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d'efprit comme dans le Siecle d'Augufte, & dans celui-ci, on a aimé à raifonner fur les actions des hommes, à en penetrer les motifs, & à connoître les caracteres. Les Historiens de ces Siécles-là fe font accommodés à ce goût, ils fe font bien gardés d'écrire les faits nuement & fechement, ils les ont accompagnés de motifs, & y ont mêlé les portraits de leurs perfonnages. Croyons-nous que ces portraits & ces motifs foient exactement vrais? Y avons-nous la même foi qu'aux faits? Non, nous fçavons fort bien que les Hiftoriens les ont devinés comme ils ont pû, & qu'il eft presque impoffible qu'ils ayent deviné tout-à-fait jufte. Cependant nous ne trouvons point mauvais que les Hiftoriens ayent recherché cet embelliffement qui ne fort point de la vrai-femblance, & c'eft à cause de cette vrai-femblance que ce mélange de faux que nous reconnoiffons qui peut-être dans nos

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Hiftoires, ne nous les fait pas regarder comme des Fables.

De même, après que par les voyes que nous avons dites, les anciens Peuples eurent pris le goût de ces Hiftoires, où il entroit des Dieux,des Déeffes, & en general du merveilfeux, on ne débita plus d'Hiftoires qui n'en fuffent ornées. On fçavoit que cela pouvoit n'être pas vrai mais en ces temps-là il étoit vraifemblable, & c'en étoit affez pour conferver à ces Fables la qualité d'Hiftoires.

Encore aujourd'hui les Arabes rempliffent leurs Hiftoires de prodiges & de miracles, le plus fouvent ridicules & grotefques. Sans doute, cela n'eft pris chez-eux que pour des ornemens aufquels on n'a garde d'être trompé, parce que c'eft entre eux une espece de convention d'écrire ainfi. Mais quand ces fortes d'Hiftoires paffent chez d'autres Peuples qui ont le goût de vouloir qu'on

écrive les faits dans leurs exacte verité,ou elles font cruës au pié de la lettre,ou du moins on fe perfuade qu'elles ont été cruës par ceux qui les ont publiées & par ceux qui les ont reçuës fans contradiction. Certainement le mal-entendu eft confiderable.Quand j'ai dit que le faux de ces Hiftoires étoit reconnu pour ce qu'il étoit, j'ai entendu parler des gens un peu éclairés; car pour le peuple, il eft deftiné à être la dupe de tout.

Non feulement dans les premiers Siecles on expliqua par une Philofophie chimerique ce qu'il y avoit de furprenant dans l'Hiftoire des faits, mais ce qui appartenoit à la Philofophie, on l'expliqua par des Hiftoires de faits imaginés à plaisir. On voyoit vers le Septentrion deux Conftellations nommées les deux Ourfes qui paroiffoient toûjours, & ne fe couchoient point comme les autres; on n'avoit garde de fonger que c'eft qu'elles étoient vers un Po

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le élevé à l'égard des Spectateurs ; on n'en fçavoit pas tant; on imagina que de ces deux Ourfes, l'une avoit été autrefois une Maîtreffe, & l'autre un fils de Jupiter; que ces deux perfonnes ayant été changées en Constellations, la jaloufe Junon avoit prié l'Océan de ne point fouffrir qu'elles defcendiffent chez - lui comme les autres, & s'y allaffent repofer. Toutes les Métamorphofes font la Physique de ces premiers temps. Les Meures font rouges, parce qu'elles font teintes du fang d'un Amant & d'une Amante; la Perdrix vole toûjours terre à terre, parce que Dédale qui fut changé en Perdrix fe fouvenoit du malheur de fon fils qui avoit volé trop haut, & ainfi du refte. Je n'ai jamais oublié que l'on m'a dit dans mon enfance que le Sureau avoit eu autrefois des raisins d'auffi bon goût que la Vigne, mais que le traître Judas s'étant pendu à cet arbre, fes fruits étoient

devenus auffi mauvais qu'ils le font prefentement. Cette fable ne peutêtre née que depuis le Chriftianifme, & elle eft précisément de la même efpece que ces anciennes métamorphofes qu'Ovide a ramaffées, c'est-àdire, que les hommes ont toûjours de l'inclination pour ces fortes d'Hif toires. Elles ont le double agrément, & de fraper l'efprit par quelque trait merveilleux, & de fatisfaire la cu riofité par la raison apparente qu'elles rendent de quelque effet naturel & fort connu.

Outre tous ces principes particuliers de la naiffance des Fables, il y en a eu deux autres plus generaux qui les ont extrêmement favorisées. Le premier eft le droit que l'on a d'inventer des chofes pareilles à celles qui font reçûes, ou de les pouffer plus loin par des confequences. Quelque évenement extraordinaire aura fait croire qu'un Dieu avoit été amoureux d'une femme, auffi-tôt

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