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anciens Grecs, d'inventer des Hiftoires pour rendre raifon des chofes naturelles. D'où vient le flux & le reflux de la Mer? Vous jugez bien qu'ils n'iront point penser à la preffion de la Lune fur notre Tourbillon. C'est qu'une Princeffe eut cent enfans cinquante habiterent les rivages de la Mer, & les cinquante autres les Montagnes. De- là vinrent deux grands Peuples, qui ont fouvent guerre ensemble. Quand ceux qui habitent les rivages ont l'avantage fur ceux des Montagnes, & les pouffent devant eux, c'eft le flux; quand ils en font repouffez, & qu'ils fuyent des Montagnes vers les rivages, c'est le reflux. Cette maniere de philofopher reffemble affez à celle des Metamorphofes d'Ovide, tant il eft vrai que la même ignorance a produit à peu près les mêmes effets chez tous les Peuples.

C'est par cette raison qu'il n'y en a aucun dont l'Hiftoire ne commence

par des Fables, hormis le peuple élû, chez qui un foin particulier de la providence a confervé la verité. Avec quelle prodigieufe lenteur les hommes arrivent à quelque chofe de raifonnable, quelque fimple qu'il foit! Conferver la memoire des faits tels qu'ils ont été, ce n'eft pas une grande merveille, cependant il fe paffera plufieurs fiecles avant que l'on soit capable de le faire, & jufques-là les faits dont on gardera le fouvenir ne feront que des vifions, & des rêveries. On auroit grand tort après cela d'être furpris que la Philofophie & la maniere de aifonner ayent été pendant un grand nombre de Siecles très groffieres, & très-imparfaites,& qu'encore aujourd'hui les progrès en foient fi lents.

Chez la plupart des Peuples, les Fables fe tournerent en Religion, mais de plus, chez les Grecs, elles fe tournerent, pour ainfi dire, en agrément. Comme elles ne fournif

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fent que des idées conformes au tour d'imagination le plus commun parmi les hommes, la Poëfie & la Peinture s'en accommoderent parfaitement bien, & l'on fçait quelle paffion les Grecs avoient pour ces beaux Arts. Des Divinités de toutes les efpeces répanduës par tout, qui rendent tout vivant & animé, qui s'intereffent à tout, & ce qui eft plus important, des Divinités qui agiffent fouvent d'une maniere surprenante, ne peuvent manquer de faire un effet agréable, foit dans des Poëmes, foit dans des Tableaux, où il ne s'agit que de féduire l'imagination en lui prefentant des objets qu'elle faififfe facilement, & qui en même temps la frapent. Le moyen que les Fables ne lui convinffent pas, puifque c'eft d'elle qu'elles font nées ? Quand la Poëfie ou la Peinture les ont mifes en œuvre pour en donner le fpectacle à notre imagination, elles ne font que lui rendre fes propres ouvrages. Ii ij

Les erreurs une fois établies parmi les hommes, ont coûtume de jetter des racines bien profondes, & de s'accrocher à differentes chofes qui les foûtiennent. La Religion & le bon fens nous ont défabufés des Fables des Grecs, mais elles fe maintiennent encore parmi nous par le moyen de la Poëfie & de la Peinture, aufquelles il semble qu'elles ayent trouvé le fecret de fe rendre neceffaires. Quoique nous foyons incomparablement plus éclairés que ceux dont l'efprit groffier inventa de bonne-foi les Fables, nous reprenons très-aisément ce même tour d'efprit qui rendit les Fables fi agréables pour eux ; ils s'en repaiffoient parce qu'ils y ajoûtoient foi, & nous nous en repaiffons avec autant de plaifir fans les croire; & rien ne prouve mieux que l'imagination & la raifon n'ont guere de commerce ensemble, & que les chofes dont la raifon eft pleinement détrompée, ne perdent rien

de leurs agrémens à l'égard de l'ima gination.

Nous n'avons fait entrer jufqu'à present dans cette Hiftoire de l'Origine des Fables, que ce qui eft pris du fond de la Nature humaine ; & en effet, c'est ce qui y a dominé, mais il s'y eft joint des chofes étrangeres, aufquelles nous ne devons pas refufer ici leur place. Par exemple, les Phéniciens & les Egyptiens étant des Peuples plus anciens que les Grecs, leurs Fables pafferent chez les Grecs, & groffirent dans ce paffage, ou même leurs Hiftoires les plus vrayes y devinrent des Fables. La Langue Phénicienne,& peut-être auffi l'Egyptienne, étoit toute pleine de mots équivoques; d'ailleurs les Grecs n'entendoient guere ni l'une ni l'autre, & voilà une fource merveilleufe de méprises. Deux Egyptiennes dont le nom propre veut dire Colombes, font venues s'habituer dans la Forêt de Dodone pour y dire la bonne

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