui de fon voifin. Ainfi l'Aftronomie eft fille de l'Oifiveté, la Geometrie eft fille de l'Intereft; & s'il étoit queftion de la Poëfie, nous trouverions apparemment qu'elle eft fille de l'Amour.

Je fuis bien-aife, dit la Marquife, d'avoir appris cette genealogie des

vers, tandis que tous les Corps Celeftes qui étoient faits pour elle: prendroient la peine de tourner alentour pour l'éclairer. Ce fut donc audeffus de la Terrequ'on plaça laLune; & au-deffus de la Lune on plaça Mercure, enfuite Venus, le Soleil, Mars, Jupiter, Saturne. Au-deffus de tout cela étoit le Ciel des Etoiles Fixes. La Terre fe trouvoit juftement au milieu des Cercles que décrivent ces Planetes, & ils étoient d'autant plus grands, qu'ils étoient plus éloignez de la Terre, & par confequent les Planetes plus éloignées employoient plus de temps à faire leur cours, ce qui effectivement eft vrai. Mais je ne fçai pas, interrompit la Marquife, pourquoi, vous femblez n'approuver pas cet ordre-là dans l'Univers; il me paroît affez net, & affez intelligible, & pour moi je vous declare que je m'en contente. Je puis me vanter, repliquai-je, que je vous adoucis bien tout ce Siftême. Si je

vous le donnois tel qu'il a été conçû par Ptolomée fon Auteur, ou par ceux qui y ont travaillé aprés lui, il vous jetteroit dans une épouvente horrible. Comme les mouvemens des Planetes ne font pas fi reguliers, qu'elles n'aillent tantôt plus vite, tantôt plus lentement, tantôt en un fens, tantôt en un autre, & qu'elles ne foient quelquefois plus éloignées de la Terre, quelquefois plus proches; les Anciens avoient imaginé je ne fçai combien de Cercles differemment entrelaffez les uns dans les autres, par lefquels ils fauvoient toutes ces bizarreries. L'ambaras de tous ces Cercles étoit fi grand, que dans un temps où l'on ne connoiffoit encore rien de meilleur, un Roi de Caftille, grand Mathématicien, mais apparemment peu devot, difoit que fi Dieu l'eût appellé à fon Confeil quand il fit le Monde, il lui eût don né de bons avis. La pensée eft trop libertine; mais cela même eft affez

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