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SUR

UNCOMMERCE

D'AMOUR.

Qui fubfiftoit fans fureurs, Sans jalousie, &c.

A voir l'Amour tel qu'il erre en ce Monde,

Les yeux en feu, la mine furibonde,
Barbare auteur des pleurs les plus amers,
On le prendroit pour le fils de Megere,
Qui s'eft armé des ferpens de fa Mere,
Et vient chez-nous tranfporter les Enfers:
Mais grace à vous, & grace à moi peut-être,
On le peut voir fous des traits moins connus,
Vos tendres feux l'obligent de paroître
Comme le fils de l'aimable Venus.

DE

HHHE

DE L'ORIGINE

DES

FABLE S

OP

N nous a fi fort accoûtumés pendant notre enfance aux Fables des Grecs, que quand nous fommes en état de raisonner, nous ne nous avifons plus de les trouver auffi étonnantes qu'elles le font. Mais fi l'on vient à fe défaire des yeux de l'habitude,il ne fe peut qu'on ne foit épouvanté de voir toute l'an-cienne Hiftoire d'un Peuple qui n'eft qu'un amas de chimeres, de rêve-ries, & d'abfurdités. Seroit-il poffible qu'on nous eût donné tout cela pour vrai? A quel deffein nous l'au-roit-on donné pour faux? Quel auroit été cet amour des hommes pour dess

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fauffetés manifeftes & ridicules & pourquoi ne dureroit il plus ? Car les Fables des Grecs n'étoient pas comme nos Romans qu'on nous donne pour ce qu'ils font, & non pas pour des Histoires ; il n'y a point d'autres Hiftoires anciennes que les Fables. Eclairciffons, s'il fe peut, cette matiere, étudions l'ef prit humain dans une de fes plus étranges productions; c'est - là bien fouvent qu'il fe donne le mieux à connoître.

Dans les premiers Siècles du monde, & chez les Nations qui n'avoient point entendu parler des Traditions de la famille de Seth, ou qui ne les conferverent pas, l'ignorance & la barbarie dûrent être à un excès que nous ne fommes prefque plus en état de nous reprefenter. Figuronsnous les Cafres, les Lappons, ou les Iroquois ; & même prenons garde que cesPeuples étant déja anciens, ils ont dû parvenir à quelque degré

de connoiffance & de politeffe que les premiers hommes n'avoient pas.

A mesure que l'on eft plus ignorant, & que l'on a moins d'experience, on voit plus de prodiges. Les premiers Hommes en virent donc beaucoup ; & comme naturellement les Peres content à leurs enfans ce qu'ils ont vû, & ce qu'ils ont fait, ce ne furent que prodiges dans les recits de ces temps-là.

Quand nous racontons quelque chofe de furprenant, notre imagination s'échauffe fur fon objet, & fe porte d'elle-même à l'agrandir & à y ajoûter ce qui y manqueroit pour le rendre tout-à-fait merveilleux, comme fi elle avoit regret de laiffer une belle chose imparfaite. De plus, on eft flaté des fentimens de furprise & d'admiration que l'on cause à ses Auditeurs, & on eft bien-aife de les augmenter encore, parce qu'il femble qu'il en revient je ne fçai quoi à notre vanité. Ces deux raifons jointes

enfemble, font que tel homme qui n'a point deffein de mentir en commençant un recit un peu extraordinaire, pourra néanmoins fe furprendre lui même en menfonge, s'il y prend bien garde, & de-là vient que l'on a befoin d'une espece d'effort & d'une attention particuliere pour ne dire exactement que la verité. Que fera-ce après cela de ceux qui naturellement aiment à inventer, & à im pofer aux autres ?

Les récits que les premiers Hom mes firent à leurs enfans, étant donc fouvent faux en eux-mêmes, parce qu'ils étoient faits par des gens fujets à voir bien des chofes qui n'étoient pas, & par deffus cela ayant été exagerés, ou de bonne-foi, felon que nous venons de l'expliquer, ou de mauvaise-foi, il eft clair que les voilà déja bien gâtés dès leur fource. Mais affurément ce fera encore bien pis quand ils pafferont de bouche en bouche; chacun en êtera quelque

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