SCENE III.

CIA

LEROY, LAVINIE,CAMILLE, FAUNES ET DRIADES.

CHOEUR de Faunes & de Driades.

Q

Uittons nos demeures fauvages!

Sortons de nos antres fecrets, Ecoutons, écoutons le Dieu de ces Forêts. De l'obscur avenir il perce les nuages, Ecoutons, écoutons le Dieu de ces Forêts.

L'ORACLE DE FAUNUS.

Les Amours vont bien-tôt ramener parmi vous
La Paix qu'ils en avoient bannic, I

Le Ciel fuivra les vœux de Lavinie
Sur le choix d'un Epoux.o

LEROY.

Ma fille, tu le vois, nos frayeurs étoient vaines La fureur de Junon n'a qu'un foible pouvoir,

LAVINI E.

Euffions-nous ofé dans nos peines

Nous flater d'un fi doux espoir?

Danfes des Faunes & des Driades, qui marquent leur joie d'un Oracle fi heureux.

DEUX DRIADES & UN FAUNE.
L'Amour prend pour une offense

Le defespoir des Amants.

Peut-il manquer de puiffance
Pour payer tous leurs tourments!

Un. Amant qui perfevere 2
Trouve enfin un heureux jour.
Son bonheur eft necellaire
Pour la gloire de l'Amour.
A CHOE U R.
Aimons, tout eft fair pour aimer,
Tout doit fe laifler enflamer
Rendons-nous à des foix fouveraines.
Toujours l'amour eft le plus fort,
Tous les cœurs ont un même fort,
Ils font tous deftinez à fes chaines.

Contre l'Amour & fes appas
2007 On rend d'inutiles combats, ¿
Il vaut mieux s'épargner mille peines.
Toujours l'Amour eft le plus fore, I
Tous les cœurs ont un mêine fort,
Ils font tous destinez a fes chaînes.

LE ROY à Lavinie.

Puifqu'aux vœux de ton cœur les Dieux feront pro pices,

Entre tes deux Amans il faut que tu chòififles,

C'est à toi de regler le fort qui les attend,
Délibere à loifir fur ce choix important.

!

SCENE IV.

To col voldanos a

LAVINIE, CAMILLE.

LAVINIE.

D'où me vient un bonheur qui paffe mon atten

te?

Du fort qui m'accabloit que devient le couroux ? Quoi je puis par mon choix voir ma flâme conten

tel

Ciel, Oracle, Deftin, dont la douceur m'enchante » M'eft-il permis de m'aflurer fur vouE PICA

CAMILLE.

La fortune eft toûjours volage
Sa haine n'eft pas fans retour.
De longs malheurs font le préfage

Des biens qui viennent à leur tour.

LAVINTE

Je cede aux doux transports où l'amour me convie, Grands Dieux! de quel plaifir mon cœur eft pene tré!

Un aimable Heros en fecret adoré

Recevra de ma main le bonheur de la vie;

Il eût pû lé devoir au Roy,

Mais que j'aime à penfer qu'il tiendra tout de moi

LAVINIE, CAMILLE sau inj

Qu'il eft: doux de pouvoir foi-même

Dd iiij

Regler le fort de ce qu'on aime !
Qu'il eft doux de pouvoir
Regler le fort de ce qu'on aime,
Et combler fon espoir !

JJALAVINIEKI VAI

Mais quelle eft ma frayeur mortelle !

Une obfcure vapeur s'éleve des Enfers.
Quels fantômes, fortis de la nuit éternelle
Ofent paroître dans les airs?

On entend une Symphonic effrayante.

LAVINI E.

Où fuis-je ? quel eft mon effroi ?
Dieux juftes Dieux ! quel fpectacle terrible!
Dérobons nous, s'il eft poffible...

A

pon no. L'OMBRE. ob
#. 1.0 m in it ki

Rrête, Lavinie, arrête, écoute-moi,

Je fus Didon, je regnay dans Carthage,
Un Etranger rebut des flots & de l'orage,
De ma prodigue main reçut mille bienfaits.
L'amour en fa faveur avoit féduit mon ame :
Par une feinte ardeur il augmenta ma flâme,
Et m'abandonna pour jamais.

LAVINI E.

Ah! quelle trahison!

L'OMBRE.

Mon defefpoir extrême

Atma mon bras contre moi-même,

Ma mort ne put toucher mon indigue vainqueur,

LAVINI E.

Le perfide! l'ingrat !

L'OMBR E.

Cet ingrat, ce perfide,

C'est ce même Troyen pour qui l'amour décide
Dans le fond de ton cœur.

冰

· L'Ombre difparoit.

SCENE VI.

LAVINIE.

QUel funefte difcours! quelle image effraiante!

Confufe, interdite, tremblante,
Je ne me connois plus, je meurs,
Je fuccombe fous tant d'horreurs.

Une Amante fi genereuse

Voit fon amour payé du plus cruel trépas !
Que ne te dois-je point, & Reine malheureuse?
Qui jamais m'eût fait voir, helas!

Le précipice affreux qui s'ouvroit fous mes pas ?