ÆäÀÌÁö À̹ÌÁö
PDF
ePub

toutes les Hiftoires ne feront pleines que de Dieux amoureux.Vous croyez bien l'un, pourquoi ne croyez-vous pas l'autre? Si les Dieux ont des Enfans, ils les aiment, ils employent toute leur puiffance pour eux dans les occafions, & voilà une fource inépuisable de prodiges qu'on ne pourra traiter d'abfurdes.

Le fecond principe qui fert beaucoup à nos erreurs, eft le refpect aveugle de l'antiquité. Nos Peres l'ont crû, prétendrions-nous être plus fages qu'eux Ces deux principes joints ensemble font des merveilles. L'un fur le moindre fondement que la foibleffe de la Nature humaine ait donné, étend une fottise à l'infini; l'autre pour peu qu'elle foit établie la conferve à jamais; l'un parce que nous fommes déja dans l'erreur, nous engage à y être encore de plus en plus, & l'autre nous défend de nous en tirer, parce que nous y avons été quelque temps.

Voilá, felon toutes les apparences, ce qui a pouffé les Fables a ce haut dégré d'abfurdité où elles font arrivées, & ce qui les y a maintenuës. Car ce que la Nature y a mis directement du fien, n'étoit ni tout-àfait fi ridicule, ni en fi grande quantité, & les hommes ne font point fi fous, qu'ils euffent pû tout d'un coup enfanter de telles rêveries, y ajoûter foi, & être un fort long-temps à s'en défabufer, à moins qu'il ne s'y fût mêlé les deux chofes que nous venons de dire.

Examinons les erreurs de ces Siecles-ci, nous trouverons que les mêmes chofes les ont établies, étendues, & confervées. Il eft vrai que nous ne fommes arrivez à aucune abfurdité auffi confiderable que les anciennes Fables des Grecs; mais c'eft que nous ne fommes point partis d'abord d'un point fi abfurde. Nous fçavons aufsi bien qu'eux étendre & conferver nos erreurs, mais heureusement elles ne

font pas fi grandes, parce que nous fommes éclairées des lumieres de la vraye Religion, &, à ce que je croi, de quelques rayons de la vraye Philofophie.

On attribuë ordinairement l'Origine des Fables à l'imagination vive des Orientaux, pour moi je l'attribue à l'ignorance des premiers hommes. Mettez un Peuple nouveau fous le Pole,fes premieres Hiftoires feront des Fables, & en effet les anciennes Hiftoires du Septentrion n'en fontelles pas toutes pleines? ce ne font que Géants, & Magiciens. Je ne dis pas qu'un Soleil vif & ardent ne puiffe encore donner aux efprits une derniere coction, qui perfectionne la difpofition qu'ils ont à fe repaître de Fables; mais tous les hommes ont pour cela des talens indépendans du Soleil. Auffi dans tout ce que je viens de dire, je n'ai fuppofé dans les homque ce qui leur eft commun à tous, & ce qui doit avoir fon effet fous les

[ocr errors][merged small][merged small]

Je montrerois peut-être bien, s'il le falloit, une conformité étonnante entre les Fables des Ameriquains, & celles des Grecs. Les Ameriquains envoyoient les ames de ceux qui avoient mal vêcu dans de certains Lacs bourbeux & defagréables,comme les Grecs les envoyoient fur les bords de leurs rivieres de Stix & d'Acheron. Les Ameriquains croyoient que la pluye venoit de ce qu'une jeune fille qui étoit dans les nuës joüant avec fon petit frere, il lui caffoit fa cruche pleine d'eau; cela ne reffemble-t-il pas fort à ces Nymphes de Fontaines, qui en verfent l'eau de dedans des Urnes? Selon les traditions du Perou,l'Ynca Manco Guyna Capac fils du Soleil trouva moyen par fon éloquence de retirer du fond des Forêts les Habitans du Pays qui vivoient à la maniere des bêtes, & il les fit vivre fous des Loix raison

y

nables. Orphée en fit autant pour les Grecs, & il étoit auffi fils du Soleil, ce qui montre que les Grecs furent pendant un temps des Sauvages auffi-bien que les Ameriquains, & qu'ils furent tirez de la Barbarie par les mêmes moyens, & que les imaginations de ces deux Peuples fi éloignez se font accordées à croire Fils du Soleil, ceux qui avoient des talens extraordinaires. Puifque les Grecs avec tout leur efprit, lorfqu'ils étoient encore un Peuple nouveau, ne penferent point plus raisonnablement que les Barbares de l'Amerique, qui étoient felon toutes les apparences un Peuple affez nouveau, lorfqu'ils furent découverts par les Espagnols, il y a fujet de croire que les Ameriquains feroient venus à la fin à penser auffi raisonnablement que les Grecs, & on leur en avoit laiffé le loifir.

On trouve auffi chez les anciens Chinois, la méthode qu'avoient les anciens

« ÀÌÀü°è¼Ó »