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avanture; les Grecs entendent que ce font deux vrayes Colombes perchées fur des arbres qui prophetisent, & puis bien-tôt après ce font les arbres qui prophetifent eux-mêmes. Un Gouvernail de Navire a un nom Phénicien qui veut dire auffi parlant, les Grecs dans l'Hiftoire du Navire Argo, conçoivent qu'il y avoit un Gouvernail qui parloit. Les Sçavans de ces derniers temps ont trouvé mille autres exemples, où l'on voit clairement que l'Origine de plufieurs Fables confifte dans ce qu'on appelle vulgairement des qui pro quo, & que les Grecs étoient fort fujets à en faire fur le Phénicien ou l'Egyptien. Pour moi je trouve que les Grecs qui avoient tant d'efprit & de curiofité manquoient bien de l'un ou de l'autre, de ne pas s'aviser d'apprendre parfaitement ces Langueslà, ou de les negliger. Ne fçavoientpas bien que prefque toutes leurs Villes étoient des Colonies Egyp

ils

tiennes ou Phéniciennes, & que la plûpart de leurs anciennes Hiftoires venoient de ces Pays-là ? Les Origines de leur Langue, & les Antiquitez de leurs Pays ne dépendoientelles pas de ces deux Langues? Mais c'étoient des Langues barbares, dures, & défagréables. Plaifante délicateffe!

Lorsque l'Art d'écrire fut inventé, il fervit beaucoup à répandre les Fables, & à enrichir un Peuple de toutes les fottifes d'un autre ; mais on y gagna que l'incertitude de la tradition fut un peu fixée, que l'amas des Fables ne groffit plus tant, & qu'il demeura à peu près dans l'état où l'invention de l'Ecriture le trouva.

L'ignorance diminua peu à peu, & par confequent on vit moins de prodiges, on fit moins de faux Siftêmes de Philofophie, les Hiftoires furent moins fabuleufes; car tout cela s'enchaîne. Jufque-là, on n'avoit gardé le fouvenir des chofes paffées que

par une pure curiofité; mais on s'ap perçut qu'il pouvoit être utile de le garder, foit pour conferver les chofes dont les Nations fe faifoient honneur, foit pour décider des differents qui pouvoient naître entre les peuples, foit pour fournir des exemples de vertu, & je croi que cet ufage a été le dernier auquel on ait pensé, quoique ce foit celui dont on fait le plus de bruit. Tout cela demandoit que l'Hiftoire fut vraye ; j'entens vraye par opposition aux Hiftoires anciennes, qui n'étoient pleines que d'abfurdités; on commença donc à écrire dans quelquesNations l'Hiftoire d'une maniere plus raisonnable, & qui avoit ordinairement de la vrayfemblance.

Alors il ne paroît plus de nouvelles Fables, on fe contente feulement de conferver les anciennes. Mais que ne peuvent point les efprits follement amoureux de l'Antiquité? On va s'imaginer que fous ces Fables

font

font cachez les fecrets de la Phyfique & de la Morale. Eût-il été poffible que les Anciens euffent produit de telles rêveries fans y entendre quelque fineffe? Le nom des Anciens impose toûjours, mais affurément ceux qui ont fait les Fables n'étoient pas gens à fçavoir de la Morale ou de la Physique, ni à trouver l'art de les déguiser fous des images empruntées.

Ne cherchons donc autre chofe dans les Fables, que l'Hiftoire des erreurs de l'efprit humain. Il en eft moins capable, dès qu'il fçait à quel point ill'eft. Ce n'eft pas une science de s'être rempli la tête de toutes les extravagances des Pheniciens & des Grecs, mais c'en eft une de fçavoir ce qui a conduit les Phéniciens & les Grecs à ces extravagances. Tous les hommes fe reffemblent fi fort, qu'il n'y a point de Peuple dont les fottifes ne nous doivent faire trembler.

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DU

BONHEUR

V

Oici une matiere la plus intereffante de toutes, dont tout le monde parle, que les Philofophes, fur tout les anciens, ont traitée avec beaucoup d'étendue. Mais quoi que très-intereffante, elle eft dans le fond affez negligée, quoique tout le monde en parle, peu de gens y penfent, & quoique les Philofophes l'ayent beaucoup traitée, ç'a été fi philofophiquement que les Hommes n'en peuvent guere tirer de profit.

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On entend ici par le mot de bonheur un état une fituation telle qu'on en defirât la durée fans changement, & en cela le Bonheur eft different du Plaifir qui n'eft qu'un fentiment agréable,mais court & paffager,

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